Archives de catégorie : droit des étrangers

Procès pour « pliage » d’un expulsé

Actualités Politique, Monde, Economie et Culture - L'Express Anne-Laure Pham , 

Jeudi, une peine avec sursis a été requise contre deux des trois policiers de la police aux frontières jugés à Bobigny pour avoir causé la mort d’un Ethiopien lors de son expulsion en janvier 2003 à Roissy Charles-de-Gaulle. Verdict le 23 novembre

Le 16 janvier 2003, sur le vol Paris-Johannesburg, Getu Hagos Mariame, 24 ans, hurle, se débat pour ne pas être expulsé. Les policiers décident d’utiliser la technique dite du « pliage » qui consiste à faire pression sur le haut des cuisses, à faire céder la hanche en appuyant avec le corps, afin que la tête soit sur les genoux. Quelques instants plus tard, le jeune homme éthiopien n’a plus de pouls. Transporté dans le coma, il meurt le lendemain. L’autopsie conclut que le « pliage » a provoqué une compression de la carotide.

Condamnation de principe

Les trois policiers qui l’avaient escorté, Axel Dallier, Merwan Khelladi et David Tarbouriech, âgés de 26 à 32 ans, ont été jugés jeudi pour « homicide involontaire ». Suspendus pendant dix mois, ils ont depuis été réintégrés dans un autre service de la police aux frontières. Pour Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille – absente au procès, les policiers « sont allés plus loin que la force strictement nécessaire ».

Sans préciser de peine, la procureure a demandé la condamnation de principe d’Axel Dallier, le chef d’escorte, et de Merwan Khelladi. Elle a toutefois considéré « qu’ils n’avaient pas transgressé le règlement » en pratiquant le « geste de compression » à l’origine de ce décès qu’elle a qualifié de « marginal » au regard des 14 000 reconduites effectuées chaque année à l’époque à Roissy.

« Calme et professionnalisme »

L’avocate d’un policier a quant à elle évoqué « le calme et le professionnalisme des trois agents face à un personnage qui va se déchaîner », parce que « il n’a plus rien à perdre ». « A aucun moment, je n’ai pensé que le pliage (du corps au niveau du bassin) pouvait tuer », a souligné Axel Dallier, qui nie s’être assis sur la victime comme l’affirment trois témoins, membres du personnel de bord.

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a depuis recommandé l’abandon de ce geste de « pliage » enseigné à l’école de police. « Depuis ce drame, des consignes écrites ont été établies et on a revu la formation des policiers d’escorte qui était, il faut le dire, lacunaire », a noté la procureure. « Un homme est mort, loin de chez lui, entre les mains de la police française et j’aurais aimé juste un seul mot pour le papa et la maman de M. Hagos », a conclu Me Maugendre (avocat).

⇒ Lire l’article

Sursis requis contre les policiers à l’origine de la mort d’un Ethiopien

20minutes.fr 

Le parquet a requis hier une peine avec sursis pour deux des trois policiers de la police aux frontières, renvoyés devant le tribunal correctionnel de Bobigny. Ils sont accusés d’avoir involontairement causé la mort d’un Ethiopien, lors de son expulsion en janvier 2003 à Roissy. Alors qu’il se débattait, Getu Hagos Mariame, 24 ans, avait fait un malaise dans la nuit du 16 au 17 janvier 2003, avant le décollage de son avion, en raison de la forte pression des policiers pour le tenir plié sur son siège, la tête sur les genoux. Transporté dans le coma, il était mort le 18 janvier. Le procureur, Nadine Perrin, a demandé la condamnation de principe d’Axel Dallier, le chef d’escorte, et de Merwan Khelladi, mais a considéré qu’ils n’avaient pas transgressé le règlement « en pratiquant ce geste de compression ». Elle n’a pas demandé de peine précise, s’en remettant à l’arbitrage du tribunal. Jugement le 23 novembre.

⇒ Lire l’article

Expulsé décédé à Roissy : sursis requis

Getu Hagos Mariame, 24 ans, est décédé lors de son expulsion en 2003. Les agents de la Police aux frontières « ont été négligents ou maladroits ».

