Archives de catégorie : droit des étrangers

Manifeste des délinquant(e)s de la solidarité.

« Toute personne qui (…) aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France ou dans l’espace international précité sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 €. » (Article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945)

Chaque année en France, malgré l’article 21 de la loi sur l’entrée et le séjour des étrangers, des centaines d’associations, des milliers de citoyens, accueillent, aident, informent sur leurs droits des étrangers.

Ils le font dans des conditions difficiles en raison de la faiblesse de leurs moyens et des innombrables obstacles rencontrés dans les préfectures, les administrations et institutions censées assurer accueil et protection à tous, mais aussi en raison d’une attitude de suspicion généralisée envers les étrangers. De plus en plus, ceux et celles qui défendent l’État de droit et la nécessité de l’hospitalité sont menacés de poursuites, quand ils ne sont pas mis en examen, par exemple pour avoir seulement hébergé gratuitement un étranger en situation irrégulière .

Demain, si l’actuel projet de réforme du gouvernement est voté, ces citoyens et associations « coupables » d’aide au séjour irrégulier pourront être condamnés plus sévèrement encore*.

Dans le même temps où on cherche ainsi à créer un véritable délit de solidarité, le silence est fait sur la situation des étrangers en France et en Europe, et sur le rôle effectif de centaines d’associations et de milliers de citoyens solidaires des étrangers en situation irrégulière.

Nous déclarons être l’un d’eux. Nous déclarons avoir aidé des étrangers en situation irrégulière. Nous déclarons avoir la ferme volonté de continuer à le faire. De même que nous réclamons un changement radical des politiques à l’égard des immigrés et des étrangers, nous réclamons le droit à la solidarité, contre la logique des États.

Si la solidarité est un délit, je demande à être poursuivi(e) pour ce délit.

Paris, le 27 mai 2003

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Un concert contre la double peine a attiré près de 15 000 personnes à Paris

index Sylvia Zappi, 12/05/2003

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AFP/Jean-Pierre Muller

Ils sont massés depuis près d’une heure devant l’immense podium planté place de la République, à Paris. Sous un soleil radieux, près de 15 000 personnes se sont enflammées, samedi 10 mai, pour le grand concert gratuit organisé pour les « victimes de la double peine », une campagne qui mobilise depuis dix-huit mois une quarantaine d’associations et de syndicats.

Jeunes Parisiens pour la plupart – la banlieue ne s’est pas déplacée -, ils sont venus en masse écouter les groupes les plus engagés : la Tordue, qui a composé une chanson sur ce thème, les Têtes raides, Zebda, Yann Tiersen, les Femmouzes T, les rapeurs de La Rumeur, puis Jacques Higelin, dans un bœuf improvisé. Pendant plus de sept heures, le public a écouté les discours, les histoires de vie brisée des « double peine » et les envolées des artistes.

C’était l' »ultime manifestation » de la Campagne. Pour protester une fois encore contre le sort réservé à ces milliers d’étrangers, anciens délinquants ayant purgé leur peine de prison, condamnés à une expulsion vers leur pays d’origine. Et pour donner un avertissement au gouvernement avant la discussion au Parlement du projet de loi de Nicolas Sarkozy, prévue fin juin.

La réforme, présentée en conseil des ministres le 30 avril, vise à protéger de l’éloignement du territoire les étrangers ayant fait « toute leur vie en France ». Le texte crée, sous certaines conditions, une « protection absolue » pour certaines catégories, notamment les conjoints et parents de Français, et les étrangers arrivés depuis au moins l’âge de 13 ans ou présents depuis plus de vingt ans. En aménageant la loi, sans abroger l’interdiction du territoire – plus de 2 000 peines exécutées chaque année -, le texte a mécontenté la plupart des associations, malgré les précautions de la Cimade, qui voit dans la réforme « une avancée ».

« DE LA POUDRE AUX YEUX »

« L’enjeu n’est pas de replâtrer le système ou de faire des mesures humanitaires », a prévenu le cinéaste Jean-Pierre Thorn. « Sarkozy impose tellement de conditions que le principe de protection devient une exception », assène Me Stéphane Maugendre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Le chanteur de la Rumeur a, lui, dénoncé « une discrimination à gerber ». Les poings se lèvent et un « Pas de justice, pas de paix », slogan du Mouvement de l’immigration et des banlieues, est repris par les premiers rangs.

Au-delà, c’est l’ensemble du projet de loi du ministre de l’intérieur qui était dans les têtes. Majid Cherif, des Zebda, s’est emporté contre ce « symbole d’une République qui n’intègre pas la couleur de la peau ». C’est le statut et la place des étrangers qui « révoltent »les musiciens des Têtes raides comme ceux de la Tordue. « Nous n’avons pas donné mandat à ce gouvernement pour qu’il fasse une décalcomanie de la politique de Le Pen », a lancé Michel Tubiana, de la Ligue des droits de l’homme. Quand le Chant des partisans, version Motivés, est repris par les Zebda, une forêt de poings s’est levée.

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Les associations dénoncent une réforme de la double peine « en trompe l’oeil »

index,  Sylvia Zappi, 05/04/2003

« ÇA OU RIEN, c’est quasiment la même chose. » Le verdict posé par le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) au lendemain de la rencontre entre Nicolas Sarkozy et les animateurs de la campagne contre la double peine est sévère, mais reflète assez fidèlement le sentiment dominant des associations de défense des étrangers. Mercredi 2 avril, le ministre de l’intérieur a fait connaître les conclusions du groupe de travail qu’il avait créé en novembre 2002 ( Le Monde du 4 avril).

Les principales organisations impliquées dans ce dossier ont décidé de faire connaître, vendredi, leur profonde déception » lors d’une conférence de presse.

Une « réforme en trompe l’œil », des « modifi­cations cosmétiques » : les mots pour caractéri­ser le sentiment dominant ne sont pas les mêmes. Mais le constat est partagé : la réforme qui se dessine derrière les propositions du grou­pe de travail et que Nicolas Sarkozy a déclaré fai­re siennes ne répond pas aux attentes. Le minis­tre de l’intérieur avait pourtant presque réussi à convaincre certaines associations et quelques personnalités comme Bertrand Tavemier de la sincérité de ses intentions réformatrices. Il avait ainsi publiquement reconnu le caractère « inhu­main» de l’interdiction du territoire français (ITF) pour « les étrangers dont l’essentiel de la vie est en France ».

Confronté à une campagne efficace qui mobili­sait associations, syndicats et organisations poli­tiques, relayée par des députés de plus en plus nombreux, y compris dans les propres rangs de la majorité, le ministre de l’intérieur était conve­nu qu’il était nécessaire de réformer l’ordonnan­ce de 1945 sur le séjour des étrangers.

« SE DONNER UNE IMAGE »

La réforme dessinée par le rapport du groupe ad hoc ne remet pas en cause le principe de la double peine, mais tente de l’aménager en le ren­dant moins arbitraire. Certaines associations ont l’impression de s’être fait flouer. « On est dans le domaine des effets d’annonce et de l’instrumentali­sation des associations avec un faux dialogue », analyse Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’homme (LDH). « Ces propositions vont permettre au ministre de se donner une ima­ge de mouvement alors que rien ne bouge. »

Même sévérité au Gisti, où l’on juge que si le ton général du rapport est « il faut être humain », en même temps, selon Stéphane Maugendre, avocat et vice-président de l’association, « au nom de l’“éthique de responsabilité” avan­cée pour justifier le maintien de la double peine, des principes de base comme la non-discrimina­tion et la proportionnalité des peines sont invalidés ».

D’autres se montrent plus pondérés. Le Mou­vement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuplés (MRAP) veut « rester attentif et vigi­lant » et rappeler ses positions de principe pour une interdiction absolue de prononcer des ITF. Mais Mouloud Aounit, son président, estime que « le dossier n’est pas bouclé ».

La Cimade n’est pas non plus totalement criti­que : « M Sarkozy a respecté le plan de travail annoncé. A priori, j’ai confiance », assure Ber­nard Bolze, porte-parole de la campagne, qui reconnaît cependant : « II ne touche pas au principe de l’ITF, et la vraie protection pour les résident de longue durée n’apparaît pas. » Il pense néanmoins que « le rapport n’est pas le projet de loi et que les associations ont leur rôle à jouer ».

C’est également le sentiment du député (UMP) Étienne Pinte, auteur d’une proposition de loi supprimant les ITF. « C’est un point extrêmement positif que le ministre ait tenu ses engagements. Mais j’ai du mal à comprendre pourquoi le rapport maintient les interdictions du territoire partir du moment où le ministère de l’intérieur a entre les mains la possibilité d’expulser au nom l’ordre public. » Le député a prévu d’envoyer par écrit, d’ici huit jours », ses réactions. Tout comme les associations, qui ont mis au point une lettre conjointe expliquant que « le principe de maintien de la double peine est inadmissible ».

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La double peine a la peau dure

«C’est un traitement cosmétique : le rapport arrondit un peu les angles, mais laisse les plaies à vif», estime Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’homme (LDH). «Une peine point barre» admet que «le groupe de réflexion a largement identifié les conséquences insupportables de la double peine, mais le principe même de son maintien reste inadmissible». Stéphane Maugendre, pour le Gisti (groupe d’information et de soutien des immigrés), regrette que «l’ITF soit vue comme n’importe quelle autre peine complémentaire et non comme une peine discriminatoire».

Le groupe de travail propose l’instauration de deux catégories d’étrangers bénéficiant «d’une protection absolue» contre l’expulsion quand elle est vécue comme «un bannissement», et qu’elle entraîne «l’éclatement des familles». D’une part, les étrangers nés en France ou arrivés avant l’âge de 10 ans ou de 13 ans (l’âge n’est pas encore tranché). D’autre part, ceux qui, résidant en France depuis dix ans, sont mariés à un (e) Français (e) ou parent d’enfant français.

Mais, même dans ces catégories, des exceptions sont envisagées, dans les cas d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, terrorisme ou certaines infractions à la législation des stupéfiants. «Nous découvrons que l’absolu est relatif», relève le Mrap. «Importer du cannabis suffira à constituer une exception», illustre la LDH, pour laquelle «il s’agit là de délits fourre-tout». Jean Costil, de la Cimade : «C’est la construction d’une usine à gaz comme il en existe déjà beaucoup dans le droit des étrangers.» «Les gens attendaient mieux que ça», pense le MIB, Mouvement de l’immigration et des banlieues. «On nous promet une réforme globale et on ne nous propose que du sparadrap», déplore le Syndicat de la magistrature. Moins sévère, Didier Liger, pour le syndicat des avocats de France, a tenu à «saluer le courage politique de Nicolas Sarkozy» et reconnu «des avancées notables». Les associations feront parvenir à Sarkozy leurs contre-propositions d’ici une dizaine de jours.

Le frère de l’Argentin ceinturé porte plainte

  Jacqueline Coignard, 0

Il demande «la vérité» sur le décès survenu lors de l’expulsion.

Ce sont les médias argentins qui lui ont appris son décès : son frère unique dont il était sans nouvelles depuis quatre ans, Ricardo, était mort le 30 décembre sur un aéroport parisien, avant le décollage d’un avion qui allait le ramener de force au pays (Libération du 7 janvier). Carlos Barrientos s’est alors mis à surfer sur les sites des quotidiens français pour en savoir plus sur les conditions de ce tragique embarquement sur le vol AF 416 Paris-Buenos Aires de la compagnie Air France. Depuis une semaine, Carlos Barrientos est à Paris. Avec réserve et émotion, il explique être venu accomplir son «devoir de frère».

Errance. «Je veux donner une sépulture digne à mon frère. Assister à son enterrement», dit-il. Un enterrement administratif est prévu au cimetière de Tremblay-en-France, mais sans date précise. Or Carlos doit rentrer ce lundi en Argentine, car ses ressources sont limitées. Il veut aussi reconstituer le parcours français de Ricardo, depuis son séjour à Aix jusqu’à ses errances de poète des rues à Paris. Et savoir pourquoi cet homme de 52 ans est mort. Sur ce point, il laisse la parole à ses deux avocats qui vont, en son nom et au nom des associations qu’ils représentent (1), porter plainte pour «coups mortels». Me Stéphane Maugendre et Me Sophie Thonon-Wesfreid vont déposer cette plainte contre X, la semaine prochaine, devant le doyen des juges de Bobigny.

A huis clos. Ricardo Barrientos avait été maintenu plié en deux par deux policiers qui appuyaient sur ses omoplates. La police a expliqué que c’était la procédure habituelle ; l’institut médico-légal a conclu à un infarctus ; et le juge a estimé que la mort était naturelle, avant de classer l’affaire. «Ricardo est mort à huis clos et l’enquête s’est déroulée à huis clos», constate Me Maugendre.

Il y a pourtant des contradictions entre la version officielle et les témoignages de passagers recueillis dans les différents médias. «Il y avait deux médecins parmi les passagers, dont une femme qui a constaté la mort. Aucun des passagers n’a été entendu par les enquêteurs, pas plus que les hôtesses et stewards», s’étonne Me Maugendre. Cet homme est mort entre les mains des policiers, et un minimum de transparence est nécessaire, selon les deux avocats. Ricardo a-t-il été tué ? «Je ne peux pas le présager. La justice française doit clarifier les choses, éclairer la vérité», répond Carlos. D’où l’intérêt de confier l’affaire à un juge d’instruction, comme c’est déjà le cas pour un Ethiopien décédé dans les mêmes conditions en janvier.

(1) Le Gisti, l’Anafé, le Mrap et l’Association France-Amérique latine.

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La police aux frontières face à la pression du « résultat »

index Piotr Smolar, 22/02/2003

En trois semaines, deux étrangers escortés sont morts au cours de reconduites à la frontière.

S’il y a bien un corps policier où la fameuse « culture du résultat », voulue par Nicolas Sarkozy, place les fonctionnaires dans une situation impossible, c’est la police aux frontières (PAF). Son bilan statistique ? Il est mauvais. Sur les quelque 40 000 mesures d’éloignement prononcées chaque année, le taux de reconduite est inférieur à 20 %.

La pression ministérielle est donc montée depuis quelques mois, plaçant les policiers de la PAF devant un dilemme : comment embarquer de force davanta­ge d’étrangers expulsables sur des lignes régulières sans multiplier les risques de dérapage ?

En trois semaines, deux person­nes sont mortes alors qu’elles étaient escortées et placées dans l’avion du retour. Le 30 décembre, un Argentin de 52 ans, Ricardo Barrientos, décédait d’une crise cardia­que a l’aéroport de Roissy. L’autopsie a conclu à une mort naturelle. Le 18 janvier, Mariame Getu Hagos, un Éthiopien de 24 ans, devait être reconduit sous escorte à bord d’un vol en direction de l’Afrique du Sud. Ses protestations ont incité les policiers à utiliser ce qu’ils nomment les « ges­tes techniques d’intervention », afin de le maîtriser et le réduire au silen­ce : en somme, ils l’ont maintenu compressé, assis, le visage contre les genoux. Trop longtemps. Hospi­talisé dans le coma, le jeune hom­me est décédé. «Ces deux morts ne sont pas le fruit du hasard, assure Me Stéphane Maugendre, responsa­ble du Groupe d’information et de soutien aux immigrés (Gisti). On a demandé aux policiers de faire du chiffre. Pour la PAF, ça signifie reconduire plus sévèrement. »

3 OOO REFUS d’embarquement

Suivant les recommandations d’un rapport de l’inspection géné­rale des services (IGS) et désireux de sanctionner à titre d’exemple, Nicolas Sarkozy a mis à pied les trois policiers impliqués jusqu’à l’issue de l’enquête judiciaire. Par ailleurs, le ministère de l’intérieur peaufine actuellement des aména­gements dans le mode d’interven­tion des policiers de la PAF, qui a dû gérer, en 2002, près de 3 000 refus d’embarquement, selon les chiffres de la direction générale de la police nationale.

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Des proxénètes recrutaient des adolescentes africaines à la sortie du tribunal de Bobigny

index Alexandre Garcia, 12/02/2003

Le tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a-t-il servi de plaque tournante à un réseau international de proxénétisme ? La rumeur a longtemps circulé mais elle s’est transformée en scandale quand le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) a déposé une plainte en mars 2001.

De janvier 2000 à juin 2001, une cinquantaine d’adolescentes africaines ont bien disparu quelques jours après leur passage au palais de justice, a confirmé, lundi 10 février, Françoise Bouthier-Vergez, présidente de la 13e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny, où sont jugées 10 personnes accusées de proxénétisme aggravé. Alors que la police constatait dans le même temps « un fort accroissement de la prostitution de jeunes Sierra-Léonaises sur le trottoir parisien », ces prévenus auraient mis la main sur des mineures sans papiers à leur sortie des audiences consacrées aux étrangers arrivés en France en situation irrégulière.

Dans sa plainte, le Gisti avait relaté la manière dont des « rabatteurs » africains assis dans les rangs du public profitaient des audiences pour entrer en contact avec ces jeunes femmes à qui ils proposaient un logement le temps de régler leurs problèmes administratifs. Ce mode de recrutement, qui, selon le Gisti, semblait connu de « l’ensemble du monde judiciaire de la Seine-Saint-Denis », a été détaillé au cours de l’instruction par trois prostituées, dont deux étaient passées par le tribunal. Régulièrement battues et menacées de mort, Grace, Queen et Victoria avaient été recrutées en Afrique puis prises en charge à leur arrivée en France par le réseau auquel elles devaient chacune rembourser 50 000 dollars (46 640 euros). Les trois femmes ont donné les noms de leurs souteneurs. A la tête de l’organisation, Edith Erhunmwunse, une Nigériane de 25 ans qui a réussi à prendre la fuite.

Le couple qui hébergeait les jeunes femmes a été interpellé en novembre 2001, avec d’autres membres de la filière. A l’audience, Herod et Joyce Opoku ont expliqué qu’ils n’ont fait qu’héberger pendant six mois trois filles « qui ne savaient pas où dormir » en leur demandant « 400 ou 500 francs pour l’électricité ». Interrogé sur sa fréquentation des éducateurs de l’aide sociale à l’enfance, Aron Kodua, l’ex-compagnon d’Edith, emprisonné depuis un an, a expliqué avoir voulu « rendre service » en accompagnant deux mineures sierra-léonaises à la gare, « qui ne sont jamais arrivées à leur foyer d’accueil », relevait la présidente. En 18 mois, 50 autres mineures ont fugué ainsi, « sans laisser aucune trace », a-t-elle soupiré.

Enquêtes inabouties, failles du système judiciaire, complicités éventuelles ? Aucune piste ne permet de trouver ailleurs que dans le réseau les causes d’une aussi longue série de disparitions. Tout juste est-il mentionné, dans un procès verbal, que les recrues d’Edith étaient prévenues à l’avance de l’aide qui leur serait apportée par un avocat au tribunal. « Je ne me souviens pas de son nom, mais si cet avocat est arrêté, Edith en trouvera un autre parce qu’elle a beaucoup d’argent », avait expliqué Victoria aux enquêteurs.

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les dix personnes soupçonnées de proxénétisme employant de jeunes Africaines ont été condamnées à des peines de prison.

LeMonde.fr 12/02/2003

Extrait: Les dix personnes soupçonnées d’avoir participé à un réseau de proxénétisme employant de jeunes Africaines ont été condamnées, mardi 11 février, à des peines de quinze mois à neuf ans et demi de prison par le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis)…

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Lourdes peines pour les proxénètes

logo-liberation-311x113  Charlotte Rotman,

C’était un procès très attendu. Derrière ce qui ressemble à une banale histoire de proxénétisme, se jouait lundi et hier à Bobigny une affaire qui a remué le monde judiciaire de Seine-Saint-Denis.

