Archives de catégorie : droit pénal

Ce qui devrait changer avec la fin des gardes à vue des sans papiers

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C’est un premier pas de la France vers une remise en cause de la garde à vue des étrangers au seul motif qu’ils sont sans papiers. Dans un avis rendu mardi 5 juin, la Cour de cassation estime que ce délit de séjour irrégulier ne saurait suffire à un placement en garde à vue dans le cadre d’une procédure d’expulsion. La décision définitive de la chambre civile de la haute juridiction est encore attendue. Si elle entérine cet avis, quel changement marquera-t-il dans la jungle du droit des immigrés clandestins ?

  • Avant 2008

La France incarcère les sans-papiers depuis 1938, rappelle un article du Monde, et la loi prévoit un an de prison et 3 750 euros d’amende pour séjour irrégulier. D’où la possibilité de les placer en garde à vue, celle procédure ne pouvant concerner qu’une personne soupçonnée d’un délit passible d’une peine de prison.

  • En UE, la « directive retour »

En 2008, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) entre en contradiction avec cette juridiction nationale : elle estime que le séjour irrégulier d’un étranger ne justifie pas une peine d’emprisonnement. C’est la « directive retour », qui signe une « limite à la criminalisation des sans-papiers », estime David Rohi, responsable de la commission nationale éloignement de la Cimade (Comité inter-mouvements auprès des évacués).

Celle-ci fixe en effet les différentes étapes de la procédure de retour des étrangers clandestins : en priorité, le départ volontaire de la personne arrêtée dans un délai de 7 à 30 jours ; s’il n’a pas lieu, l’éloignement forcé « en employant les mesures les moins coercitives possibles » ; et enfin, si cet éloignement est « compromis par le comportement de la personne », la rétention – « la plus courte possible », de 18 mois maximum, et séparément des prisonniers de droit commun.

En 2011, la CJUE envoie une piqûre de rappel (PDF) avec l’arrêt El Dridi – du nom d’un Algérien condamné à un an d’emprisonnement en Italie car il ne s’était pas conformé à un ordre de quitter le territoire. Même dans ce cas, souligne-t-elle, l’emprisonnement « est susceptible de compromettre la réalisation de l’objectif visant à instaurer une politique efficace d’éloignement et de rapatriement dans le respect des droits fondamentaux ».

  • En France, le flou juridique

En France pourtant, le flou juridique perdure et, malgré la directive de 2008 et l’arrêt de 2011, les gardes à vue d’étrangers clandestins aussi. Car « le gouvernement précédent a interprété la jurisprudence à son avantage, estimant que la garde à vue était toujours justifiée si d’autres mesures non coercitives avaient été tentées auparavant », souligne David Rohi.

Du coup, la pratique reste massivement employée : le séjour irrégulier est même l’un des premiers motifs de garde à vue, avec 60 000 personnes concernées en 2010, parmi 100 000 étrangers ayant fait l’objet d’une procédure pour ce délit.

60 000 gardés à vue, donc, mais seulement 200 condamnations à la prison ferme. Pour David Rohi, au-delà de la critique d’une pratique « trop brutalement coercitive », ces chiffres montrent un détournement de la procédure pénale de la garde à vue en procédure administrative : « Les policiers et procureurs savent pertinemment que dans plus de 95 % des cas, il ne s’agit pas de peine d’emprisonnement mais d’une reconduite à la frontière, administrative. En fait, ils font un usage de confort de ces gardes à vue, pratiques pour avoir le temps de prendre une décision. » 

  • Après le 5 juin 2012

Selon David Rohi, l’avis de la Cour de cassation a déjà eu au moins un effet, dans un tribunal de Toulouse. Un juge des libertés et de la détention, qui y validait toutes les garde à vue depuis des mois, en a annulé une mercredi.

A la place, la police peut avoir recours à d’autres procédures : l’audition libre dans les locaux de la police, laissée au bon vouloir de la personne contrôlée, et surtout, la possibilité de garder à disposition une personne pendant quatre heures pour vérifier son identité. Des mesures moins répressives pour « des personnes qui ne se considèrent pas comme des délinquants et sont bien souvent choquées par les gardes à vue », estime David Rohi.

La garde à vue est quant à elle limitée aux seuls cas où une personne est soupçonnée d’avoir « commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ». Ce qui pourrait, selon  Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés), entraîner des « effets pervers » : des placements pour des délits annexes plus ou moins fondés, tels qu’outrage aux forces de l’ordre, ou occupation illégale d’un lieu dans le cas d’une interpellation dans un squat.

Finalement, ce frein aux gardes à vue de sans-papiers pourrait avoir une incidence, certes sur le nombre de gardes à vue lui-même, qui avait explosé dans les années 2006-2008, mais aussi, dans une moindre mesure, sur le nombre d’expulsions. Et ce n’est pas un mal, juge David Rohi : « Après une politique d’expulsions massives, qui a concerné 62 000 personnes en 2010 et consistait bien souvent à jeter de la poudre aux yeux, dans le cas des Roms par exemple qui peuvent facilement revenir sur le territoire national, le nouveau gouvernement est invité à ne pas poursuivre une politique du chiffre. »

⇒ Voir l’article

Garde à vue pour séjour irrégulier, premier veto de la Cour de cassation

La Cour de cassation a fait un premier pas vers une remise en cause de la garde à vue des étrangers au seul motif qu’ils sont en séjour irrégulier, mesure à laquelle sont soumis 60.000 clandestins par an selon le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti).

La chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que le séjour irrégulier d’un étranger ne peut suffire à son placement en garde à vue dans le cadre d’une procédure d’expulsion.

Cet avis rendu mardi doit orienter la première chambre civile de la haute juridiction, qui tranchera définitivement la question à une date qui n’est pas encore connue.

« Ce serait une rupture avec l’idée que l’étranger est assimilé à un délinquant et une remise en cause de la pratique quotidienne », s’est félicité Me Patrice Spinosi, avocat de la Cimade, association assistant les étrangers en rétention.

« La question est: quand vous arrêtez un étranger en séjour irrégulier, combien de temps vous pouvez le garder et sous quel mode: garde à vue ou contrôle d’identité? » a-t-il résumé.

Actuellement, le recours à la garde à vue est généralisé. Sur 100.000 étrangers ayant fait l’objet d’une procédure pour séjour illégal, 60.000 sont passés par la cellule.

« Il y a un détournement de procédure, puisqu’on utilise une procédure pénale (la garde à vue, ndlr) pour aboutir à une décision administrative (sur une éventuelle expulsion, ndlr). On utilise la garde à vue pour le confort de la police, de la préfecture et du procureur de la République », parce qu’elle laisse plus de temps (48 heures maximum), a dénoncé Stéphane Maugendre, président du Gisti.

Vérification d’identité

Mais cette pratique est plus que jamais remise en cause par les associations de défense des étrangers depuis que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu en décembre 2011 un arrêt affirmant qu’un étranger en séjour irrégulier ne peut être emprisonné sur ce seul motif.

Elles estiment que la détention n’étant plus autorisée, les étrangers ne doivent pas être placés en garde à vue puisque l’importante réforme de cette mesure entrée en vigueur en juin 2011 limite son recours aux seuls cas où une personne est soupçonnée d’avoir « commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ».

Le gouvernement français faisait jusqu’ici une autre lecture de cet arrêt, le jugeant compatible avec la pratique de la garde à vue.

D’où la saisine de la haute juridiction dans le but de trancher ce débat et mettre fin à la cacophonie judiciaire, puisque, sur le terrain, les tribunaux rendent des décisions contradictoires, tantôt favorables aux étrangers, tantôt non.

Comme la question touche à la garde à vue, qui relève du champ de la chambre criminelle, la première chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière de droit des étrangers, avait souhaité obtenir son avis consultatif.

« Le ressortissant d’un Etat tiers ne peut (…) être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée pour entrée ou séjour irréguliers selon la procédure du flagrant délit », écrit la chambre criminelle dans l’avis consulté mercredi par l’AFP.

Si la chambre civile suit la chambre criminelle, « les pratiques policières changeront et on va revenir à la procédure de vérification d’identité », d’une durée maximale de quatre heures, a estimé M. Maugendre.

Seuls « effets pervers » à craindre, selon lui: des placements en garde à vue pour des délits annexes plus ou moins fondés (outrage aux forces de l’ordre, occupation illégale d’un lieu si interpellation dans un squat, etc.)