Le procureur de la République de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a requis jeudi 28 septembre de l’emprisonnement avec sursis, sans en préciser la durée, contre deux policiers et la relaxe d’un troisième poursuivis pour homicide involontaire à la suite du décès d’un Ethiopien de 24 ans (que les autorités avaient d’abord dit somalien), embarqué de force dans un avion en janvier 2003.
Le jugement a été mis en délibéré au 23 novembre.
Les deux premiers fonctionnaires de la Police aux frontières (PAF) « ont été négligents ou maladroits », a assuré l’accusation en estimant que leurs gestes ont conduit au décès de Getu Hagos Mariame. Ce dernier était arrivé le 11 janvier 2003 d’Afrique du Sud. Le 16, sa demande d’asile étant rejetée, il doit être ré-embarqué dans un vol d’Air France à destination de Johannesburg.

Mais l’homme refuse son retour, simule deux malaises en zone d’attente de l’aéroport de Roissy. De force, il est embarqué à l’arrière de l’avion avant les passagers, entre Axel Daillier, 26 ans, chef d’escorte, et Merwan Khellady, 32 ans. Le troisième fonctionnaire, David Tarbouriech, 28 ans, fait face sur la rangée précédente.« Déporté accompagné »Le « déporté accompagné », c’est ainsi qu’on les appelle, hurle, se débat. Pour le forcer à rester calme, Axel Daillier le maintient plié en deux sur son siège, Merwan Khellady tient les menottes, lui entravant les mains dans le dos. David Tarbourieh lui appuie sur la tête de temps en temps pour l’empêcher de se relever mais fera surtout le « tampon », comme il l’a expliqué, avec les passagers.

Getu Hagos Mariame serait resté dans cette position une vingtaine de minutes. Selon l’expertise médicale, cette position pliée a entraîné son décès par manque d’oxygénation. Depuis ce drame, cette « technique du pliage » est interdite.

« J’ai appliqué les consignes. On n’avait aucune formation. La consigne de ‘pliage’ était celle à faire lorsqu’un individu se rebellait », a expliqué Axel Daillier. A l’époque des faits, il était à la PAF depuis trois ans et avait déjà effectué une trentaine d’escortes.

Brusquement, le passager se calme. Leur première réflexion est qu’il simule un malaise. Mais bien vite, ils s’aperçoivent qu’il est victime d’un malaise. Le Somalien décédera à l’hôpital.

« Trois semaines pour digérer tout cela »

Pour l’accusation, il ne fait aucun doute que les gestes de Daillier et Khellady, doublé d’une « formation lacunaire », ont entraîné le décès de la victime.

L’avocat de la partie civile, Me Stéphane Maugendre, a estimé que les trois hommes sont allés au-delà de l’usage de la force strictement nécessaire. Et regretté qu’ils n’aient pas eu un mot à l’audience pour les parents de la victime qu’il représente.

Les trois hommes n’ont pas exprimé de regrets. « On ne peut qu’être affecté », a déclaré David Daillier. « C’est quand même assez troublant de vivre avec cela », a ajouté Merwan Khellady tandis que David Tarbouriech assurait qu’il lui avait fallu « trois semaines pour digérer tout cela ».

La défense a plaidé la relaxe. Pour Me François Cornette de Saint-Cyr, avocat de Tarbouriech, ils n’ont « fait que leur devoir », sans excès de « zèle ». Me Georges Holleaux, avocat de Merwan Khellady, a plaidé que ces policiers n’avaient pas de règles écrites en cas de reconduite. Depuis ce drame, elles existent. Après le drame, les trois fonctionnaires avaient été suspendus dix mois, avant d’être réintégrés. (AP)

⇒Lire l’article

A Bobigny, le procès du «pliage» des expulsés

  Didier Arnaud

Trois policiers sont accusés d’homicide involontaire après la mort de Mariame, 24 ans, lors de son renvoi.

