Archives de catégorie : droit des étrangers

L’accueil des étrangers en préfecture encore épinglé

logoParisien-292x75 Nathalie Perrier, 26/06/2014

UNE VINGTAINE D’ORGANISATIONS associatives, syndicales et militantes, dont la LDH (Ligue des droits de l’homme), le Mrap (mouvement contre le racisme et pour l’amitié entré les peuples) ou encore le Gisti (groupe d’information et de soutien des immigrés), ont publié un livre noir sur l’accueil des étrangers en préfecture de Bobigny, en 2010. Quatre ans après, leur constat est toujours accablant, Selon ce nouveau document de 8 pages, publié hier et établi à partir de recueil de témoignages et d’observations des acteurs de terrains, « malgré une volonté d’amélioration des dispositifs d’accueil », les délais de traitements sont « de plus en plus loup » et « le traitement des dossiers est inégal et arbitraire ».

Point positif ; les files d’attentes en préfecture de Bobigny ont large-ment diminué, grâce à l’ouverture d’un service dédié aux étrangers en sous-préfecture de Saint-Denis et à la mise en place d’un préaccueil à Bobigny pour fluidifier les queues. Pour autant le temps d’attente pour accéder à un guichet reste très long. S n’est ainsi pas rare de passer plusieurs heures en préfecture pour déposer un dossier. La situation est encore pire en sous-préfecture du Raincy. « A Bobigny même si on y passe la journée on peut venir déposer son dossier dès qu’il est complet.  Au Raincy, le dépôt du dossier est soumis à l’obtention d’un rendez-vous. Or, celui-ci est donné avec un délai de plus d*un an! », dénoncent les auteurs du rapport

Le recours à internet se développe

Réclamé par les associations, le recours à Internet et aux SMS a certes contribué à réduire pour partie l’engorgement en préfecture mais exclut une partie du public, « Les étrangers qui veulent s’informer sur leur dossier sont systématiquement renvoyés à une procédure Internet qu’ils ne maîtrisent pas toujours. Idem pour le renouvellement des titres de séjour, il faut obligatoirement avoir une adresse mail, ce qui n’est pas le cas de tous les  étrangers », regrettent les associations, hostiles à ce recours exclusif à Internet.

Enfin, aux yeux des associations, le traitement des dossiers relève  toujours de « l’arbitraire ». « Certains dossiers passent sans problème, d’autres, pourtant similaires,  sont rejetés. Le travail d’études des  dossiers n’est pas ou mal fait, en  partie du fait du manque de personnel », dénonce l’avocat Stéphane Maugendre, du Gisti.

Dans la continuité du premier livre noir, les associations réclament  une réforme du code de l’entrée, du  séjour des étrangers et droit d’asile  (CESEDA) seule à même selon eux  de « mettre fin aux problèmes d’accueil et à la précarité vécue par de  nombreux étrangers ». Hier, la préfecture n‘a pas été en mesure de  répondre à nos questions.

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Des associations s’inquiètent de la création de titres de séjour pluriannuels pour les étrangers

index Marguerite Salles, 25/06/2014

AFP/THOMAS COEX
AFP/THOMAS COEX

La Cimade s’inquiète, avec 156 autres associations, du projet de loi sur l’immigration, qui devrait être présenté mi-juillet en conseil des ministres par Bernard Cazeneuve. Dans une campagne lancée mardi 24 juin, l’organisation de solidarité avec les migrants et demandeurs d’asile en France, ainsi que d’autres structures comme la Ligue des droits de l’homme et le Secours catholique, dénoncent la création de titres de séjour pluriannuels et demandent que la carte de résident de dix ans redevienne la norme.

Annoncé en 2013 et préparé par Manuel Valls, à l’époque ministre de l’intérieur, le projet de loi propose notamment la mise en place d’un nouveau titre de séjour, « pluriannuel, valable quatre ans, délivré après un an de séjour régulier en France », comme l’écrivait le député PS Mathias Fekl dans son rapport au premier ministre de mai 2013, qui a inspiré le projet de loi.

La création de ce nouveau titre de séjour pluriannuel répond au constat partagé d’un accueil et d’une intégration des étrangers qui se sont dégradés depuis plusieurs années. Mais la Cimade considère qu’il n’apporte pas de solution efficace contre l’insécurité des ressortissants étrangers en France.

Le manifeste des associations, intitulé « Pour un titre de séjour unique, valable 10 ans, délivré de plein droit », rappelle les principes qui ont porté la loi de 1984, qui instaurait l’accès à une carte de résident permettant aux immigrés de s’intégrer visiblement. Celle-ci est toujours en vigueur aujourd’hui mais est considérée comme « détricotée » par les lois immigration successives de 1993, 2003 et 2006.

Ainsi, d’après les chiffres du ministère de l’intérieur, les cartes de résident constituaient 42,7 % des titres de séjour délivrés aux étrangers admis pour la première fois sur le territoire français en 1994, contre 9,2 % seulement en 2013 (sans compter les immigrés algériens, qui relèvent d’un accord bilatéral). Aujourd’hui, selon Antoine Math, économiste à l’Institut de recherche économique et sociale et spécialiste des enjeux sociaux liés à l’immigration, « il n’y a plus d’accession à la carte de résident de manière automatique ».

De nouveaux critères se sont ajoutés, comme l’exigence de ressources suffisantes, d’un bon état de santé ou d’un emploi, leur évaluation étant laissée à l’appréciation du préfet. « On va opposer à des gens résidant depuis vingt ou trente ans en France et qui ont des enfants français qu’ils n’ont pas de ressources suffisantes », observe M. Math. Le titre de séjour le plus courant aujourd’hui a une durée d’un an ; son acquisition et son renouvellement s’opérant après trois ou quatre rendez-vous à la préfecture. Et c’est précisément l’importance du pouvoir discrétionnaire des autorités préfectorales qui est critiqué par les associations dans le fonctionnement actuel des guichets de l’immigration.

Le futur projet de loi, par l’instauration de titres pluriannuels, permettrait justement de limiter les passages en préfecture. Mais Stéphane Maugendre, le président du Groupe d’information et de soutien des immigré-e-s (Gisti) ne considère pas cela comme une avancée : « Ce qui est proposé ne retire rien à ce qui est précarisation, et ne retire rien non plus à ce qui est suspicion. J’ai plutôt l’impression que c’est un projet de loi pour désengorger les préfectures. »

Bien que le rapport Fekl préconise l’obtention de la carte de résident au bout de trois ans et non de cinq comme aujourd’hui, les associations craignent que le titre de séjour pluriannuel délégitime encore plus la carte de résident en la remplaçant petit à petit. Pour Stéphane Maugendre, « cette nouvelle carte n’est pas du tout un tremplin vers la carte de résident, et va encore compliquer les choses pour les immigrés et les demandeurs d’asile ».

La carte pluriannuelle ne sera octroyée qu’après un an de résidence légale en France, et le demandeur devra être assidu à des cours de langue et d’institutions françaises. Et tout au long des quatre années, le détenteur de la carte pluriannuelle devra justifier de son attachement aux diverses obligations, faute de quoi celle-ci pourrait lui être retirée.

La campagne lancée mardi reprend le même argumentaire que celle qui avait conduit à la mise en place de la carte de résident en 1984, et qui avait mobilisé une large partie de la population. Christian Delorme, l’ancien « curé des Minguettes » et initiateur de la Marche pour l’égalité contre le racisme en 1983, rappelle la portée symbolique et politique de cette loi votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, dans un contexte selon lui similaire à celui d’aujourd’hui : « Il a fallu se battre pas mal. Le Front national connaissait ses premiers succès, et il n’y avait pas de consensus à l’intérieur du gouvernement socialiste. Nous ne sommes pas des utopistes. »

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La carte de résident, un droit oublié des politiques d’immigration

logo_site Lena Bjurström, 24/06/2014

Créé en 1984, le titre de séjour de dix ans n’est presque plus accordé. À l’heure où le gouvernement prépare une loi sur l’immigration, 157 associations plaident pour sa revalorisation.

Le 17 juillet 1984, le parlement adoptait la loi instaurant une carte de résident de dix ans, une avancée majeure dans l’histoire du droit à l’intégration. Trente ans après, de loi en loi, l’accès à ce titre de séjour est devenu marginal, une régularisation plus courte et précaire lui étant préférée.

La part des étrangers en possession d’une carte de résident (hors Européens et Algériens, dont le séjour est régulé par des accords bilatéraux) est passée de 84,1% en 1998 à 64,7% en 2013 1.

Aujourd’hui, plus de 45% des étrangers en situation régulière vivent donc avec un titre de séjour de courte échéance, un an généralement, ce qui entrave leurs démarches pour trouver un emploi stable, ou un logement. Et chaque année, à l’heure du renouvellement, plane la menace de se voir refuser une nouvelle carte de séjour, et de rejoindre les rangs des sans-papiers.

Alors que le gouvernement planche sur un nouveau projet de loi sur l’immigration, la Cimade, le Gisti et 155 autres associations lancent un appel pour un retour à la carte de résident de dix ans.

«Les personnes immigrées faisaient partie intégrante de la société française.»