Etrangers : la garde à vue en situation irrégulière

, Sonya Faure,

Voilà qui pourrait faire baisser le nombre de gardes à vue plus sûrement qu’une loi. La chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé dans un avis rendu mardi que le séjour irrégulier d’un étranger ne peut suffire à son placement en garde à vue. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers d’entre elles sont pourtant décidées faute de titre de séjour (60 000 selon le Gisti, association de soutien aux immigrés). La Cour de cassation s’aligne sur le droit européen et sa lecture de la directive dite «retour» : être en situation irrégulière ne constitue pas un délit pénal et ne peut être le motif d’un emprisonnement.

«Rétention». L’avis, qui n’est pas définitif, n’empêchera pas les reconduites à la frontière. Mais, s’il est confirmé, les policiers ne pourront plus enfermer pendant vingt-quatre heures, voire quarante-huit, des étrangers en attendant de vérifier leurs papiers et d’organiser leur retour. «Cet avis pourrait mettre fin au dévoiement d’une procédure pénale [la garde à vue] dans le cadre d’une démarche purement administrative pour le seul confort des policiers, du parquet et de la préfecture», explique l’avocat Stéphane Maugendre, qui a bataillé au côté du Gisti devant le Conseil constitutionnel sur le même sujet – en vain.

«Si l’avis est suivi, la privation de liberté sera plus courte entre l’arrestation et la reconduite à la frontière : seul le contrôle d’identité, et donc une rétention de quatre heures, pourrait être envisagé par les policiers pour vérifier les dires de l’étranger», poursuit Patrick Spinosi, l’avocat qui a porté 5 des 7 dossiers pendants devant la Cour de cassation au nom de la Cimade.

Surtout, «il s’agit d’une remise en cause de l’approche française qui prévaut depuis 1938, ajoute l’avocat. Depuis l’entre-deux-guerres, la répression pénale a toujours été l’instrument de l’éloignement de ceux qui étaient en situation irrégulière – contrairement à d’autres pays voisins. L’étranger en situation irrégulière ne peut plus être considéré comme un délinquant».

Ubuesque. L’affaire n’est pourtant pas bouclée. La première chambre civile de la Cour de cassation devra dire si elle suit l’avis de la chambre criminelle – en toute logique, elle devrait, puisque c’est elle qui l’a sollicité. Cela mettrait fin à une situation ubuesque : «A Paris, un magistrat sur cinq annule les procédures qui s’appuyaient sur une garde à vue contraire à la directive « retour ». A Bobigny, ils sont quatre sur cinq», estime Me Maugendre.

Mais les étrangers en situation irrégulière n’en ont pas pour autant fini avec la garde à vue : les policiers doublent souvent leur arrestation d’un motif (présomption de travail clandestin, dégradation de bien, outrage…), qui la justifie.

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La Cour de cassation dit stop aux gardes à vue des sans-papiers

Carine Fouteau

Extrait : Les étrangers ne peuvent plus être placés en garde à vue au seul motif qu’ils sont en situation irrégulière, selon une décision de la Cour de cassation rendue mardi 5 juin. Environ 60.000 sans-papiers sont potentiellement concernés. Cet avis est le résultat de plusieurs années de bataille juridique.

Les sans-papiers ne peuvent plus être placés en garde à vue au seul motif qu’ils sont en situation irrégulière, selon une décision de la Cour de cassation rendue ce mardi 5 juin 2012.

Cet avis de la chambre criminelle (le lire dans son intégralité) doit orienter la première chambre civile de la haute juridiction, chargée de trancher définitivement. Sauf coup de théâtre, il devrait se transformer en arrêt.

Renforçant les droits des étrangers, il est historique car il devrait mettre un terme à plusieurs mois, voire plusieurs années, d’incertitudes juridiques sur cette question. Il est aussi décisif car il devrait empêcher les policiers de recourir aux gardes à vue, d’une durée maximale de 48 heures, pour vérifier …

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Garde à vue pour séjour irrégulier, premier veto de la Cour de cassation

La Cour de cassation a fait un premier pas vers une remise en cause de la garde à vue des étrangers au seul motif qu’ils sont en séjour irrégulier, mesure à laquelle sont soumis 60.000 clandestins par an selon le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti).

La chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que le séjour irrégulier d’un étranger ne peut suffire à son placement en garde à vue dans le cadre d’une procédure d’expulsion.

Cet avis rendu mardi doit orienter la première chambre civile de la haute juridiction, qui tranchera définitivement la question à une date qui n’est pas encore connue.

