Archives de catégorie : droit des étrangers

Les « trois de Bamako » reconnus coupables

L'Obs - Actualité  26-06-2003

Ils avaient perturbé l’expulsion de clandestins à Roissy. Reconnus coupables « d’entrave à la circulation d’un aéronef », ils sont dispensés de peine.

Stéphane Maugendre, l’avocat de Patrick Hermann, Paul Rosner et Léandre Chevalier, trois passagers qui comparaissent pour entrave à la circulation aér Stéphane Maugendre, l’avocat de Patrick Hermann, Paul Rosner et Léandre Chevalier

Trois passagers d’un vol commercial Paris-Bamako qui avaient protesté contre l’expulsion de clandestins maliens embarqués de force à bord de l’appareil, ont été reconnus lundi coupables d’entrave volontaire à la circulation ou la navigation d’un aéronef par le tribunal correctionnel de Bobigny, qui n’a toutefois pas prononcé de peine à leur encontre, selon leur collectif de soutien.

Les trois hommes, Paul Rosner, Léandre Chevalier, qui partaient en mission humanitaire au Mali pour l’association IMRAGEN, et Patrick Herman, un membre de la Confédération paysanne, avaient été interpellés le 17 avril dernier à l’aéroport de Roissy lors d’incidents à bord d’un avion Air Méditerranée. Passibles d’une peine maximale de cinq ans de prison et 37.500 euros d’amendes, ils disaient n’avoir fait preuve d’aucune violence verbale ou physique à l’égard des forces de l’ordre.

Le jugement du tribunal est conforme aux réquisitions du procureur de la République qui avait réclamé la reconnaissance de culpabilité avec dispense de peine. Les avocats des trois prévenus avaient plaidé la relaxe.

« On ne comprend pas très bien » cette décision, a commenté Réjane Mouillot, porte-parole du collectif de soutien des trois hommes, qui a annoncé que le collectif comptait poursuivre la mobilisation dans des affaires similaires qui seront prochainement jugées.« Ca tape, ça tape ! »Dans le récit qu’ils avaient fait des incidents sur le site internet de leur collectif de soutien, Paul Rosner et Léandre Chevalier avaient décrit une situation de « confusion totale » dans l’avion: l’embarquement avait eu lieu avec plusieurs heures de retard et les passagers déjà excédés par l’attente avaient trouvé à bord des clandestins maliens, dont certains poussent des cris, encadrés par des policiers.

Ils reconnaissent avoir argué devant un représentant des forces de l’ordre -qui les invitait à descendre s’ils n’étaient pas d’accord- qu’ils avaient payé leur place comme les autres et Paul Rosner a tenté de prendre une photo quand certains passagers ont affirmé que les policiers frappaient les clandestins.

« On les entendait crier, hurler, puis d’un seul coup les gens ont crié ‘ça tape, ça tape! »‘, a raconté Léandre Chevalier sur France Info. « Le simple fait pour moi de voir des gens hurler, crier, c’est insupportable; c’est un vol commercial, se retrouver avec des gens comme ça attachés, cela fait un peu traite des esclaves. »

Paul Rosner a déploré de son côté avoir été « mis devant le fait accompli » d’une « mesure de reconduite aux frontières », qualifiant l’incident d’hallucinant ». Lui et Léandre Chevalier précisent s’être enquis avant l’embarquement de la présence de trois camionnettes de police devant la porte et s’être vu répondre que cela ne concernait pas leur voyage.

« Criminalisation de la solidarité »

Plusieurs syndicats et associations, dont Droits Devant!, Droit au Logement, la Confédération paysanne, ainsi que le Parti communiste français, qui dénonce « une répression des actes de solidarité », ont apporté leur soutien aux trois hommes. Le syndicat de la magistrature (SM) a ainsi dénoncé mardi « la criminalisation de la solidarité envers les étrangers en situation de détresse ». « La pénalisation de la solidarité citoyenne est la triste leçon à tirer de la poursuite et de la condamnation des trois passagers du vol Paris-Bamako, coupables d’avoir protesté contre les conditions d’expulsion de quatre Maliens en situation irrégulière », estime le SM (gauche) dans un communiqué. « La notion fourre-tout d’entrave à la circulation d’un aéronef permet de pénaliser désormais des réactions de pure humanité », avertit le syndicat. Il fustige une « politique de répression, judiciaire et législative qui est destinée à paralyser dans un avenir proche toute solidarité, associative ou individuelle, avec ceux qui nous sont désignés comme des fraudeurs et des délinquants potentiels, les étrangers et les immigrés ».