Que le gouvernement ne se cherche pas d’excuses, le contexte politique de 1984 n’était pas plus favorable à l’immigration que celui d’aujourd’hui. «Le chômage de masse sévissait déjà, le Front national était une force politique montante et l’inquiétude quant à l’avenir n’était pas moindre» , rappellent les associations, réunies en conférence de presse ce mardi, dans les locaux de la Cimade à Paris. Et il a fallu de nombreuses années de mobilisation, pour que la promesse de création de cette carte de résident soit accordée du bout des lèvres par François Mitterrand aux militants de la Marche pour l’égalité.

Le 17 juillet 1984, la loi est votée à l’unanimité par le parlement. Une avancée tant politique que symbolique, rappellent les associations : «Elle traduisait en actes le message que le gouvernement voulait faire passer à l’opinion comme à la population étrangère : les personnes immigrées […] faisaient partie intégrante de la société française.» Une philosophie qui semble aujourd’hui lointaine.

Détricotage en règle

De la loi Pasqua en 1993 aux réformes du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) de Nicolas Sarkozy, en 2003 et en 2006, le dispositif a été tranquillement détricoté, restreignant peu à peu l’accès au titre de séjour de dix ans.

«A l’époque, on pouvait obtenir automatiquement cette carte au bout de cinq années de résidence, et on pouvait la demander au bout de trois, rappelle Antoine Math, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires), Aujourd’hui, il n’y a plus rien d’automatique, et si l’on peut théoriquement en faire la demande au bout de cinq ans, il faut souvent attendre sept ans.»

Sous la houlette de Nicolas Sarkozy, les conditions limitant l’accès à la carte de résident se sont multipliées, certaines étant laissées à l’interprétation des préfectures. Les «moyens d’existence suffisants» , «l’intégration républicaine» , la «connaissance suffisante» de la langue française… «En empilant des critères flous, on laisse la place à l’arbitraire de l’administration» , dénonce Geneviève Jacques, présidente de la Cimade.

En trente ans, la délivrance de cartes de résident de dix ans s’est réduite jusqu’à atteindre 9,2% des titres de séjour accordés en 20132. Sont aujourd’hui privilégié les régularisations d’un an, «précaires» , participant d’un «cercle vicieux qui désintègre» , critique Stéphane Maugendre, président du Gisti.

«Comment voulez-vous obtenir un CDI, signer un bail, demander un prêt, avec un titre de séjour d’un an ? Dès lors, comment réunir les conditions de revenus et d’intégrations jugées nécessaires par les préfectures pour obtenir une carte de résident ? C’est sans fin !»

S’indignant de la précarité ainsi imposée aux étrangers, il lance aux journalistes présents : «Imaginez-vous vivre avec une carte d’identité d’un an ! Pensez à toutes les contraintes que ça créerait dans vos vies quotidiennes.»

«La carte de résident est aujourd’hui pensée comme une “récompense“ à l’intégration. Nous maintenons qu’au contraire, elle est une condition de l’intégration, qui ne peut se faire sans stabilité et sécurité» , tranche Geneviève Jacques, présidente de la Cimade.

Et pour elle, «l’ère du soupçon et de la méfiance vis-à-vis des immigrés », devenue «caractéristique» du mandat de Nicolas Sarkozy, semble se poursuivre aujourd’hui.

Un nouveau titre de séjour

En effet, les espoirs des associations, lors de l’élection d’un gouvernement de gauche, ont vite été douchés par la politique du ministère de l’Intérieur. Et le projet de loi en préparation n’augure, pour elles, rien de bon.

Le texte final devrait être présenté en conseil des ministres entre la fin-juin et le début du mois de juillet. En attendant, l’avant-projet de loi ne prévoit pas de revenir au titre de séjour de dix ans. Il propose en revanche une «carte de séjour pluriannuelle» d’un maximum de quatre ans.

A l’heure où la régularisation d’un an est la règle, l’initiative ne semblerait pas si mauvaise aux associations si elle n’était pas immédiatement limitée. Le texte précise en effet que «cette carte de séjour valable plus longtemps ne constitue toutefois pas un “blanc-seing“» . «L’étranger devra continuer à justifier qu’il remplit les conditions pour en bénéficier. La préfecture pourra, à tout instant, le convoquer pour un examen approfondi de situation.»

«Là encore, il n’y a pas de changement dans la généralisation du soupçon, remarque Geneviève Jacques, l’examen de la « situation » est toujours laissé à la discrétion de la préfecture, et l’étranger reste dans l’insécurité de se voir retirer son titre de séjour.»

Pour les associations, cette réforme, loin de stabiliser la situation des immigrés, créera «un titre instable soumis au contrôle permanent du pouvoir administratif» . Et cette nouvelle carte pourrait bien repousser la carte de résident, «seule à permettre la sécurité du séjour» , dans les limbes administratives, la rendant toujours plus marginale.

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Immigration : des associations réclament le retour de la carte de résident

e36487930209ecfbe3b43cdb672efca5_400x400 24/06/2014

Fabrice Andres
Fabrice Andres

« Rendez-nous la carte de résident ! » : un collectif de 157 associations a lancé mardi une campagne réclamant que ce titre de séjour de 10 ans redevienne la norme, alors qu’il a été accordé en 2013 à moins de 10 % des étrangers admis au séjour en métropole.

Le collectif, qui comprend notamment la Cimade, le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme et le Secours catholique, s’inquiète du projet de loi sur l’immigration qui doit être présenté prochainement en Conseil des ministres. Ce texte préparé par Manuel Valls et repris par son successeur à l’Intérieur Bernard Cazeneuve prévoit la création de titres de séjour pluriannuels, conformément à une promesse de campagne de François Hollande. Après un premier titre d’un an, l’immigré pourra ainsi obtenir un titre de quatre ans ou égal à la durée de son cursus pour un étudiant, de sa mission pour un salarié détaché, etc. Des contrôles pourront être effectués de manière inopinée pour vérifier que le bénéficiaire répond toujours aux conditions de délivrance de sa carte, ce que les associations considèrent comme une « épée de Damoclès » au-dessus de la tête du demandeur.

« Un projet de loi pour désengorger les préfectures »

En outre, « un verrou supplémentaire » est mis en place selon ce collectif, qui relève que l’accès à la carte de résident, à l’expiration du titre pluriannuel, sera « subordonné à une exigence renforcée de la maîtrise du français ». « Ce qui est proposé dans ce texte ne retire rien à la précarisation et à la suspicion visant les immigrés. J’ai plutôt l’impression que c’est un projet de loi pour désengorger les préfectures, point barre », a déclaré lors d’une conférence de presse le président du Gisti, Stéphane Maugendre. Plutôt que de voir naître un nouveau dispositif limité à quatre ans, les associations signataires de l’appel « Rendez-nous la carte de résident ! » réclament que le titre de séjour valable dix ans institué en 1984 soit de nouveau « délivré de plein droit ».

Les cartes de résident en régression

Or, selon des estimations fournies par ce collectif, la proportion d’étrangers titulaires de cartes de résident – en dehors des Algériens, qui ont leurs propres certificats de résidence à la faveur d’un accord bilatéral avec la France, et des ressortissants de l’Union européenne – est passé de 84,1 % en 1998 à 64,7 % en 2013. Cette carte ne représentait plus que 9,2 % des titres délivrés en 2013 aux étrangers admis au séjour en métropole, contre 44,4 % en 1995, selon ces estimations. « La carte de résident est aujourd’hui comme la récompense de l’intégration, alors que nous disons qu’elle en est la condition », a plaidé la présidente de la Cimade, Geneviève Jacques. « Le changement que nous attendions (avec la gauche au pouvoir, NDLR), pour l’instant, se présente mal », souligne-t-elle.

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Immigration : l’exercice d’équilibriste de Valls

europe1_betaBenjamin Bonneau ,31/01/2014

ANALYSE – Discret sur le sujet, le ministre de l’Intérieur ne veut s’aliéner aucun électorat.

 L’exercice est un passage obligé. Vendredi, Manuel Valls a présenté son premier bilan en matière d’immigration. Un sujet à haut risque pour le ministre de l’Intérieur, qui, depuis son entrée en fonction, alterne entre promesses de « fermeté », – ce qui lui confère une popularité certaine à droite – et preuves « d’humanisme » – pour ne pas mécontenter la gauche. « Le gouvernement précédent résumait sa politique migratoire en une phrase : ‘ferme et humaine’. Pour Valls, c’est : ‘ferme, mais humaine’ », résume pour Europe1.fr Stéphane Maugendre, avocat et président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti).

« C’est vrai qu’on l’entend moins sur l’immigration »

Manuel Valls avait commencé tambour battant, notamment sur la question Rom, qui a secoué la majorité socialiste, choquée par la fermeté de son ministre de l’Intérieur. Au cœur de l’été, en plein conseil des ministres, Manuel Valls avait été jusqu’à estimer qu’il fallait « revoir la politique migratoire ». Bronca au PS. Depuis, c’est silence radio, ou presque. Les deux réformes d’envergure en préparation – la création d’un titre de séjour pluriannuel pour les étrangers résidant en France et l’accélération de la procédure d’examen de la demande d’asile ? Repoussées aux calendes grecques.

« C’est vrai qu’on l’entend moins sur l’immigration… et heureusement, car la priorité des Français est la sécurité », assure à Europe1.fr Carlos Da Silva , député de l’Essonne et membre de la garde rapprochée de Manuel Valls. Des explications qui ne convainquent pas les associations. « Il n’y a pas eu une seule vraie réforme depuis que les socialistes sont au pouvoir. Mais nous ne sommes pas déçus car on n’attendait rien d’eux », regrette ainsi Stéphane Maugendre. Carlos Da Silva rappelle certes la suppression de la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers, mais le président du Gisti Stéphane Maugendre réplique avec le report du droit de vote des étrangers aux élections locales, une mesure que Valls a « oublié » de défendre.

« Il ne faut pas voir de stratégie politicienne là-dedans »

Si Manuel Valls choisit la discrétion sur ce sujet, ce serait, à en croire ses détracteurs, pour ne pas prendre de risques à quelques mois des municipales. Mettre sur la table ces sujets serait favoriser une thématique chère au Front national, qui n’a pas besoin de ça pour grimper dans les sondages. « Valls accompagne la montée du FN »,a taclé Marine Le Pen, vendredi sur le JDD.fr.

Et le ministre de l’Intérieur, ambitieux, ne veut se fâcher avec personne. « Il a bien conscience de la structuration de sa popularité, qui tient aussi, et surtout, à l’électorat du centre et de la droite. Il se doit donc de donner des gages dans les deux camps », analyse le politologue Pascal Perrineau, contacté par Europe1.fr. Ce qui n’empêche pas l’UMP de dénoncer son « échec » et son « laxisme ».

Pour Carlos Da Silva, Manuel Valls n’essaye en aucun cas de satisfaire tout le monde. « Il est simplement le ministre de la République, donc il doit s’assurer que la loi est respectée, dans le sens des expulsions comme des régularisations. Il ne faut pas voir de stratégie politicienne là-dedans », assure-t-il. Et quand on lui suggère que cette discrétion sur le sujet pourrait être, aussi, un moyen de repousser toute ressemblance avec Nicolas Sarkozy, ce proche collaborateur du ministre de l’Intérieur depuis 15 ans rappelle que « Nicolas Sarkozy a déjà essayé d’attirer Manuel Valls dans ses filets, qui a refusé. Il avait fait de l’immigration un positionnement politique pour chasser sur les terres du FN. Personne ne s’attend à ce que nous épousions ces méthodes ! », lance-t-il, énervé. Pour Stéphane Maugendre pourtant, leur politique migratoire, « c’est kif kif ».

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Un rapport choc sur le contentieux des étrangers provoque la colère des avocats

la-croix-logo François Jean-baptiste, 13/01/2014

Voilà une dépense que l’État ne semble pas vouloir prendre à la légère, en ces périodes de réduction du déficit public. De plus en plus d’étrangers intentent des recours en justice et la note commence à être un peu trop salée, au goût de l’administration, qui dénonce les « stratégies » de certains avocats pour développer le contentieux dans ce domaine.

Entre 2008 et 2012, les litiges spécifiques aux ressortissants d’autres pays ont provoqué un doublement des frais pour les préfectures, passant de 8,5 à 16,6 millions d’euros, révèle un rapport de l’IGA sur « l’évolution et la maîtrise des dépenses de contentieux », discrètement mis en ligne sur le site de la Place Beauvau, le 20 décembre dernier. Mais, au-delà du constat statistique, c’est l’analyse avancée par ce document qui provoque les foudres des défenseurs des migrants et demandeurs d’asile.

Tout d’abord, la mission pointe du doigt les « stratégies juridictionnelles toujours renouvelées de la part des avocats ». Ces derniers parviennent à trouver des failles juridiques qui obligent les préfectures à s’adapter, le temps que le juge de l’appel mette fin « à la jurisprudence de première instance » et à « l’effet de mode », regrettent les deux inspecteurs responsables de l’enquête, François Langlois et Chloé Mirau. Ces derniers déplorent également qu’« il n’existe à ce jour aucune limitation du droit à l’aide juridictionnelle », accessible pour tout justiciable ne disposant pas des moyens nécessaires pour régler ses frais de défense, ni aucun « coût d’entrée » pour attaquer la décision d’un préfet, « qui pourrait être dissuasif pour les premiers dossiers ». Le document s’alerte également de la multiplication des remboursements des frais engagés par le requérant lorsque l’État est perdant.

Ces positions ne manquent pas de jeter le trouble parmi les juristes spécialistes du droit des étrangers. « C’est le monde à l’envers. Si l’administration était moins dans l’illégalité, on ne se poserait pas la question du contentieux », estime Serge Slama, universitaire rattaché au Centre de recherche et d’études sur les droits fondamentaux. Les conseils de l’ordre, de leur côté, organisent leur mobilisation. Des motions contre l’état d’esprit de ce rapport ont déjà été signées par les professionnels à Bobigny, à Créteil, et d’autres sont en cours à Lyon, ou encore à Toulouse. La colère est d’autant plus grande que le document met directement en cause certains comportements. Des avocats sont accusés de voir dans ce « contentieux plutôt simple techniquement et répétitif une source lucrative de revenus ».

Cette critique est sans doute exagérée, mais pas sans fondement, témoigne Joseph Krulic, de l’Association française des juges de l’asile (Afja), qui constate que sept ou huit avocats se sont arrogé la meilleure partie des 37 000 affaires traitées à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) en 2012. « Ces cas sont réglés entre 600 et 3 000 € le dossier, et les avocats les plus habiles peuvent traiter jusqu’à 1 000 dossiers par an. Faites le calcul: il s’agit d’un vrai marché », explique le magistrat. « Certains sont dans une situation de monopole telle qu’ils obtiennent le droit de ne pas être convoqué tel ou tel jour pour ne pas avoir à se faire remplacer », poursuit-il. Gilles Piquois, après vingt-cinq ans de carrière, fait partie des grands avocats à la CNDA: « Je fais beaucoup d’affaires, c’est vrai, mais je ne peux pas faire autrement car il y a trop de dossiers à traiter. J’en refuse déjà beaucoup pour les laisser à mes confrères », se défend-il, regrettant que l’inspection générale n’ait consulté aucun ordre pour réaliser son rapport.

« Les avocats qui tirent avantage de la multiplication des procédures, c’est un épiphénomène », observe Stéphane Maugendre, président du Gisti, association prêtant une assistance juridique aux migrants. Pour cet avocat au barreau de Bobigny (Seine-Saint-Denis), l’administration est la première responsable de la situation dans laquelle elle se trouve. « Il y a quelques années, il existait encore une commission du titre de séjour dans chaque département pour éviter que les dossiers comportant des anomalies flagrantes n’arrivent devant les tribunaux, mais cette dernière a été supprimée », déplore-t-il.

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Christiane Taubira gèle l’ouverture du tribunal des étrangers à Roissy

index Franck Johannès

Extrait : C’est une satisfaction pour les associations : Christiane Taubira a décidé, mardi 17 décembre, de reporter l’ouverture, prévue le 1er janvier 2014, d’une salle d’audience du tribunal de Bobigny dans la zone d’attente de l’aéroport de Roissy. La première audience du tribunal de Meaux pour les étrangers, près du centre de rétention du Mesnil-Amelot, en Seine-et-Marne, et à proximité des pistes, avait provoqué à la mi-octobre un vif émoi. La ministre de la justice a donc décidé de commander, le 29 octobre, un rapport sur la conformité « aux exigences européennes et nationales » de l’annexe du tribunal de Bobigny dans l’aéroport. Le bref rapport, remis mardi, estime que, en l’état, cette salle d’audience court le risque d’être inconstitutionnelle, et propose quelques solutions.

La situation des étrangers dans les centres de rétention et les zones d’attente n’est pas la même. Les étrangers sans titre de séjour interpellés en France sont placés par les préfets dans des centres de rétention administrative (CRA) ; un juge des libertés et de la détention doit, au bout de vingt-cinq jours, se prononcer sur leur maintien en rétention pour vingt jours supplémentaires. Il existe trois annexes de tribunaux près des CRA, à Coquelles (Pas-de-Calais), au Canet à Marseille, et, donc, au Mesnil-Amelot.

En revanche, dans la zone d’attente pour personnes maintenues en instance (ZAPI) de l’aéroport de Roissy, l’étranger n’a juridiquement pas mis le sol français : il est cueilli à la descente d’avion, faute de passeport ou de certificat d’hébergement, et retenu quatre jours. Un juge des libertés peut prolonger son maintien jusqu’à vingt jours, voire vingt-six pour les demandeurs d’asile. D’où l’idée de créer une annexe du tribunal près de la ZAPI pour éviter d’aller jusqu’à Bobigny, à 17 km de là.

DES LOCAUX « AU CONFORT FORT SOMMAIRE »

Et cela fait du monde : Roissy détient, relève le rapport, « le record pour ce qui concerne le nombre de décisions de refus d’entrée sur le territoire », avec 6 246 refus en 2012, 6 997 personnes placées en zone d’attente présentées à un juge.