Embarrassante affaire

Tracy, Joy, Déborah, Bridget, Helen, Pat, Cynthia… ces prénoms, égrenés à l’audience de la 13e chambre correctionnelle à Bobigny lundi et mardi avaient un écho particulier. Car ces jeunes filles, dont la plupart ont aujourd’hui disparu, sont toutes passées après leur arrivée à Roissy devant le juge de Bobigny. Puis ont été recrutées, mineures, par des rabatteurs.

Les scènes décrites à l’audience, à l’occasion du procès de dix prévenus, se jouaient ici même dans l’enceinte du tribunal, et aux alentours. La présidente, Françoise Bouthier-Vergez, ainsi que ses deux assesseurs ont pu eux-mêmes constater ces manèges bien huilés lors de leurs permanences à l’audience des étrangers (dite du 35 quater). Cette proximité embarrassante a sans doute motivé la gravité des peines requises par le procureur, de trois à dix ans de prison, la peine maximale pour le cerveau du réseau, une Nigériane, nommée Edith, actuellement en cavale. Ce sont ces manoeuvres qui ont suscité, en 2001, une plainte déposée par le Gisti (1) (Libération du 31 octobre 2001). «Tout le monde savait», a rappelé à l’audience Me Stéphane Maugendre, partie civile pour le Gisti et le Mrap. «La procédure elle-même poussait ces jeunes filles sur le trottoir.»

Trois prostituées

Le deuxième volet de l’affaire est parisien : il fait suite à la plainte déposée en novembre 2001 par trois jeunes filles, absentes de l’audience. Rose, Grace et Victoria, jeunes prostituées, racontent alors à la police qu’elles ont été recrutées en Afrique par Edith, qui leur a procuré des documents de voyage et les a convoyées jusqu’en France. Elles ont été défendues au tribunal de Bobigny par un avocat choisi, qui a obtenu leur entrée sur le territoire. Elles déclarent alors résider chez un couple de Ghanéens : les Opoku, qui comparaissaient hier. Victoria, Rose et Grace rapportent, à tour de rôle, aux enquêteurs qu’Edith et Herod Opoku les ont accompagnées sur leur lieu de travail, porte de Vincennes. Elles devaient régler 50 000 dollars pour rembourser leurs frais d’entrée en France par versements hebdomadaires. «Edith expliquait la procédure, disait qu’il fallait se dire de la Sierra Leone, et ne pas donner son nom ghanéen, raconte Victoria aux policiers. Elle a beaucoup d’argent, elle achètera d’autres avocats.»

La présidente cite une étude de la brigade des mineurs de Paris : sur 44 enfants sierra-léonaises placées à l’Aide sociale à l’enfance, en 1999, 24 ont fugué. «Toutes les jeunes filles ont un numéro de téléphone quand elles arrivent, explique le directeur d’un foyer à la police. Elles sont soit très coquettes habillées à l’européenne, ou très simplement. Elles n’ont pas de bagages.» Et disparaissent en quelques jours. En 2000 et 2001, on compte encore 55 fugues. Lundi et mardi, quelques maillons de cette chaîne étaient donc jugés. Dix prévenus, accusés de proxénétisme, dont deux absents du box. Le couple Opoku reconnaît avoir hébergé Rose, Grace et Victoria. «Elles étaient en galère et n’avaient pas d’endroit où dormir», dit le mari. «C’est la seule chose que l’on peut reprocher à mes clients», estime leur avocate Me Yamina Belajouza, qui déplore les huit années de prison requises contre eux. «J’ignore ce qu’elles font», tente de se défendre l’épouse. «Mais elles s’absentaient la nuit, et ne revenaient qu’au petit matin, tous les jours !», s’étonne la juge. A Arron Kodua, un ancien petit ami d’Edith, la magistrate demande des explications qu’il est bien en peine de fournir. Pourquoi est-il allé déjeuner en compagnie d’une assistante sociale avec deux jeunes filles mineures qu’il ne connaissait pas, qu’il devait accompagner à la gare St-Lazare et qu’on n’a plus jamais revues ? Pourquoi a-t-il eu des contacts téléphoniques avec des prostituées notoires ? Que faisaient chez lui des documents officiels vierges dont des ordonnances judiciaires ? Pourquoi a-t-il envoyé en Espagne, au Bénin, au Sénégal, au Niger et en Italie, par le biais de la Western Union, 443 100 francs entre janvier 1999 et le milieu de l’année 2000 ?