La technique du «pliage», utilisée par la PAF (police aux frontières), a-t-elle été fatale à Getu Hagos Mariame, 24 ans, en janvier 2003 ? Ce geste est utilisé par les policiers lorsqu’ils veulent maintenir quelqu’un assis. Il s’agit de faire pression sur le haut des cuisses et de plier la hanche en appuyant avec son corps. La tête est alors sur les genoux. Axel Dallier, chef d’escorte, Merwan Khelladi et David Tarbouriech, âgés de 26 à 32 ans, ont «plié» Mariame en le raccompagnant dans l’avion pour Johannesburg, en Afrique du Sud. Il est mort quatre jours après sa tentative de reconduite. Les policiers comparaissaient hier devant le tribunal de Bobigny pour «homicide involontaire».

«Une force incroyable».

Le 16 janvier, le jeune homme d’origine éthiopienne ­ les autorités l’avaient d’abord dit somalien ­ est très agité lorsque les trois policiers l’accompagnent. Il gesticule, hurle, en anglais, qu’il ne veut pas rentrer, qu’il «préfère mourir». Mariame réussit à libérer son bras. A ce moment-là, les fonctionnaires le «plient». Tarbouriech : «Je l’empêchais de tourner la tête pour que le collègue ne se fasse pas mordre, il paraissait en bonne santé, il avait une force incroyable.» Khelladi : «A aucun moment nous ne l’avons complètement plié en deux, c’était une lutte perpétuelle pour le maintenir.» Le personnel de bord a d’autres perceptions. Le steward a vu un policier «assis» sur l’Éthiopien. Le «chef-avion» a aperçu un policier assis au niveau de ses épaules et un autre à hauteur des fesses, lui couvrant la bouche. Une hôtesse parle d’un «coup de genou».

A 23 h 40, brusquement, Mariame cesse de s’agiter et de crier. «Il n’y avait plus rien au niveau des menottes, il fallait faire vite», dit un des policiers. Il a les pupilles dilatées, plus de pouls. Les secours l’emportent. L’autopsie conclura que le maintien de la tête pliée sur les genoux a provoqué une compression de la carotide. Déjà, l’après-midi, il avait fait un malaise. «Simulé», dit le médecin de l’aéroport, ajoutant que le patient était «capable de se faire du mal pour ne pas repartir». Dallier se défend : «A aucun moment je ne pensais que [le pliage] pouvait tuer quelqu’un.» Me Maugendre, avocat de la partie civile, regrette : «Un homme est mort loin de chez lui des mains de la police française, j’aurais aimé juste un seul mot pour les parents de M. Mariame.»

Maladroits.

Pour la procureure, les policiers n’ont pas transgressé un règlement mais ont été négligents et maladroits. Elle a demandé une peine de prison avec sursis pour deux des policiers, pas pour Tarbouriech. Après ce drame, la formation des escortes a été revue. Ils doivent désormais tenir compte du comportement des reconduits et, le cas échéant, abandonner si ceux-ci se mettent en danger. Le «pliage» est interdit. Jugement en délibéré au 23 novembre.

⇒ Lire l’article

Mort pour avoir refusé d’embarquer

Accueil  Émilie Rive , 28/09/2006

En 2003, un jeune Éthiopien est décédé lors de son embarquement forcé à Roissy. Trois policiers de l’air et des frontières répondent de sa mort.

Mariame Getu Hagos a vingt-quatre ans quand il arrive à Roissy, le 11 janvier 2003, en provenance d’Afrique du Sud. Le refus du ministère de l’Intérieur d’accepter le dépôt d’une demande d’asile intervient le 15. Qu’il soit présenté, ensuite, comme somalien alors qu’il est éthiopien en dit long sur l’attention portée à son cas. Le lendemain, il est conduit par la police de l’air et des frontières dans un vol d’Air France pour Johannesbourg à 23 h 55. Perte de connaissance, arrêt cardio-respiratoire, réanimation, transfert à l’hôpital Robert-Ballanger de Villepinte (Seine-Saint-Denis). Il y meurt le 18 janvier.