« Ce serait une rupture avec l’idée que l’étranger est assimilé à un délinquant et une remise en cause de la pratique quotidienne », s’est félicité Me Patrice Spinosi, avocat de la Cimade, association assistant les étrangers en rétention.

« La question est: quand vous arrêtez un étranger en séjour irrégulier, combien de temps vous pouvez le garder et sous quel mode: garde à vue ou contrôle d’identité? » a-t-il résumé.

Actuellement, le recours à la garde à vue est généralisé. Sur 100.000 étrangers ayant fait l’objet d’une procédure pour séjour illégal, 60.000 sont passés par la cellule.

« Il y a un détournement de procédure, puisqu’on utilise une procédure pénale (la garde à vue, ndlr) pour aboutir à une décision administrative (sur une éventuelle expulsion, ndlr). On utilise la garde à vue pour le confort de la police, de la préfecture et du procureur de la République », parce qu’elle laisse plus de temps (48 heures maximum), a dénoncé Stéphane Maugendre, président du Gisti.

Vérification d’identité

Mais cette pratique est plus que jamais remise en cause par les associations de défense des étrangers depuis que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu en décembre 2011 un arrêt affirmant qu’un étranger en séjour irrégulier ne peut être emprisonné sur ce seul motif.

Elles estiment que la détention n’étant plus autorisée, les étrangers ne doivent pas être placés en garde à vue puisque l’importante réforme de cette mesure entrée en vigueur en juin 2011 limite son recours aux seuls cas où une personne est soupçonnée d’avoir « commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ».

Le gouvernement français faisait jusqu’ici une autre lecture de cet arrêt, le jugeant compatible avec la pratique de la garde à vue.

D’où la saisine de la haute juridiction dans le but de trancher ce débat et mettre fin à la cacophonie judiciaire, puisque, sur le terrain, les tribunaux rendent des décisions contradictoires, tantôt favorables aux étrangers, tantôt non.

Comme la question touche à la garde à vue, qui relève du champ de la chambre criminelle, la première chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière de droit des étrangers, avait souhaité obtenir son avis consultatif.

« Le ressortissant d’un Etat tiers ne peut (…) être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée pour entrée ou séjour irréguliers selon la procédure du flagrant délit », écrit la chambre criminelle dans l’avis consulté mercredi par l’AFP.

Si la chambre civile suit la chambre criminelle, « les pratiques policières changeront et on va revenir à la procédure de vérification d’identité », d’une durée maximale de quatre heures, a estimé M. Maugendre.

Seuls « effets pervers » à craindre, selon lui: des placements en garde à vue pour des délits annexes plus ou moins fondés (outrage aux forces de l’ordre, occupation illégale d’un lieu si interpellation dans un squat, etc.)

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Garde à vue pour séjour irrégulier, premier veto de la Cour de cassation

La Cour de cassation a fait un premier pas vers une remise en cause de la garde à vue des étrangers au seul motif qu’ils sont en séjour irrégulier, mesure à laquelle sont soumis 60.000 clandestins par an selon le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti).

La chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que le séjour irrégulier d’un étranger ne peut suffire à son placement en garde à vue dans le cadre d’une procédure d’expulsion.

Cet avis rendu mardi doit orienter la première chambre civile de la haute juridiction, qui tranchera définitivement la question à une date qui n’est pas encore connue.

« Ce serait une rupture avec l’idée que l’étranger est assimilé à un délinquant et une remise en cause de la pratique quotidienne », s’est félicité Me Patrice Spinosi, avocat de la Cimade, association assistant les étrangers en rétention.

« La question est: quand vous arrêtez un étranger en séjour irrégulier, combien de temps vous pouvez le garder et sous quel mode: garde à vue ou contrôle d’identité? » a-t-il résumé.

Actuellement, le recours à la garde à vue est généralisé. Sur 100.000 étrangers ayant fait l’objet d’une procédure pour séjour illégal, 60.000 sont passés par la cellule.

« Il y a un détournement de procédure, puisqu’on utilise une procédure pénale (la garde à vue, ndlr) pour aboutir à une décision administrative (sur une éventuelle expulsion, ndlr). On utilise la garde à vue pour le confort de la police, de la préfecture et du procureur de la République », parce qu’elle laisse plus de temps (48 heures maximum), a dénoncé Stéphane Maugendre, président du Gisti.