« Les autorités françaises (…) s’inscrivent dans une violation réitérée des principes fondamentaux de la Convention européenne des droits de l’Homme », conclut le SM. (avec AP)

Vol Paris-Bamako : trois passagers condamnés mais dispensés de peine

index Bertrand Bissue, 25/06/ 2003

Extrait : Ils protestaient contre la reconduite à la frontière de sans-papiers . COUPABLES, mais dispensés de peines. Devant un auditoire composé de militants associatifs et de sympathisants (Gisti, Attac…), la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a rendu un jugement mi-chèvre mi-chou, lundi 23 juin, à l’encontre de trois passagers d’un vol Paris-Bamako, au Mali…

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Les révoltés du Paris-Bamako dispensés de peine

20minutes.fr  Guillaume Frouin, 24/06/2003

S.Pouzet/20Minutes
S.Pouzet/20Minutes

Ils sont coupables, certes, mais ils ne purgeront pas de peine. Le tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a suivi les réquisitions du procureur, hier après-midi, à l’encontre des trois passagers du vol Paris-Bamako poursuivis pour « entrave à la circulation aérienne ». Patrick Hermann, Léandre Chevalier et Paul Rosner s’étaient opposés le 17 avril dernier, à Roissy, à l’expulsion de quatre Maliens sans-papiers, embarqués de force dans leur avion. Après une altercation avec la police, tous trois étaient débarqués de l’appareil et placés en garde à vue. « Aujourd’hui, de qui et de quoi veut-on faire le procès ?, s’est interrogé le procureur. Le problème des étrangers en situation irrégulière, ce n’est pas ici qu’il sera réglé. » Le procès avait pris une tournure politique après que trois cents sympathisants d’Attac, des Verts ou des collectifs de sans-papiers eurent investi le tribunal pour manifester leur soutien aux prévenus. Seule une moitié avait pu s’installer dans la salle d’audience, faute de place. La décision de dispense de peine du tribunal n’a en tout cas pas satisfait les trois prévenus, dont les avocats plaidaient la relaxe. « Dégoûté », Paul Rosner y voit un symbole de « la politique de M. Sarkozy ». « Ce que l’on nous reproche, c’est d’avoir été debout dans cet avion et d’avoir refusé de détourner le regard de ce que se passait à l’arrière de l’appareil », a ajouté pour sa part Patrick Hermann, un des trois autres passagers.

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Le vol Paris-Bamako atterrit au tribunal

  Fabrice Tassel

Sébastien Calvet
Sébastien Calvet

C’est de la défiance davantage que de la colère. Ces citoyens venus soutenir les «rebelles» du vol Paris-Bamako n’ont plus confiance : le tribunal de Bobigny ne va-t-il pas juger trois hommes qui ont osé manifesté leur colère alors que la police expulsait, le 17 avril, quatre Maliens en situation irrégulière ? Alors, quand il s’agit, dans la salle pleine à craquer, de libérer des places pour les journalistes, cette foule en perte de confiance s’arroge un droit de censure : France 3 ? Oui. Canal + ? Non, sous les lazzis. Un journaliste du Larzac, «qui a fait 700 bornes» ? Bien sûr. Les policiers appellent les CRS pour contenir l’impatience de ceux qui restent à la porte. La situation reste pourtant calme. Elle le demeure trois heures plus tard, après les réquisitions.

Clients plutôt que citoyens. «Libre et traumatisé», avait dit un peu plus tôt à la barre un témoin qui avait été menotté et embarqué dans le fourgon de police avec les trois prévenus, avant d’en être libéré. Libres et traumatisés, ainsi apparaissent le public et les prévenus après l’annonce de la condamnation : «Coupables, mais dispensés de peine», conformément aux réquisitions du parquet. Le procureur avait demandé au tribunal de sanctionner «ces remarques intempestives incitant les autres passagers à refuser ce qui était décidé par les services de police».

Pour éviter toute politisation des débats, le parquet a fustigé une attitude de clients plutôt qu’une démarche de citoyens. Il devenait plus facile de constater que trois clients ont bel et bien «entravé», selon la qualification pénale, le départ du vol Paris-Bamako. A la barre, Paul Rosner, Léandre Chevalier et Patrick Herman n’ont pas osé s’affirmer comme ce qu’ils sont : des citoyens-militants. Les trois ont prudemment mis en avant les risques «pour la sécurité du vol» que représentait l’expulsion, «dans les hurlements et les pleurs». Maladroitement, les prévenus ont tenté de se glisser dans l’habit du consommateur mécontent de la prestation qu’il a payée. Seules les questions du tribunal leur font avouer leur «honte face aux conditions inhumaines infligées aux expulsés».

«Droit de m’indigner». Un témoin d’origine mauritanienne, Djibril Ba, lui aussi brièvement menotté dans le fourgon, trouve les mots qui manquent aux prévenus : «Je suis devenu français, j’ai adopté les lois françaises mais j’ai encore le droit de m’indigner.» Tout comme l’a fait le commandant de bord qui a demandé, en vain, à l’escorte de police de descendre de l’avion. Le refus n’a fait qu’envenimer la situation.

Le parquet se veut aérien, au plus près du code de l’aviation civile. «Qu’il soit insupportable de vivre une situation inhumaine, bien sûr, explique le procureur, mais il faut être honnête avec soi-même : ce que ces messieurs ont eu à vivre, c’était leur problème, celui d’un consommateur de voyage surtout intéressé par son propre devenir : son arrivée à Bamako.».

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entrave à la circulation d’un aéronef

AFP, Jack Guez, 23/06/2003

IMG_2219Stéphane Maugendre, l’avocat de Patrick Hermann, Paul Rosner et Léandre Chevalier, trois passagers qui comparaissent pour entrave à la circulation d’un aéronef.

Le tribunal de grande instance de Bobigny rendu lundi soir un verdict en demi-teinte sur le sujet sensible des expulsions des étrangers en situation irrégulière, jugeant trois passagers coupables d’entrave à le circulation aérienne sur un vol Paris-Bamako le 17 avril, mais les dispensent de peine.

Mis en examen pour compassion

Actualités Politique, Monde, Economie et Culture - L'Express Dupont Audrey, 

Gare à ceux qui aident les immigrés

La générosité peut-elle être un délit? L’article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 stipule que toute personne qui aura «facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France […] sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros». Les 23 avril et 30 mai, Charles Framzelle, dit «Moustache», et Jean-Claude Lenoir, membres du Collectif de soutien d’urgence aux réfugiés, ont été mis en examen pour «aide au séjour» d’immigrés clandestins. Jusqu’alors, cet article très contesté n’avait été que rarement utilisé. Mais dans son projet de loi sur l’immigration – discuté à partir du 24 juin à l’Assemblée nationale – Nicolas Sarkozy prévoit de le renforcer en aggravant les peines. En ligne de mire: les associations et les syndicats. Camille, responsable de la communauté d’Emmaüs de Bourg-en-Bresse (Ain), a déjà été mis en garde à vue en février dernier pour le même motif. Une procédure est en cours. «Si Emmaüs est mis en examen, toutes les associations, les maires et Etienne Pinte [député maire UMP de Versailles, qui réclame l’abolition de la double peine] doivent l’être aussi!» s’insurge Stéphane Maugendre, avocat et vice-président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Fabien Tuleux, délégué général d’Emmaüs France, renchérit: «On touche ici à nos valeurs. Depuis cinquante ans, nous pratiquons un accueil inconditionnel. En hiver, on se fiche du statut administratif des gens. Notre relation est avant tout fondée sur la confiance.»

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Roissy-Bamako, avec escale au tribunal

  Jacky Durand

Il ne fait pas bon s’embarquer sur les avions réquisitionnés par Nicolas Sarkozy pour ses expulsions. Trois passagers du vol Paris-Bamako BIE961 de la compagnie Air Méditerranée, programmé le 1er avril au départ de Roissy, en ont fait l’expérience : ils seront jugés le 23 juin prochain devant la 17e chambre du tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour «entrave volontaire à la circulation ou à la navigation d’un aéronef». Ils encourent une peine maximale de cinq ans de prison ferme et 37 500 euros d’amende.

«Atmosphère agitée». Paul Rosner, 22 ans, et Léandre Chevalier, 27 ans, font partie de l’association Imragen qui soutient des projets humanitaires et sociaux à travers le monde. Le 17 avril, ils doivent s’envoler vers Bamako au Mali pour une mission d’évaluation sur une ferme qui fait vivre des personnes handicapées et leurs familles. Leur vol, prévu à 12 h 10 dans l’aérogare 3 de Roissy, est différé à deux reprises.

Paul raconte : «A 13 heures, nous avons vu trois fourgons de police s’immobiliser devant notre porte d’embarquement. Des passagers ont demandé s’il s’agissait d’une reconduite aux frontières mais la responsable de l’embarquement leur a répondu que les policiers étaient en attente à cet endroit « pour profiter de l’ombre ».»

A 16 h 50, Paul et Léandre retrouvent les cars de police au pied de l’avion où «l’atmosphère était déjà bien agitée». «Nous nous sommes installés à nos places, au milieu de l’appareil, explique Léandre. C’est alors que nous avons compris qu’au moins quatre personnes étaient retenues au fond de l’avion, les mains entravées dans le dos avec une dizaine de policiers les entourant.»

Des expulsés crient, d’autres pleurent. Le ton monte entre les passagers et les agents de la Police aux frontières (PAF). «D’un seul coup, il y a eu un grand mouvement de foule et les cris provenant du fond de l’avion se sont faits plus forts», dit Paul qui saisit son appareil photo quand son voisin lui affirme que «les forces de l’ordre sont en train de frapper un expulsé». «Je me suis précipité dans le fond de l’avion et j’ai déclenché mon appareil en direction des policiers qui criaient « attrapez-le, prenez-lui l’appareil ! »».

Garde à vue. Paul rejoint sa place à côté de Léandre, mais deux policiers accourent et les menottent. «Nous avons été descendus de l’avion pour être jetés dans un fourgon.» Un troisième passager menotté les rejoint. Il s’agit de Patrick Hermann, un responsable de la Confédération paysanne. Peu après 18 heures, les trois hommes sont placés en garde à vue dans les locaux de la PAF de Roissy pour «s’être opposés à une procédure de reconduite aux frontières».

Ils racontent les cellules dégoûtantes où s’entassent les sans-papiers interpellés à l’aéroport : «J’ai écouté leurs vies, leurs rêves quand ils viennent en France, dit Léandre. Avec moi, il y avait un Malien d’une vingtaine d’années, fou de football et un Sierra-Léonais qui a pleuré quand on l’a remis en liberté.» Au policier «très courtois» qui les a interrogés, Paul et Léandre ont raconté «la situation explosive» qu’ils ont découverte dans l’avion.

Collectif. Après vingt heures de garde à vue, les trois passagers du Paris-Bamako ont été conduits devant le parquet du tribunal de grande instance de Bobigny où on leur a signifié les charges retenues contre eux et leur convocation devant une chambre correctionnelle.

En vue du procès, un collectif de soutien (1) s’est constitué. Il a reçu le renfort de plusieurs organisations, dont la Confédération paysanne, Droits devant !!, SUD-Education, France-Libertés et le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Sur le site monté à l’occasion, une question clignote à l’adresse de l’internaute : «Citoyenneté et solidarité seraient-elles un délit ?» Le procureur donnera sa réponse dans un peu plus d’une semaine.

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Fronde contre les audiences à Roissy.

logoParisien-292x75 Pascale Egrée, 8 /06/2003

«NON À UNE juridiction d’exception sur l’aéroport de Roissy ! » : «  Projets Sarkozy, atteintes à la justice »… A quelques jours de l’examen en première lecture du projet de loi Sarkozy sur l’immigration, loi qui doit être adoptée le 11bjuin par la commission des lois de l’Assemblée nationale, la grogne s’intensifie au tribunal
de Bobigny.

Objet de cette « fronde » qui unit magistrats du TGI et avocats du barreau de Seine-Saint-Denis depuis plusieurs semaines sous forme de lettres ouvertes, tribunes, pétitions et motions : la délocalisation des audiences des étrangers à Roissy-Charles-de-Gaulle, prévue par l’article

34 dudit projet. Une vieille polémique

L’idée de faire statuer les juges sur le maintien ou non en rétention des étrangers en situation irrégulière au plus près des lieux de leur arrivée – c’est-à-dire des zones d’attente portuaires et  aéroportuaires – est une vieille revendication des ministres de l’Intérieur et un vieux sujet de discorde avec leurs homologues de la Justice.

Le TGI de Bobigny est le premier concerné, puisque Roissy, principal point d’arrivée de migrants en France, dépend de sa zone de compétence (95 % des étrangers concernés par les procédures dites du « 35 quater »). En 2002, ses juges ont ainsi statué sur le sort de plus de 12 000 étrangers (un flux en augmentation constante depuis trois ans), transportés quotidiennement entre l’aéroport et le tribunal par des escortes de la PAF. Il y a deux ans, une nouvelle étape avait été franchie par l’Intérieur, avec l’aménagement, malgré une première levée  de boucliers, d’une salle d’audience au cœur d’une des zones d’attente de Roissy (Zapi 3). Fin prêt depuis un an, l’endroit est resté vide. Dominique Perben lui-même s’opposait à son utilisation. Mais un arbitrage de Matignon a tranché en faveur de Nicolas Sarkozy. Rédigé sur mesure, l’article 34 de son projet, s’il est adopté, forcera les magistrats à s’incliner. « Le juge des libertés et de la détention statue au siège du tribunal de grande instance, dit le texte. Toutefois, si une salle d’audience lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée sur l’emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire, ll statue dans cette salle. » Du côté des policiers, on attend avec impatienceque la loi soit votée. « C’est une question d’efficience et de bon emploi des effectifs », souligne Jean-Yves Topin, directeur de la PAF de Roissy, qui rappelle que 30 à 60 de ses fonctionnaires ont chaque jour affectés aux transferts. « Je défends une position pragmatique, y compris quant au confort des étrangers non admis », insiste-t-il. Les avocats sont très mobilisés

Du côté judiciaire, on multiplie les démarches contre une disposition jugée « contraire aux grands principes d’impartialité, d’égalité de traitement et de publicité des débats ». « Délocaliser ces audiences revient à placer un tribunal à l’intérieur d’une enceinte policière ! », s’insurge Brigitte Marsigny, bâtonnier de Seine-Saint-Denis, qui s’inquiète d’un amoindrissement des droits de la défense.
« Toute personne, citoyenne ou non de notre pays,  a le droit d’être entendue dans une enceinte judiciaire normale », tempête Dominique Barella, de l’Union syndicale des magistrats (USM), qui souligne les difficultés d’accès à la salle de Zapi 3. « Les principes du droit ne peuvent s’effacer devant des arguments matériels », insiste Stéphane Maugendre, avocat de Bobigny  et vice-président du Groupe d’information et de soutien des immigrés ( Gisti).

Soutenus par les associations de défense des droits des étrangers, magistrats et avocats espèrent encore que cet article 34 ne sera pas maintenu. Et vont jusqu’à promettre, s’il l’est, « d’utiliser tous les moyens de droit et de procédure pour que cette salle d’audience soit déclarée illégale ».

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Fronde contre les audiences à Roissy

logoParisien-292x75 Pascale Egrée, 8 /06/2003

«NON À UNE juridiction d’exception sur l’aéroport de Roissy ! » : « Projets Sarkozy, atteintes à la justice »… A quelques jours de l’examen en première lecture du projet de loi Sarkozy sur l’immigration, loi qui doit être adoptée le 11 juin par la commission des lois de l’Assemblée nationale, la grogne s’intensifie au tribunal
de Bobigny.

Objet de cette « fronde » qui unit magistrats du TGI et avocats du barreau de Seine-Saint-Denis depuis plusieurs semaines sous forme de lettres ouvertes, tribunes, pétitions et motions : la délocalisation des audiences des étrangers à Roissy-Charles-de-Gaulle, prévue par l’article

34 dudit projet. Une vieille polémique

L’idée de faire statuer les juges sur le maintien ou non en rétention des étrangers en situation irrégulière au plus près des lieux de leur arrivée – c’est-à-dire des zones d’attente portuaires et aéroportuaires – est une vieille revendication des ministres de l’Intérieur et un vieux sujet de discorde avec leurs homologues de la Justice.

Le TGI de Bobigny est le premier concerné, puisque Roissy, principal point d’arrivée de migrants en France, dépend de sa zone de compétence (95 % des étrangers concernés par les procédures dites du « 35 quater »). En 2002, ses juges ont ainsi statué sur le sort de plus de 12 000 étrangers (un flux en augmentation constante depuis trois ans), transportés quotidiennement entre l’aéroport et le tribunal par des escortes de la PAF. Il y a deux ans, une nouvelle étape avait été franchie par l’Intérieur, avec l’aménagement, malgré une première levée de boucliers, d’une salle d’audience au cœur d’une des zones d’attente de Roissy (Zapi 3). Fin prêt depuis un an, l’endroit est resté vide. Dominique Perben lui-même s’opposait à son utilisation. Mais un arbitrage de Matignon a tranché en faveur de Nicolas Sarkozy. Rédigé sur mesure, l’article 34 de son projet, s’il est adopté, forcera les magistrats à s’incliner. « Le juge des libertés et de la détention statue au siège du tribunal de grande instance, dit le texte. Toutefois, si une salle d’audience lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée sur l’emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire, ll statue dans cette salle. » Du côté des policiers, on attend avec impatienceque la loi soit votée. « C’est une question d’efficience et de bon emploi des effectifs », souligne Jean-Yves Topin, directeur de la PAF de Roissy, qui rappelle que 30 à 60 de ses fonctionnaires ont chaque jour affectés aux transferts. « Je défends une position pragmatique, y compris quant au confort des étrangers non admis », insiste-t-il. Les avocats sont très mobilisés