Le rapport d’autopsie est net. La mort est « consécutive à un arrêt cardio-respiratoire, dû à un appui marqué cervical, avec compression bilatérale des carotides par flexion forcée de la tête sur le cou par appui droit du sommet du crâne… » Outre les lésions « traumatiques de contention et de maintien aux poignets et aux avant-bras », l’examen externe du corps fait apparaître d’autres lésions, à l’abdomen, sur les cervicales et l’arrière du crâne.

Autant dire que la mort de ce jeune homme qui refusait d’embarquer n’était pas naturelle. Plié en deux sur son siège, il a été maintenu le visage écrasé contre ses genoux beaucoup trop longtemps. Sans doute une vingtaine de minutes. Les médecins du SAMU de l’aéroport avaient fait état dans leur rapport d’un jeune homme « très excité » qui avait simulé des malaises. La Direction générale de la police expliquait que les policiers étaient souvent confrontés « à des attitudes violentes de la part de personnes récalcitrantes ».

Le 22 janvier, les trois gardiens de la PAF, dont le plus haut gradé et plus ancien dans le service avait vingt-deux ans, et qui assuraient « l’escorte » étaient suspendus, une enquête de l’inspection générale de la police et une enquête judiciaire diligentées. Des associations, dont l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), portaient plainte et se constituaient partie civile. Le 23, Nicole Borvo, sénatrice communiste, saisissait la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Mariame Getu Hagos était le deuxième mort au cours d’un refus d’embarquement en quinze jours. Le procès des trois policiers s’ouvre, cet après-midi, devant la 14e chambre du tribunal de Bobigny à 13 heures.

⇒ Lire l’article

Des hommes de la PAF jugés pour la mort d’un expulsé

28/09/2006

MÊME JOUR, même tribunal mais devant d’autres magistrats, trois autres policiers seront cet après-midi face aux juges pour répondre de la mort, dans des circonstances troubles, d’un jeune clandestin éthiopien, le 18 janvier 2003 à Roissy.

 Ces trois policiers de la police de l’air et des frontières (PAF), aujourd’hui suspendus, sont jugés pour « manquement à une obligation de sécurité et de prudence ayant involontairement entraîné la mort » de Mariame Getu Hagos, cet Ethiopien de 24 ans qu’ils escortaient lors de son expulsion. En novembre 2003, le juge d’instruction saisi du dossier les avait mis en examen pour « homicide involontaire », et la famille du jeune homme dénonce toujours les violences dont il aurait été victime jusqu’à sombrer dans le coma et succomber, peu après son transport à l’hôpital. Il avait refusé d’embarquer et, selon les policiers qui contestent tout dérapage, venir à bout de sa « très forte résistance » aurait demandé des méthodes des plus musclées : les jambes entravées par des bandes Velcro, menotté, puis maintenu de force sur le siège d’avion où il se débattait, Getu Hagos aurait subi de trop fortes pressions sur les genoux voire sur la tête et le thorax. Selon des témoins, deux des policiers d’escorte se seraient même assis sur le corps du jeune homme. Eux le contestent toujours, n’admettant que la « coercition ».

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a quant à elle estimé, dans son rapport annuel, que l’Ethiopien avait « subi des violences qui l’ont plongé  dans le coma ».

⇒ Lire l’article

Sursis requis à l’encontre de policiers de la PAF jugés pour « homicide involontaire » d’un sans-papiers

index

Les faits remontent à janvier 2003. Alors qu’il se débattait pour ne pas être expulsé, Getu Hagos Mariame, 24 ans, a été victime d’un malaise, dans la nuit du 16 au 17 janvier, juste avant le décollage de son avion à l’aéroport de Roissy, en raison de la forte pression exercée par les policiers pour le tenir plié sur son siège. Transporté dans le coma, il était mort le lendemain.

Les trois policiers qui l’escortaient étaient jugés, jeudi 28 septembre, pour « homicide involontaire » par le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis). L’accusation a requis une peine avec sursis contre deux des trois policiers, âgés de 26 à 32 ans. