Archives de catégorie : droit pénal

Deux migrants portent plainte pour « non assistance » et ciblent l’armée française

logo_site Lena Bjurström , 20/06/2013

Extrait : Deux survivants d’un drame ayant causé la mort de 63 migrants en Méditerranée en 2011 ont porté plainte contre X, le 18 juin à Paris. Dans le viseur : l’armée française.

Le 26 mars 2011, 72 migrants quittaient Tripoli et les ravages de la guerre en Libye dans une petite embarcation, à destination des côtes italiennes. En panne de carburant, ils ont dérivé pendant près de deux semaines, avant de s’échouer sur une plage libyenne. Bilan : 63 morts. Deux survivants du (…)

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63 morts en Méditerranée, une tragédie évitable

newlogohumanitefr-20140407-434 Paolo Stuppia, 19/06/2013

Hier, une plainte visant les armées française et espagnole a été déposée après le chavirage dramatique d’une embarcation pleine de migrants, en 2011, au large de la Libye.

Comment est-il possible de laisser dériver en pleine mer un zodiac chargé de 72 migrants (en majorité éthiopiens) alors que plusieurs navires et hélicoptères militaires de l’Otan connaissaient parfaitement sa position et sa situation de détresse ? C’est la question à laquelle vont devoir répondre les autorités françaises et espagnoles, saisies, mardi 18 juin, par une plainte avec constitution de partie civile par plusieurs associations d’aide aux migrants (Gisti, Migreurop, LDH, FIDH).

Les faits remontent au printemps 2011 : en pleine guerre civile libyenne, alors qu’une opération de l’Otan est déclenchée afin de chasser le colonel Kadhafi, un bateau chargé de réfugiés quitte Tripoli, en direction de l’Italie. Rapidement, les migrants perdent le contrôle du zodiac et commencent une lente dérive qui durera quinze jours. Ils lancent un appel de détresse qui sera renouvelé toutes les quatre heures pendant dix jours. Entre-temps, ils sont photographiés par un avion militaire français, ravitaillés en eau et en biscuits par un hélicoptère non identifié et croisent plusieurs bateaux militaires et civils. Mais aucun ne vient à leur secours. Lorsque le zodiac échoue enfin, pas très loin de son point de départ, on compte seulement 11 personnes rescapées, deux mourront peu de temps après. Une tragédie qui aura été fatale à 63 personnes au total. Et qui aurait pu être évitée, selon les associations.

D’ailleurs, en avril 2012, une première plainte pour non-assistance à personnes en danger avait déjà été déposée en France, mais le parquet avait classé l’affaire sans suite. « Le parquet a suivi l’avis du ministère de la Défense : l’armée française n’était pas là et, même si elle était là, sa responsabilité ne saurait être engagée car l’opération militaire relevait de l’Otan », rappelle Stéphane Maugendre, avocat français des parties civiles et président du Gisti. D’où le choix de lancer, aujourd’hui, une nouvelle procédure « en France et en Espagne, car nous sommes sûrs que le zodiac a croisé au moins un avion français et un bateau espagnol qui lui ont refusé toute assistance », explique Me Boye, l’avocat qui suivra cette plainte côté espagnol.

« J’ai pu obtenir l’asile aux Pays-Bas, mais, depuis cette traversée, j’ai des problèmes de santé, a témoigné hier Abu Kurke, Éthiopien de vingt-six ans et un des rares survivants de la tragédie. Pourquoi nous ont-ils abandonnés ? » Mussie Zerai, le prêtre érythréen qui avait recueilli les survivants, a sa réponse : c’est la politique migratoire européenne qui réduit les migrants à des « personnes à repousser, y compris lorsque leur vie est en danger », qui est responsable de ce drame.

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Des migrants poursuivent l’armée

europe1_beta, M-L Combes avec M. Lefebvre et AFP  ,19/06/2013

Ils reprochent à l’armée française de ne pas les avoir secourus alors qu’ils dérivaient en mer.

La question. L’armée française a-t-elle laissé mourir 63 migrants au large de la Libye en 2011 ? C’est ce qu’affirme deux des rescapés de ce voyage au bout de l’enfer qui ont déposé une plainte pour « non assistance à personne en danger ». Ils demandent l’ouverture d’une instruction judiciaire.

72 migrants dans un zodiac. Tout commence dans la nuit du 26 au 27 mars 2011, au tout début de l’intervention occidentale en Libye. 72 migrants sont entassés dans un zodiac qui a quitté les côtes libyennes à destination de l’Italie. Mais au bout de quelques heures à peine, le moteur lâche.

Urine et dentifrice pour survivre. C’est alors le début du calvaire. Sans eau ni nourriture, 63 candidats à l’exil meurent, certains sont emportés par les vagues. D’autres sont contraints de boire leur urine et de manger du dentifrice pour survivre. Une errance qui va durer 15 jours : leur bateau échoue finalement sur les côtes libyennes le 10 avril.

Un coup de téléphone en pleine mer. Et pourtant, deux des survivants estiment que tout aurait pu se terminer bien plus tôt. Dès le deuxième jour, les migrants avaient réussi à passer un appel de détresse avec un téléphone satellitaire. Le coup de fil avait permis d’établir leur localisation. Et les garde-côtes italiens avaient relayé le message à l’ensemble des navires circulant dans la zone.

« Personne ne nous a aidés ». Les deux plaignant affirment avoir vu des bateaux et des hélicoptères militaires passer à proximité de leur embarcation, sans qu’ils ne leur portent secours. « Nous avons vu beaucoup de bateaux militaires et des hélicoptères de combat. Deux hélicoptères qui ont tourné autour de nous, très bas. Ils ne nous ont pas aidés. On leur a montré, on leur a crié ‘Nous avons besoin d’aide !’ Mais personne ne nous a aidés », a raconté Abu, un Érythréen de 25 ans, qui a déposé plainte.

Aucun signal de détresse reçu. A Paris, le ministère de la Défense, contacté par Europe 1 affirme qu’aucun militaire n’a reçu le signal de détresse du zodiac ni vu l’embarcation à la dérive. Difficile à croire pour Stéphane Maugendre, l’avocat des survivants. « Toutes les armées disent ‘on n’était pas là’. Donc on avait la mer Méditerranée pleine de bateaux militaires mais finalement personne n’y était », s’interroge-t-il.

Le problème du secret défense. Les plaignants demandent donc l’ouverture d’une instruction judiciaire qui permettrait d’enquêter sur les positions exactes des forces de l’OTAN à l’époque. Une démarche qui imposerait de lever le secret défense.

D’autres plaintes à l’étranger. Les migrants ont également lancé des procédures dans d’autres pays. Une plainte a été ausi déposée simultanément à Madrid pour « crime de guerre par non assistance à personne en danger ». D’autres plaintes ont déjà été déposées en Italie, une autre suivra bientôt en Belgique, a ajouté Patrick Baudouin, président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH). Des procédures sont également en cours au Canada et aux Etats-Unis pour obtenir plus d’informations.

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L’armée française visée par une plainte après la mort de migrants de Libye en 2011

la-croix-logo Rémy Pigaglio , 18/06/13

Au début de l’intervention occidentale en Libye en 2011, soixante migrants étaient morts après avoir dérivé pendant deux semaines.

Deux survivants et des associations ont déposé mardi 18 juin une plainte contre X avec constitution de partie civile, forçant la saisine d’un juge d’instruction.

« Nous nous étions réunis il y a un an pour exactement la même raison : déposer plainte. » C’était en avril 2012, mais la plainte avait été classée sans suite quelques semaines plus tard par le parquet de Paris. Cette fois, Patrick Baudouin, président de la FIDH, et trois autres associations ont déployé les grands moyens : au lieu d’une plainte simple, ils ont déposé une plainte avec constitution de partie civile. La différence ? Un juge d’instruction, indépendant de l’autorité politique, est automatiquement saisi.

« Il est regrettable que le parquet de Paris se soit contenté l’an dernier des réponses du ministère de la défense » – selon lequel aucun bateau français n’était sur zone –, déplore Stéphane Maugendre, président du Gisti et avocat des survivants. « Les réponses de toutes les autorités européennes ont été lacunaires et erronées », juge Lorenzo Pezzani, chercheur et coauteur d’un rapport sur le drame.

plainte pour « non-assistance à personne en danger »

Cette absence d’enquête approfondie a poussé les associations (FIDH, Ligue des droits de l’homme, Migreurop et Gisti) et deux rescapés à déposer une nouvelle plainte mardi 18 juin matin au TGI de Paris pour « non-assistance à personne en danger ». Déposée contre X, la plainte vise en réalité l’armée française. Une plainte a été déposée simultanément en Espagne, une autre l’a déjà été en Italie et une doit l’être en Belgique.

Dans la nuit du 26 au 27 mars 2011, au tout début de l’intervention internationale en Libye, 72 migrants subsahariens embarquent à Tripoli sur un Zodiac de dix mètres de long. Leur but : l’île italienne de Lampedusa. Les passeurs leur ont assuré une traversée de 24 heures maximum. Dès le soir du 27 mars pourtant, la situation devient périlleuse. Un message de détresse est envoyé aux garde-côtes italiens et retransmis automatiquement toutes les quatre heures à tous les navires de Méditerranée. Mais personne ne leur viendra en aide. Ils dériveront pendant presque deux semaines.

Onze personnes seulement ont survécu

Pourtant, depuis début mars, la zone est sillonnée par des dizaines de navires militaires occidentaux intervenant contre les forces de Mouammar Kadhafi. Les migrants disent avoir été survolés par plusieurs aéronefs. Au moins deux bateaux militaires ont été aperçus par les migrants, dont « un grand navire gris » qui serait, selon les associations, le porte-avions Charles-de-Gaulle.

Poussé par une tempête, le navire échoue finalement à Zlitan en Libye. Onze personnes seulement ont survécu, et deux d’entre elles meurent presque immédiatement. « Au bout d’une semaine, nous n’avions plus de vivres, raconte Abu Kurke, l’un des rescapés, qui a déposé plainte. Les premiers morts étaient ceux tombés à l’eau au tout début. Puis les gens ont commencé à mourir de faim et de soif. » Après avoir été emprisonnés par les autorités libyennes, Abu Kurke et les autres rescapés sont remis de force dans un bateau et atteignent finalement l’Europe, où ils obtiendront l’asile.

« Les navires de l’Otan avaient pour mandat de protéger les civils, insiste le P. Mussie Zerai, un prêtre éry­thréen installé en Italie, qui avait été appelé du Zodiac par les migrants et avait accueilli les survivants. Ceux qui connaissent la vérité doivent la dire, afin de briser la loi du silence. »

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Dérive de migrants en Méditerranée: Deux rescapés portent plainte à Paris et Madrid

logo_72dpi2_400x400 avec AFP,

JUSTICE Ils veulent établir les responsabilités des armées française et espagnole dans le drame…

 Un bateau de migrants arrive sur l'île italienne de Lampedusa, le 1er août 2011. Sur le quai sont allongés les corps de 25 migrants africains qui tentaient de rejoindre l'Italie depuis la Libye.
ALESSIA CAPASSO/AP/SIPA

 

Deux rescapés de la dérive d’un canot de migrants, qui avait fait 63 morts en 2011 en Méditerranée, ont porté plainte mardi à Paris et Madrid pour établir les responsabilités des armées française et espagnole dans le drame. Pendant les 15 jours de dérive, «nous avons vu des hélicoptères, des navires militaires et des bateaux de pêche, mais personne ne nous a aidés», a raconté lors d’une conférence de presse l’un des neuf survivants, Abu Kurke, un Erythréen de 25 ans, qui a déposé plainte pour «non assistance à personne en danger».

Le 26 mars 2011, au début de l’intervention occidentale en Libye, 72 migrants africains avaient quitté Tripoli à bord d’un zodiac pour gagner l’Italie. Très rapidement, ils avaient perdu le contrôle de leur embarcation, qui finira rejetée sur les côtes libyennes le 10 avril. «Les gens sont morts de faim ou de soif, d’autres ont été emportés par des vagues», a expliqué Abu Kurke. «A cause des odeurs, nous avons dû jeter les corps à la mer.» Lui pense avoir survécu parce qu’il «bu un peu d’urine et mangé du dentifrice». Dès le deuxième jour, les migrants avaient passé un appel de détresse avec un téléphone satellitaire, ce qui avait permis d’établir leur localisation. Les garde-côtes italiens avaient relayé le message à l’ensemble des navires circulant dans la zone.

Une plainte a été déposée simultanément à Madrid

Pour comprendre pourquoi aucun navire ne les avait secourus alors que plusieurs bateaux occidentaux croisaient à proximité, des rescapés, soutenus par des organisations de défense des droits de l’Homme, ont lancé des actions juridiques dans plusieurs pays. En France, ils avaient déposé une première plainte en avril 2012, mais elle a été classée sans suite. M. Kurke, un autre rescapé, et quatre associations (LDH, FIDH, Gisti, Migreurop) ont donc décidé de déposer une nouvelle plainte, cette fois avec constitution de partie civile pour obtenir la nomination d’un juge d’instruction. Une plainte a été déposée simultanément à Madrid pour «crime de guerre par non assistance à personne en danger », a expliqué Me Gonzalo Boye.

D’autres plaintes ont déjà été déposées en Iralie, une autre suivra bientôt en Belgique, a ajouté Patrick Baudouin, président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH). Des procédures sont également en cours au Canada et aux Etats-Unis pour obtenir plus d’informations.

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Naufrage en Méditerranée: nouvelle plainte contre l’«omerta»

langfr-280px-Logo-crieur.svg Carine Fouteau ,18/06/2013

Extrait : Plus de deux ans après un naufrage qui a provoqué la mort de 63 migrants en mer Méditerranée, les survivants cherchent toujours à faire éclater la vérité, et notamment l’abandon dont ils estiment avoir fait l’objet de la part de militaires intervenant dans le cadre de la guerre en Libye. Deux plaintes sont déposées à Paris et à Madrid.

Plus de deux ans après la tragédie à l’origine du décès en avril 2011 de 63 migrants en mer Méditerranée, les survivants cherchent toujours à faire éclater la vérité sur ce qui leur est arrivé, notamment l’abandon dont ils estiment avoir fait l’objet de la part de militaires intervenant dans le cadre de la guerre en Libye. Lors d’une conférence de presse organisée le 18 juin à Paris, plusieurs ONG ont fait savoir que deux des rescapés ont déposé plainte pour non-assistance à personne en danger devant le tribunal de grande instance de Paris et devant l’Audiencia nacional à Madrid, visant la responsabilité des armées française et espagnole. Cette annonce intervient alors que sept migrants viennent de se …

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Le survivant d’un boat people porte plainte contre l’armée française

120px-Logo_France_Info Elise Delève, 18/06/2013

Abu Kurke, un Erythréen de 25 ans, a fui la Libye à bord d’un zodiac au début de l’intervention militaire française en 2011. Il témoigne ce mardi et raconte que les armées françaises et espagnoles avaient repéré leur bateau mais ne lui sont pas venus en aide. 63 personnes sont mortes.

Le rescapé du naufrage d’un boat people porte plainte contre l’armée française et l’armée espagnole pour « non assistance à personne en danger ». La traversée de la Méditerranée depuis la Libye devait durer deux jours. Le bateau a dérivé deux semaines, alors que les deux armées savaient qu’il était au milieu de la mer.

Le 25 mars 2011, la France intervient militairement en Libye. Abu Kurke, un jeune immigré de 25 ans, originaire d’Erythrée décide de fuir à bord d’un zodiac. Il embarque aux côtés de 71 autres migrants africains.

« Le premier jour, ça allait. Mais le temps a changé et on était trop nombreux sur le bateau », se rappelle Abu Kurke. « Dès le deuxième jour, on a appelé (par téléphone satellitaire NDLR) le père Mussie Zerai », un prêtre érythréen qui transmet leur localisation à des gardes-côtes italiens.

63 morts

« Rapidement, les gens sont morts de faim ou de soif, d’autres ont été emportés par des vagues », raconte Abu Kurke. « Au début, on a essayé de garder les corps, mais à cause des odeurs, nous avons dû les jeter à la mer ». Pour survivre, il mange du dentifrice et boit son urine.

Abu Kurke a passé plusieurs jours allongé dans le bateau, sans pouvoir bouger. Il affirme avoir vu à plusieurs reprises des « hélicoptères, des navires militaires et des bateaux de pêche ». Mais personne ne les aide. Sauf le 27 mars, où le jeune homme raconte qu’un hélicoptère militaire leur a « donné de l’eau et des biscuits. On a montré qu’il y avait des bébés à bord. Ils ont fait le signe qu’ils allaient revenir mais ils ne l’ont pas fait ».

« Selon nos calculs, en une heure, une heure et demie, le Charles De Gaulle pouvait venir secourir les migrants » (association de migrants)

Selon Stéphane Maugendre, président du groupe d’information et de soutien des immigrés, l’armée française nie toute responsabilité dans ce drame. Il a déjà tenté de lancer une procédure l’année dernière, mais s’est vu recevoir cette réponse : « Nous n’étions pas sur place et si nous étions sur place, nous étions sous le commandement de l’Otan donc nous rendons l’avis qu’il n’y a pas lieu à poursuite ».

Pourtant, affirme Stéphane Maugendre, le porte-avion Charles De Gaulle naviguait bien au large de la Libye à ce moment là. « C’est un bateau extrêmement puissant, qui va très vite et selon nos calculs, en une heure, une heure et demie, le Charles De Gaulle pouvait venir secourir les migrants ».

Après 10 jours de dérive, le zodiac échoue sur les côtes libyennes, « à bord, en plus de moi, il restait dix personnes vivantes,mais une est morte une heure plus tard et une autre en détention ». Car le groupe est en effet placé en détention. C’est l’Eglise catholique qui les fait libérer. Les autorités libyennes les contraignent ensuite à prendre un bateau pour l’Italie. Arrivé en Europe, Abu Kurke réussit à obtenir des papiers et vit désormais aux Pays-Bas.

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«On a vu plusieurs bateaux, mais ils ne nous ont pas aidés»

logo-liberation-311x113 Sylvain Mouillard,

Rescapé du naufrage d’un bateau de migrants qui a fait 63 morts en avril 2011, Abu Kurke vient de déposer plainte. Avec plusieurs ONG, il pointe l’inaction des navires militaires de l’Otan présents en pleine guerre de Libye.
Abu Kurke, le 18 juin 2013. Photo FIDH
Abu Kurke, le 18 juin 2013. Photo FIDH

Abu Kurke est un survivant. Il y a deux ans, ce jeune Ethiopien a failli laisser la vie sur un zodiac d’une dizaine de mètres, censé lui faire gagner l’Italie en moins de 48 heures. L’esquif, parti de Libye avec 72 personnes à son bord, dans la nuit du 26 au 27 mars 2011, n’atteindra jamais les côtes européennes. Après quinze jours de dérive, il est rejeté à Zliten, localité libyenne. Seuls 11 passagers sont encore vivants. Deux d’entre eux mourront après le débarquement. Abu Kurke fait partie des neufs migrants rescapés.

«Si je suis en vie aujourd’hui, c’est grâce à Dieu», confie-t-il. Le jeune homme de 26 ans vit aujourd’hui aux Pays-Bas. Il a fondé une famille, élève un petit garçon. Mais il n’a pas oublié : «Je fais souvent des cauchemars la nuit, je revis cette tragédie. On n’oublie pas facilement la mort de 63 personnes.» Aujourd’hui, Abu Kurke veut «témoigner». Le voilà à Paris pour raconter son périple et cette «aide qui n’est jamais venue».

Cette traversée funeste, en effet, s’est déroulée peu après le début de la guerre en Libye. A l’époque, la Méditerranée est quadrillée par les forces de l’Otan. Les avions français, américains et britanniques multiplient les raids pour stopper l’avancée des forces de Mouammar Kadhafi. Le canot pneumatique, durant ses quinze jours en mer, croise à plusieurs reprises la route d’avions, d’hélicoptères et de navires militaires. Dont l’aide ne viendra pourtant jamais.