Vérification d’identité

Mais cette pratique est plus que jamais remise en cause par les associations de défense des étrangers depuis que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu en décembre 2011 un arrêt affirmant qu’un étranger en séjour irrégulier ne peut être emprisonné sur ce seul motif.

Elles estiment que la détention n’étant plus autorisée, les étrangers ne doivent pas être placés en garde à vue puisque l’importante réforme de cette mesure entrée en vigueur en juin 2011 limite son recours aux seuls cas où une personne est soupçonnée d’avoir « commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ».

Le gouvernement français faisait jusqu’ici une autre lecture de cet arrêt, le jugeant compatible avec la pratique de la garde à vue.

D’où la saisine de la haute juridiction dans le but de trancher ce débat et mettre fin à la cacophonie judiciaire, puisque, sur le terrain, les tribunaux rendent des décisions contradictoires, tantôt favorables aux étrangers, tantôt non.

Comme la question touche à la garde à vue, qui relève du champ de la chambre criminelle, la première chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière de droit des étrangers, avait souhaité obtenir son avis consultatif.

« Le ressortissant d’un Etat tiers ne peut (…) être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée pour entrée ou séjour irréguliers selon la procédure du flagrant délit », écrit la chambre criminelle dans l’avis consulté mercredi par l’AFP.

Si la chambre civile suit la chambre criminelle, « les pratiques policières changeront et on va revenir à la procédure de vérification d’identité », d’une durée maximale de quatre heures, a estimé M. Maugendre.

Seuls « effets pervers » à craindre, selon lui: des placements en garde à vue pour des délits annexes plus ou moins fondés (outrage aux forces de l’ordre, occupation illégale d’un lieu si interpellation dans un squat, etc.)

Cour de cassation : un séjour irrégulier ne justifie pas la garde à vue

06/06/2012

 La Cour de cassation a fait un premier pas vers une remise en cause de la garde à vue des étrangers au seul motif qu’ils sont en séjour irrégulier. Une mesure à laquelle sont soumis 60 000 clandestins par an, selon le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti). La chambre criminelle de la Cour de cassation estime que le séjour irrégulier d’un étranger ne peut suffire à son placement en garde à vue dans le cadre d’une procédure d’expulsion.

Cet avis rendu mardi doit orienter la première chambre civile de la haute juridiction, qui tranchera définitivement la question à une date qui n’est pas encore connue.

«Ce serait une rupture avec l’idée que l’étranger est assimilé à un délinquant et une remise en cause de la pratique quotidienne», s’est félicité Me Patrice Spinosi, avocat de la Cimade, une association assistant les étrangers en rétention. «La question est : quand vous arrêtez un étranger en séjour irrégulier, combien de temps vous pouvez le garder ? et sous quel mode : garde à vue ou contrôle d’identité ?» a-t-il résumé.

«Un détournement de procédure», selon le Gisti

Actuellement, le recours à la garde à vue est généralisé. Sur 100 000 étrangers ayant fait l’objet d’une procédure pour séjour illégal, 60 000 sont passés par la cellule. «Il y a un détournement de procédure, puisqu’on utilise une procédure pénale (la garde à vue, ndlr) pour aboutir à une décision administrative (sur une éventuelle expulsion, ndlr). On utilise la garde à vue pour le confort de la police, de la préfecture et du procureur de la République», parce qu’elle laisse plus de temps (48 heures maximum), a dénoncé Stéphane Maugendre, président du Gisti.

Cette pratique est remise en cause depuis que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu, en décembre 2011, un arrêt affirmant qu’un étranger en séjour irrégulier ne peut être emprisonné sur ce seul motif. Les associations de défense des étrangers estiment que, la détention n’étant plus autorisée, les étrangers ne doivent pas être placés en garde à vue puisque l’importante réforme de cette mesure entrée en vigueur en juin 2011 limite son recours aux seuls cas où une personne est soupçonnée d’avoir «commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement».

Le gouvernement français faisait jusqu’ici une autre lecture de cet arrêt, le jugeant compatible avec la pratique de la garde à vue. D’où la saisine de la haute juridiction dans le but de trancher ce débat et mettre fin à la cacophonie judiciaire, puisque, sur le terrain, les tribunaux rendent des décisions contradictoires, tantôt favorables aux étrangers, tantôt non.