Le fantôme Edith

Mais la grande absente, le «fantôme de ce procès» selon le procureur, demeure Edith. Une femme que la présidente décrit comme élégante, couverte de bijoux et que certains prévenus appellent «le boss», la «mother», ou «la maquerelle». «Je pense qu’il y a une structure beaucoup plus solide qui n’a pas été démantelée. La preuve en est que des filles sont toujours sur les trottoirs à Paris», a commenté l’avocate du couple. «Cette affaire n’est pas vraiment un aboutissement mais plutôt un commencement…», a estimé Me Simon Foreman, qui au nom de la Cimade et de l’Anafé (2) a engagé le parquet à se montrer vigilant face au sort des mineures étrangères. Hier soir, le compagnon d’Edith a été condamné à huit ans et demi de prison et à l’interdiction définitive du territoire. Le couple ghanéen s’est vu infliger sept ans de prison pour le mari et cinq ans et demi pour la femme. Ils veulent faire appel. Les autres prévenus ont pris des peines de quinze mois à cinq ans et demi. A côté, de la salle d’audience, défilent Chinois, Africains, femmes et hommes, escortés par la police. Peut-être encore suivis par l’ombre d’autres proxénètes.

(1) Groupe d’information et de soutien des immigrés.

(2) Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers.

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Bouda raconté par les siens

A force de côtoyer les artistes de la culture hip-hop, le réalisateur Jean-Pierre Thorn a fini par acquérir leur sens de la formule. Son premier documentaire sur le sujet, Faire kiffer les anges montrait la passion des gosses de banlieue pour la danse hip-hop. Pour On n’est pas des marques de vélo !, Thorn reprend une expression de Bouda qui, au début du film, explique à la caméra qu’il n’a jamais été un grand bandit, juste «une petite marque de vélo». Sur une passerelle qui enjambe des lignes de chemin de fer, Bouda, le danseur en doudoune et bonnet, raconte Ahmed M’Hemdi, le délinquant-toxicomane «pour qui taper des baskets était moins grave que de voler des postes», mais qui après avoir payé sa dette à la société, se voit interdit de territoire français, ce sol qu’il a si souvent embrassé en exécutant une «coupole» (figure de breakdance). Le récit de la vie de Bouda-Ahmed, étayé des témoignages de sa famille, de lui-même ou de ses potes de quartier, sert de fil conducteur au documentaire d’une heure et demie, dénué de commentaire. Les archives photo et vidéo le montrent tout jeune à l’école, lors de la première réunion hip-hop à Aulnay-sous-Bois à 12 ans… Pour Kool Shen de NTM, Bouda c’était «la mascotte», pour ses instituteurs «un petit garçon qui roulait des mécaniques», pour sa sœur, «une future star». Chaque période de sa vie est rythmée par des chorégraphies de Farid Berki ou de son groupe Authentik’A. Devant une casse automobile, ses potes montrent les performances des breakers, Berki illustre avec un duo l’aliénation de la double peine, un danseur limitant les mouvements de l’autre. Des panneaux dessinés par le graffiti artiste, Noé, reprenant des citations de Bouda ou de ses proches, soulignent le propos : «Saloperie de Monoprix, qu’est-ce que t’as fait à ma vie ?» «Faut lui laisser une chance de vivre à ce gosse.» Le tout est touchant, beau, efficace pour démontrer l’absurdité de la double peine mais parfois trop parasité par le discours démago et paternaliste de certains intervenants. Bouda, qui joue le Gavroche durant tout le film, genre «Si je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire», rectifie le tir au bout d’une heure : «On dit toujours, c’est pas de ma faute mais faut assumer. On est responsable de ses actes.» Puis l’œil brillant : «Elle est belle mon histoire, elle part juste en vrille au milieu.».

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Avocat