«Un crime de guerre a été commis»

Pour Abu Kurke, comme pour les ONG qui le soutiennent, il s’agit de «non-assistance à personne en danger». Deux plaintes contre X, avec constitution de parties civiles, ont été déposées ce mardi, à Paris et Madrid. Une première plainte, déposée en avril 2012, avait été classée sans suite par le parquet de Paris. Stéphane Maugendre, du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), espère que la nouvelle procédure pourra aboutir et déterminera des responsabilités. «Les autorités des différents pays ne peuvent pas se contenter de dire « On n’était pas là » ou « C’est la responsabilité de l’Otan »», explique-t-il.

A lire aussi Le communiqué des ONG qui se constituent parties civiles

«Nous pensons, sans l’ombre d’un doute, qu’un crime de guerre a été commis, abonde Gonzalo Boye, l’avocat chargé des démarches auprès de la justice espagnole. Des gens sont morts en raison du manque de réactivité des autorités.» Dans son viseur : les armées française et espagnole, qui auraient ignoré les appels de détresse de l’embarcation, et pourraient être tenues pénalement responsables de la mort des 63 migrants. Depuis de longs mois, un important travail de documentation a été réalisé par les ONG. Lorenzo Pezzani, de l’université Goldsmiths, à Londres, y a participé. «La cartographie, la géolocalisation et les témoignages ont permis d’aboutir à une image précise de ce qui s’est passé. Les réponses apportées par les gouvernements sont lacunaires, au mieux, ou trompeuses, au pire.»

«Le bateau était surchargé, absolument pas stable»

Abu Kurke, lui, n’hésite pas à raconter, encore et encore, son histoire. Il fuit l’Ethiopie en 2007, après avoir écopé d’une peine de six mois de prison pour ses activités politiques. Il passe deux ans au Soudan, puis entreprend de traverser le désert. Il arrive en Libye. «En 2010, j’ai tenté de rejoindre l’Europe une première fois. J’ai été arrêté et condamné à huit mois d’emprisonnement.» A peine libéré, il entreprend de nouveau de franchir la Méditerranée. «On a payé des passeurs avec des amis. Quand j’ai vu le bateau, j’ai eu peur. Il était surchargé, absolument pas stable. Je voulais rejoindre la rive à la nage, mais les militaires libyens risquaient de nous tirer dessus.»

La traversée vire rapidement au cauchemar. A bord, on compte 72 personnes, dont 20 femmes – certaines sont enceintes – et deux bébés. Après quelques heures de navigation, les migrants manquent déjà d’eau. Ils lancent un appel au secours à l’aide de leur téléphone satellitaire. Celui-ci est répercuté par les garde-côtes italiens, toutes les quatre heures pendant dix jours, à l’Otan et aux bâtiments militaires présents en Méditerranée.

Le 27 mars, en fin de journée, un hélicoptère survole le zodiac, largue des bouteilles d’eau et des biscuits. «On lui a montré les bébés, ils ont pris des photos. Mais personne n’est revenu», dit Abu Kurke. Les jours suivants, «on a vu plusieurs bateaux, mais ils ne nous ont pas aidés», ajoute-t-il. Un grand navire gris clair, notamment, s’approche à quelques mètres, sans intervenir. «Les premières personnes sont mortes au bout de trois jours, se souvient le rescapé. La mer était agitée et certains sont tombés à l’eau. On n’a pas pu les remonter à bord.»

Pour survivre, urine et dentifrice

Privée de carburant, l’embarcation dérive lentement vers les côtes libyennes. L’hécatombe se poursuit. «Certaines personnes étaient plus robustes que moi, mais j’ai remarqué que celles qui ont bu de l’eau de mer mouraient plus rapidement. On avait conservé des bouteilles d’eau vides, que l’on remplissait avec notre urine. Quand on avait la gorge trop sèche, on en buvait une gorgée.» Le jeune Ethiopien se «nourrit» aussi de dentifrice : «J’avais vu un capitaine ghanéen faire de même.»

A peine débarqués à Zliten, les rescapés sont incarcérés. Abu Kurke ne rejoindra l’Europe que quelques mois plus tard. Ce sont cette fois les hommes de Kadhafi qui l’y forcent. Une manière de mettre la pression sur les autorités européennes, en guerre contre le «Guide», leur ancien allié.