Une vérification d’identité «dure quatre heures», au maximum

Comme la question touche à la garde à vue, qui relève du champ de la chambre criminelle, la première chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière de droit des étrangers, avait souhaité obtenir son avis consultatif. «Le ressortissant d’un Etat tiers ne peut (…) être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée pour entrée ou séjour irréguliers selon la procédure du flagrant délit», écrit la chambre criminelle dans l’avis consulté mercredi par l’AFP. Si la chambre civile suit la chambre criminelle, «les pratiques policières changeront et on va revenir à la procédure de vérification d’identité», d’une durée maximale de quatre heures, a estimé le président du Gisti

Seuls «effets pervers» à craindre, selon lui: des placements en garde à vue pour des délits annexes plus ou moins fondés (outrage aux forces de l’ordre, occupation illégale d’un lieu si interpellation dans un squat, etc.)

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Pour la Cour de cassation, le séjour irrégulier ne justifie pas la garde à vue

  6/06/2012

La Cour de cassation a fait un premier pas vers une remise en cause de la garde à vue des étrangers au seul motif qu’ils sont en séjour irrégulier, mesure à laquelle sont soumis 60 000 clandestins par an selon le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti).

La chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que le séjour irrégulier d’un étranger ne peut suffire à son placement en garde à vue dans le cadre d’une procédure d’expulsion.

Cet avis rendu mardi doit orienter la première chambre civile de la haute juridiction, qui tranchera définitivement la question à une date qui n’est pas encore connue.

«Ce serait une rupture avec l’idée que l’étranger est assimilé à un délinquant et une remise en cause de la pratique quotidienne», s’est félicité Me Patrice Spinosi, avocat de la Cimade, association assistant les étrangers en rétention.

«La question est : quand vous arrêtez un étranger en séjour irrégulier, combien de temps vous pouvez le garder et sous quel mode: garde à vue ou contrôle d’identité ?» a-t-il résumé.

Actuellement, le recours à la garde à vue est généralisé. Sur 100 000 étrangers ayant fait l’objet d’une procédure pour séjour illégal, 60 000 sont passés par la cellule.

«Il y a un détournement de procédure, puisqu’on utilise une procédure pénale (la garde à vue, ndlr) pour aboutir à une décision administrative (sur une éventuelle expulsion, ndlr). On utilise la garde à vue pour le confort de la police, de la préfecture et du procureur de la République», parce qu’elle laisse plus de temps (48 heures maximum), a dénoncé Stéphane Maugendre, président du Gisti.

Vérification d’identité

Mais cette pratique est plus que jamais remise en cause par les associations de défense des étrangers depuis que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu, en décembre 2011, un arrêt affirmant qu’un étranger en séjour irrégulier ne peut être emprisonné sur ce seul motif.

Elles estiment que la détention n’étant plus autorisée, les étrangers ne doivent pas être placés en garde à vue puisque l’importante réforme de cette mesure, entrée en vigueur en juin 2011, limite son recours aux seuls cas où une personne est soupçonnée d’avoir «commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement». Le gouvernement français faisait jusqu’ici une autre lecture de cet arrêt, le jugeant compatible avec la pratique de la garde à vue.

D’où la saisine de la haute juridiction dans le but de trancher ce débat et mettre fin à la cacophonie judiciaire, puisque, sur le terrain, les tribunaux rendent des décisions contradictoires, tantôt favorables aux étrangers, tantôt non.

Comme la question touche à la garde à vue, qui relève du champ de la chambre criminelle, la première chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière de droit des étrangers, avait souhaité obtenir son avis consultatif.

«Le ressortissant d’un Etat tiers ne peut (…) être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée pour entrée ou séjour irréguliers selon la procédure du flagrant délit», écrit la chambre criminelle dans l’avis.

Si la chambre civile suit la chambre criminelle, «les pratiques policières changeront et on va revenir à la procédure de vérification d’identité», d’une durée maximale de quatre heures, a estimé Stéphane Maugendre.

Seuls «effets pervers» à craindre, selon lui : des placements en garde à vue pour des délits annexes plus ou moins fondés (outrage aux forces de l’ordre, occupation illégale d’un lieu si interpellation dans un squat, etc.)

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Un détenu en grève de la faim contre la « double peine »

  Ellen Salvi,

Extrait : Un Tunisien a cessé de s’alimenter depuis plus de 70 jours pour dénoncer la « double peine » dont il est victime. Une notion floue, faussement abolie par Nicolas Sarkozy en 2003.