Du côté judiciaire, on multiplie les démarches contre une disposition jugée « contraire aux grands principes d’impartialité, d’égalité de traitement et de publicité des débats ». « Délocaliser ces audiences revient à placer un tribunal à l’intérieur d’une enceinte policière ! », s’insurge Brigitte Marsigny, bâtonnier de Seine-Saint-Denis, qui s’inquiète d’un amoindrissement des droits de la défense.
« Toute personne, citoyenne ou non de notre pays, a le droit d’être entendue dans une enceinte judiciaire normale », tempête Dominique Barella, de l’Union syndicale des magistrats (USM), qui souligne les difficultés d’accès à la salle de Zapi 3. « Les principes du droit ne peuvent s’effacer devant des arguments matériels », insiste Stéphane Maugendre, avocat de Bobigny et vice-président du Groupe d’information et de soutien des immigrés ( Gisti).

Soutenus par les associations de défense des droits des étrangers, magistrats et avocats espèrent encore que cet article 34 ne sera pas maintenu. Et vont jusqu’à promettre, s’il l’est, « d’utiliser tous les moyens de droit et de procédure pour que cette salle d’audience soit déclarée illégale ».

Appel à désobéir à la loi Sarkozy sur l’immigration

index, Sylvia Zappi, 08/06/2003

SIX ANS après leur premier appel contre la loi Debré sur les étrangers, les cinéastes récidivent. Le même journal comme support – les Inrockuptibles -, la même solidarité avec les sans-papiers, le même mode d’interpellation des autorités publiques – une pétition « citoyenne » -, et la même phraséologie – « appel à la désobéissance ». Le 28 mai, l’hebdomadaire lançait une pétition, appelée « manifeste des délinquants de la solidarité », sur l’hébergement et l’aide aux sans-papiers.

En 1997, les pétitionnaires s’étaient élevés contre les poursuites engagées à l’encontre d’une militante lil­loise poursuivie pour avoir hébergé un sans-papiers. Le mouvement s’était ensuite transformé en protestation contre la loi Debré, qui durcissait les conditions d’obtention des certificats d’hébergement des étrangers en visite en France. « Ce qui est proposé aujourd’hui est encore plus dur », estime l’avocat Stéphane Maugendre, vice-président du Groupe d’information et de soutien des immigrés.

Le 19 juin, l’Assemblée nationale commencera l’exa­men du projet de loi sur l’immigration de Nicolas Sarkozy. Le texte prévoit une peine de prison de dix ans et une amende de 750 000 euros pour « toute personne qui (…) aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, le séjour irréguliers d’un ranger en France ou dans l’espace international [zone d’attente] ». Le projet étend ces condamnations aux « personnes morales », c’est-à-dire aux associations, dont les biens pourront être saisis.

Les cinéastes Laurent Cantet, Catherine Corsini et Jean-Pierre Thorn, les metteurs en scène Daniel Mesguich, Ariane Mnouchkine, Olivier Py et Jacques Weber, les comédiens Jeanne Balibar, Jean-François Perrier, Denis Podalydès, Karin Viard, et les musiciens Rodolphe Burger, Noir Désir, Sergent Garcia, les Têtes raides se disent solidaires des «centaines d’associa­tions, des milliers de citoyens qui accueillent, aident, informent sur leurs droits des étrangers ». Des intellec­tuels comme Etienne Balibar, Monique Chemiller-Gendreau, Annie Collovald, Frédéric Lebaron, Gérard Mau- ger, Yann Moulier-Boutang, Jean-Luc Nancy, Johanna Siméant, Pierre Vidal-Naquet ou Loïc Wacquant les ont suivis. « Nous déclarons avoir aidé des étrangers en situation irrégulière, déclarent-ils. Nous déclarons notre ferme volonté de continuer à le faire. Si la solidarité est un délit, je demande à être poursuivi(e) pour ce délit. » 123 organisations, associations et syndicats se sont joints à l’appel. Et 2 000 signatures individuelles sont arrivées en à peine huit jours via le site Internet (www.gisti.org).

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Avocat