A lire aussi «Vies perdues en Méditerranée: qui est responsable ?», le rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, publié en mars 2012

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Mort de migrants en Méditerranée, une nouvelle plainte déposée

logo-liberation-311x113  et AFP,


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Des ONG se constituent partie civile dans un procès qui s’ouvrira mardi en France et en Espagne.

Deux survivants d’un drame ayant causé la mort de 63 migrants en Méditerranée en avril 2011 vont déposer plainte mardi à Paris et à Madrid pour non-assistance à personne en danger, ont annoncé plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), qui se sont constituées parties civiles.

Ces dernières (Gisti, FIDH, LDH et Migreurop) estiment que les armées française et espagnole peuvent être tenues pénalement responsables de la mort de ces personnes, car elles auraient ignoré les appels de détresse de l’embarcation.

En avril 2012, une première plainte avait été déposée en France par plusieurs survivants, mais elle avait été classée sans suite. Cette fois-ci, les ONG se sont constituées parties civiles, « forçant ainsi l’ouverture d’une instruction pénale », a expliqué Arthur Manet, de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH). Lors de la première plainte, « le Parquet a classé sans suite sur la seule réponse du ministère de la Défense », pourtant « la première force à avoir repéré le bateau et à en avoir fait une photo, c’est l’armée française », a assuré Stéphane Maugendre, président du Groupe français d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti).

« Les militaires évoquent des navires sous commandement de l’Otan mais, d’après nous, peu de navires étaient en réalité sous le commandement de l’Otan. Comment peut-il y avoir autant de morts dans une mer aussi surveillée ? C’est la question ! » a précisé Stéphane Maugendre, qui tiendra mardi avec les autres associations une conférence de presse à Paris pour préciser leur démarche, en présence de l’un des survivants.

Les appels de détresse ignorés

Le 26 mars 2011, peu après le début du conflit libyen, 72 Africains âgés de 20 à 25 ans et deux bébés avaient embarqué à bord d’un fragile canot pneumatique dans l’espoir d’atteindre dans les 24 heures les côtes européennes. Ils avaient payé des trafiquants pour rejoindre l’Europe. Mais la situation s’était rapidement détériorée à bord de l’embarcation surchargée qui avait dérivé plusieurs jours pour être finalement rejetée sur les côtes libyennes le 10 avril.

D’après les ONG, le premier appel de détresse est reçu par les garde-côtes italiens qui adressent alors des messages de détresse à l’Otan et aux bâtiments militaires présents en mer Méditerranée en indiquant leur localisation. Ces appels seront renouvelés toutes les quatre heures pendant 10 jours. Le zodiac croise un avion, un hélicoptère militaire, deux bateaux de pêche et un gros navire militaire, qui ignorent ses signaux de détresse.

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Violences policières : la justice prononce trois non-lieux successifs

index, Laurent Borredon, 

Dans les affaires de violences policières, il y a les expertises et les contre-expertises médicales. Et si elles vont dans le même sens, défavorable aux policiers, de nouvelles expertises. Parce qu’à la fin, il y a une certitude : il n’y aura pas de procès. Cette tradition française, dénoncée à maintes reprises par les organisations de défense des droits de l’homme, la cour d’appel de Versailles l’a encore honorée, en confirmant, en moins d’un mois, trois ordonnances de non-lieu. A chaque fois, les magistrats justifient leur décision par les « divergences » entre experts.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel a clos, le 22 février, le dossier Mahamadou Marega, mort le 30 novembre 2010 à la suite d’une intervention policière à Colombes (Hauts-de-Seine). Puis, le 28 février, celui d’Ali Ziri, mort le 9 juin 2009 après son interpellation à Argenteuil (Val-d’Oise). Et, enfin, le 12 mars, celui d’Abou Bakari Tandia, mort le 24 janvier 2005 six semaines après être tombé dans le coma en garde à vue à Courbevoie (Hauts-de-Seine). Les parties civiles se sont pourvues en cassation. « La chambre de l’instruction exige des certitudes. Ce n’est pas son rôle, estime Me Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille Tandia. A ce stade, seules des charges suffisantes sont nécessaires. »

LES INCOHÉRENCES ÉCLATENT AU GRAND JOUR

Cette dernière instruction est peut-être la plus symbolique, en termes de dissimulation et de lenteur. Le 6 décembre 2004, M. Tandia sort de garde à vue dans le coma. Les policiers assurent qu’il s’est tapé lui-même la tête contre la porte dans sa cellule. Le parquet de Nanterre classe sans suite.