C’est l’une des nombreuses victimes invisibles du flou qui entoure la notion de « double peine ». Abderraouf Belhassen, Tunisien de 55 ans, a entamé le 22 mars une grève de la faim pour s’opposer à sa reconduite à la frontière. Condamné en 2007 à 6 mois d’emprisonnement pour conduite sans permis et séjour irrégulier – sans qu’un mandat de dépôt ne soit prononcé –, il s’est présenté en mars au bureau d’exécution des peines du tribunal de grande instance de Paris pour obtenir des renseignements sur l’aménagement de sa peine. C’est là qu’il a été arrêté et conduit directement à la maison d’arrêt de Fresnes (94).

Déjà …

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« La mer Méditerranée est devenue le cimetière, sinon le charnier, de l’Europe. »

header-logo_v Farida Cherfaoui, 11/05/2012

Entretien avec Stéphane Maugendre, président du GISTI (Groupe d’information et de soutien aux immigrés)

Un an après la mort de 63 migrants dans une embarcation au large de la Libye, des survivants, soutenus par une coalition d’ONG, ont déposé une plainte contre X qui met en cause l’armée française pour non-assistance à personne en danger.

Les faits remontent à mars 2011. En plein chaos libyen, des milliers de personnes cherchent à fuir les violences. Parmi eux, 72 personnes d’origine éthiopienne, érythréenne, nigérienne, ghanéenne et soudanaise, embarquent à bord d’un zodiac. Destination : l’Italie. Mais très vite, ils manquent de carburant, de nourriture, d’eau potable et perdent le contrôle du bateau. Ils lancent alors un S.O.S. reçu par les garde-côtes italiens. Ceux-ci adressent alors des messages de détresse aux bâtiments présents en mer Méditerranée en indiquant leur localisation. Les appels de détresse sont répétés toutes les quatre heures pendant dix jours.

A l’époque, les eaux libyennes sont largement occupées par les forces militaires internationales puisqu’une force internationale intervient militairement en Libye.

L’embarcation est survolée deux fois par des hélicoptères. L’un d’eux largue quelques bouteilles d’eau et des biscuits aux passagers. Puis : rien.

Neuf jours de dérive s’écoulent. De nombreux occupants meurent. Les autres croisent un navire militaire, signalent leur détresse, montrent les corps des bébés morts. Personne ne leur vient en aide. L’embarcation est rejetée sur les côtes libyennes après 15 jours de dérive. Sur les onze survivants, deux mourront après leur débarquement. 63 personnes, dont 20 femmes et 3 enfants ont trouvé la mort, faute de secours.

L’affaire est aujourd’hui portée devant la justice pénale française. À cette occasion, OI – Opinion Internationale rencontre Stéphane Maugendre, président du GISTI, Groupe d’information et de soutien aux immigrés, association membre de la coalition d’ONG qui soutient les quatre plaignants.

OI : Pourquoi avoir porté plainte le 11 avril 2012 ?

Stéphane Maugendre : La mer Méditerranée est devenue le cimetière de l’Europe, sinon son charnier. Le cas qui nous préoccupe est particulier car, ici, des survivants peuvent témoigner. La plupart du temps, ces catastrophes n’épargnent personne. Dans le même temps, la mer Méditerranée reste l’une des plus surveillées au monde. On ne compte plus les procès qui confondent des pêcheurs italiens ou tunisiens qui ont porté secours aux occupants d’embarcations à la dérive.

Le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés estime qu’au moins 1500 personnes perdent la vie chaque année en mer Méditerranée en cherchant à fuir des violences. Et notre action doit servir à pointer cette hypocrisie qui laisse mourir les gens.

Le deuxième objectif de notre action vise à encourager les autres organisations internationales à nous suivre. On ne voudrait pas que ce soit une action franco-française. On souhaite que nos homologues italiens, canadiens, britanniques, ceux dont les pays ont participé à la guerre en Libye et qui ont donc aussi navigué dans les eaux libyennes et survolé le ciel du pays, entament leur propre action en justice. Connaître les responsabilités des uns et des autres constitue une nécessité.

On veut aussi que notre plainte fasse son chemin jusqu’au bout et que les responsabilités de l’armée française soient entièrement dévoilées.

OI : Comment avez-vous constitué la plainte ?

Stéphane Maugendre : C’est un travail collectif qui a mobilisé des avocats, des professeurs de droit, des experts, des chercheurs. Une année a été nécessaire pour constituer le dossier : rédiger la plainte définitive, mais surtout réunir les annexes complètes.

OI : La plainte vise-t-elle, des personnes, des services, des niveaux hiérarchiques en particulier ?

Stéphane Maugendre : Non. Personne n’est visé en particulier. Les appels de détresse ont été lancés, tous les quatre heures pendant dix jours, alors que des avions français survolaient le ciel libyen, et des navires naviguaient ou croisaient sur ses eaux. On ne peut pas s’imaginer trente secondes qu’aucun pilote ou aucun marin n’ait pas pu les entendre. C’est aberrant.

OI : D’où proviennent vos informations ?

Stéphane Maugendre : Nos informations proviennent des témoignages des victimes. Des témoignages qui ont été recueillis de différentes façons. Un film est sorti en Italie, dans lequel des survivants racontent leur tragédie : ces déclarations ont été retranscrites dans leur intégralité. Des chercheurs basés à Londres ont, à leur tour, entendu ces personnes et ont retranscrit les entretiens. Ils ont par ailleurs travaillé avec d’autres experts sur des points techniques très précis, par exemple pour connaître la trajectoire exacte de la dérive du bateau. Pour ce faire, ils ont sollicité les connaissances d’un expert américain, celui qui avait travaillé sur le crash de l’avion Rio-Paris en 2009. Un rapport en anglais est paru sur le site de la FIDH [Fédération internationale des ligues des droits de l’homme]. Nous nous sommes servis des blogs des différents navires, des points presse… Le rapport de la députée européenne Tineke Strik nous a aussi donné des éléments d’informations.

Effet que l’on n’attendait pas : des députés français se sont dits favorables à l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire. Peut-être verra-t-elle le jour…

OI : Quelle est la réaction des autorités politiques en France ?

Stéphane Maugendre : Gérard Longuet a déclaré que la France n’avait absolument rien à se reprocher car toutes les forces militaires, aériennes comme maritimes, se trouvaient dans le golfe de Syrte. Mais peu importe. Si vous vous trouvez au rez-de-chaussée d’un immeuble et que vous vous faites agresser, vous appelez au secours. Une personne au quatrième étage vous entend mais ne bouge pas et se justifie en arguant qu’une autre personne se trouve au deuxième étage, cela ne change rien. Il y a tout de même non-assistance à personne en danger.

L’appel de détresse est le plus haut niveau dans la hiérarchie des appels au secours. Nous avons intégré à notre plainte des cartes qui indiquent notamment la surface couverte par les appels de détresse. Rappelons-nous qu’ils étaient lancés tous les quatre heures et pendant dix jours : c’est du délire !

OI : Pourquoi personne n’a-t-il secouru ces personnes ?

Stéphane Maugendre : Je ne sais pas. La réponse récurrente qu’on nous oppose est la suivante : « Ils n’étaient pas dans la zone. » Le fait est que la priorité, c’était la guerre. La priorité n’est pas de sauver des gens.

Une des missions de la France en Libye consistait à surveiller les entrées et sorties des bateaux pour empêcher les entrées d’armes et… les fuites de populations. Une politique qui n’a rien de nouveau. Voyez la carte des camps construits, après négociations entre l’Europe et les pays méditerranéens, tout autour de la Méditerranée pour empêcher l’immigration.

On se fout de ce qui se passe là-bas, que les droits humains soient respectés ou pas. On s’en fout. Les gouvernements européens se sont gaussés des révolutions du printemps arabe mais qu’ont-ils fait pour aider les populations de ces territoires ?

Les violences en Libye ont provoqué la fuite de plus de 300 000 personnes, la plus grosse majorité a été accueillie par les pays voisins en révolution. Et nous, nous sommes incapables de les secourir, privilégiant les parties de chasse à l’homme à la frontière italo-française.

Plutôt que de verser dans les fantasmes délirants de l’invasion des immigrés, il faudrait s’interroger sérieusement sur la politique migratoire de l’Europe, et de la France particulièrement au vu de son implication dans le conflit libyen.

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* ONG membres de la coalition : Agenzia Habeshia, Associazione Ricreativa e Culturale Italiana (ARCI), Boat4People, Coordination et initiatives pour réfugiés et immigrés (Ciré), Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Migreurop, Progress Lawyers Network, Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH).

Avocat