Les auteurs, Bernard Bacou, ancien président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence et Jacqueline de Guillenchmidt, ancienne membre du Conseil constitutionnel ne contestent pas la nécessité de faire venir les juges jusqu’à l’aéroport, mais les magistrats sont réservés, les avocats hostiles et les militants  choqués même si « Actuellement reste intolérable, pour le respect des droits de l’homme le  transfert massif des étrangers de la ZAP vers le siège du tribunal », de la distance ou de l’attente dans des locaux  » au confort fort sommaire ».

En revanche, penser qu’éviter les transfèrements permettra des économie est tout à fait illusoire », il s’agit en fait « d’un simple transfert de charge entre le ministère de l’intérieur et celui de la justice avec un résultat probablement négatif pour le budget global de l’État ».

Reste une difficulté : la Cour de cassation, en 2008, puis le Conseil constitutionnel, en 2011, ont jugé que les salles d’audience devaient être placées « à proximité immédiate » des centres de rétention, mais pas à l’intérieur. Le juge doit pouvoir « statuer publiquement », or l’accès aux centres de rétention, comme aux zones d’attente, est interdit au public.

« UNE VICTOIRE EN DEMI-TEINTE »

A Roissy, l’annexe du tribunal est certes indépendante, mais séparée par une simple porte. Les rapporteurs demandent qu’elle soit murée pour que l’étranger n’ait pas l’impression d’être toujours entre les mains de la police mais bien devant un juge : « Seule une sortie effective de la zone d’attente par l’extérieur » permettrait « de satisfaire la nécessité de l’apparence d’impartialité » du tribunal. Il suffit en somme de faire un détour par l’extérieur.

Enfin, « l’accueil, le contrôle de l’entrée et la surveillance de l’audience peuvent être confiés à la police aux frontières (PAF), puisque c’est elle qui a placé les étrangers en zone d’attente et qu’elle est partie à l’audience juge ne saurait siéger au domicile de l’une des parties ». Il suffirait de remplacer à l’audience la PAF par des CRS pour lever la difficulté.

Christiane Taubira, avant de prendre une décision, va devoir mener un négociation serrée avec le ministère de l’intérieur. « C’est une victoire demi-teinte, constate Me Stéphane Maugendre, le président du Groupe de soutien aux travailleurs immigrés (Gisti). Le rapport ne s’attache qu’à l’apparence de l’impartialité, et pas au problème de fond. La justice, sereine, doit être rendue sous l’œil du citoyen. Et personne n’ira jusqu’à la zone de fret de Roissy pour suivre une audience. »

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La salle d’audience n’ouvrira pas en janvier

logoParisien-292x75 Carole Sterlé, 18/12/2013

es étrangers que la police estime indésirables à leur descente d’avion continueront à être jugés à Bobigny (Seine-Saint-Denis), même en 2014. Hier, la garde des Sceaux, Christiane Taubira, a fait savoir qu’elle n’autorisait pas l’ouverture de l’annexe judiciaire à côté de la zone d’attente de Roissy au 1er janvier, tant que des aménagements ne seront pas réalisés.

Les rapporteurs veulent une « impartialité objective »

Pour cet arbitrage, Christiane Taubira a missionné deux spécialistes du droit : Bernard Bacou, ancien président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, et Jacqueline de Guillenchmidt, ancien membre du Conseil constitutionnel. Cette annexe est une première en France. Il n’y avait donc pas de jurisprudence pour savoir si elle enfreint ou non des exigences européennes ou nationales, comme le soutiennent avec vigueur des magistrats, avocats et associations de défense des étrangers. Pour eux, il s’agit ni plus ni moins d’une justice d’exception, rendue au pied des pistes, dans un lieu difficile d’accès.

Après un mois d’auditions et d’examen des lieux, les deux rapporteurs préconisent des aménagements matériels afin d’assurer « l’impartialité objective » du tribunal, ce qu’on appelle aussi l’apparence de justice. Point majeur de ce rapport, encore : la police de l’audience ne peut pas être assurée par des policiers de la PAF (police de l’air et des frontières), puisque ce sont eux qui, en amont, placent les étrangers en zone d’attente. Ils ne peuvent donc être ceux qui interpellent et ceux qui garantissent dans le même temps la sérénité des débats.

On est ici sur un site qui appartient au ministère de l’Intérieur et dans des locaux construits par ce même ministère pour le compte du ministère de la Justice. « Nous avons commencé des aménagements que nous allons poursuivre, réagit-on au cabinet de Manuel Valls. Nous avons déjà supprimé un grillage, la salle et le parking sont en libre accès. » Auparavant, on avait l’impression d’entrer sur un site aussi surveillé que la zone d’attente. Concernant la police de l’audience, l’Intérieur s’engage à « faire des propositions très rapidement », l’objectif étant d’« ouvrir dans les premiers mois de l’année 2014 ». Place Beauvau, on rappelle que cette salle d’audience, dont la construction a été décidée sous les gouvernements précédents, permettrait d’économiser aux retenus une escorte longue et pas très confortable jusqu’à Bobigny, avec des locaux d’attente exigus. Et cela permettrait aussi des économies financières.

« C’est une belle victoire mais elle est incomplète », réagit Stéphane Maugendre, avocat et président du Gisti (le groupe de soutien des étrangers). « Le rapport n’est pas allé jusqu’au bout, il aurait dû reconnaître que ces audiences, au pied des pistes sont une justice d’exception. » Cette annexe du tribunal de Bobigny est de fait réservée aux seules audiences des étrangers.

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Entre passeurs de migrants et avocats, des liaisons dangereuses

la-croix-logo Jean-Baptiste François, 10/12/2013

Alors qu’un avocat est suspecté de complicité avec une filière d’immigration clandestine, les spécialistes du droit des étrangers mettent en avant des frontières déontologiques à ne pas dépasser.

De quels faits l’avocat mis en cause doit-il répondre ?

Le tribunal correctionnel de Bobigny a commencé, lundi 9 décembre, à entendre les acteurs présumés d’un réseau de passeurs de clandestins depuis le Maroc. Parmi eux, sept personnes : des petites mains, des fonctionnaires convaincus de corruption et… un avocat, Me André Mikano, qui risque au même titre que les autres dix années de prison.

L’avocat comparaît pour aide en bande organisée à l’entrée et au séjour irrégulier de sans-papiers arrivés entre 2007 et 2010 à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle. Ces étrangers, clients de la filière illégale, auraient bénéficié d’une sorte de « forfait » incluant dans les prestations les services juridiques.

En échange de plusieurs milliers d’euros, les clandestins prenaient des billets d’avion pour le Brésil, avec un changement à Paris. Une fois dans l’aéroport français, ils étaient guidés jusqu’à la sortie à l’aide de téléphones portables afin de ne pas se retrouver nez à nez avec la police aux frontières (PAF). En cas d’interpellation, c’est Me Mikano qui assurait systématiquement leur défense, selon l’accusation.

Ce n’est pas le premier démêlé de l’avocat avec la justice : il avait déjà passé un mois et demi en prison pour des faits similaires au printemps dernier.

Comment l’avocat peut-il savoir qu’il a affaire à un passeur ?

Stéphane Maugendre, président du Gisti et avocat au barreau de Bobigny, affirme qu’il y a deux écoles de défense distinctes. « Il y a ceux qui refusent catégoriquement d’être saisi par des intermédiaires qui semblent entretenir des liens extrêmement ténus avec les personnes à défendre. Et d’autres qui, au contraire, ne vont pas être très regardants », estime-t-il.

Ce spécialiste du droit des étrangers constate de telles pratiques qu’il condamne, mais dont l’illégalité est très difficile à établir. Pour lui, la limite déontologique est franchie dès lors que l’avocat conseille directement le passeur, mais pas l’étranger lui-même. « Cela peut consister à dire aux têtes de réseau de ne pas prendre les billets d’avions tel jour, parce qu’on sait qu’un magistrat coriace sera présent au tribunal, ou encore lui dire de se présenter avec tel ou tel document ».

Comment peut-on prouver qu’un avocat est de mèche avec un passeur ?

Le procureur et la police peuvent notamment se fonder sur la nature et la fréquence des échanges entre l’avocat et les passeurs pour prouver les faits. Dans le cas de Me Mikano, l’accusation avance que Me Mikano était « l’avocat attitré » du réseau de passeurs, pour lequel il œuvrait « sciemment ».

Ses honoraires étaient fixés « à l’avance » (1500 €), sans qu’il ne connaisse l’identité de ses clients. Mais pour le bâtonnier Robert Feyler, « On n’a pas entendu à ce jour d’élément véritablement probant » à charge contre Me Mikano, « excellent avocat, grand technicien », que la police aux frontières a « dans le nez ».

De son côté, l’avocat d’André Mikano, Me Jeffrey Schinazi, considère que « c’est le procès du statut de l’avocat ». Ce dernier appelle le tribunal à faire « la différence entre une filière et le filon » d’une clientèle faite d’étrangers qui recommandent tout simplement l’avocat pour son efficacité. Le procès devrait durer quatre jours.

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