A la suite d’une plainte de la famille, une instruction est ouverte pour « torture et actes de barbarie ayant causé la mort » et les incohérences éclatent au grand jour : une caméra de surveillance opportunément débranchée, un dossier médical qui disparaît puis réapparaît. Une expertise de trois médecins de l’Institut médico-légal (IML) conclut en 2009 à « un ébranlement cérébral par violentes secousses de la victime » et met en doute les déclarations de l’un des policiers, puis, en 2011, après une reconstitution, attribue le coma à « une privation d’oxygène due à des contentions répétées ».

Le juge d’instruction demande alors au parquet d’élargir sa saisine à un « homicide involontaire ». Le procureur suit, et demande même la mise en examen du policier qui a maîtrisé M. Tandia. Mais entre-temps, le juge a changé, et il refuse, dans l’attente de nouvelles expertises, confiées à un autre médecin. Celui-ci reprend la version policière en tout point.

LA TECHNIQUE DU « PLIAGE »

C’est ce même professeur, spécialiste d’anatomie pathologique et de médecine légale, qui, appelé à la rescousse dans l’affaire Marega, estime que cet homme de 38 ans est mort d’une « crise drépanocytaire aiguë », conséquence d’une maladie génétique très courante et indétectable, la drépanocytose.

Rien à voir, donc, avec son arrosage au gaz lacrymogène, suivi de 17 tirs de pistolet à impulsion électrique (Taser), dont certains à bout portant, ou du « pliage » (technique de contention) subi dans l’ascenseur, pour le maintenir dans cet espace réduit. D’ailleurs, le contre-expert n’a trouvé qu’un seul impact de Taser – ce qui contredit l’ensemble des éléments du dossier. Le premier rapport, rédigé par l’IML, avait conclu « à la mort par insuffisance respiratoire aiguë massive par inhalation d’un toxique dans un contexte de plusieurs contacts de tir de Taser avec cinq zones d’impact ».

Dans l’affaire Ziri, les médecins de l’IML sont aussi assez sûrs d’eux : la technique du « pliage » – prohibée – est en cause. Ce retraité de 69 ans, interpellé de façon musclée à Argenteuil alors qu’il était le passager d’un conducteur arrêté en état d’ivresse, est « décédé d’un arrêt cardio-circulatoire (…) par suffocation multifactorielle (appui postérieur dorsal, de la face et notion de vomissements) ». Mais d’autres médecins optent pour une maladie « méconnue », une cardiomyopathie.

« TOUTES MES DEMANDES ONT ÉTÉ REFUSÉES »

Le juge n’a pas cherché à en savoir plus : il n’a produit aucun acte d’enquête durant son instruction pour « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Dans l’affaire Marega, Me Marie-Alix Canu-Bernard, avocate des proches, s’est aussi heurtée à un mur : « Toutes mes demandes ont été refusées. »

La dernière a été rejetée par la chambre de l’instruction, qui a estimé, dès avril 2012, que l’enquête allait de toute façon se conclure par un non-lieu. Et le magistrat n’a pas jugé utile de coter au dossier la décision sévère rendue par le Défenseur des droits en mai 2012 dans ce dossier. « Il faudrait des magistrats qui ne s’occupent que de ça et qui n’auraient pas besoin des mêmes policiers le lendemain dans leurs enquêtes », estime Me Stéphane Maugendre, avocat de la famille Ziri.

Sous la pression du Défenseur des droits, la prise en charge disciplinaire de ces dossiers a néanmoins évolué. Selon nos informations, 5 avertissements ont été prononcés, fin 2012, dans l’affaire Ziri. Dans le dossier Marega, un conseil de discipline a été convoqué. Jusqu’ici, dans les affaires complexes, l’administration s’abritait derrière l’enquête judiciaire pour justifier son inertie administrative.

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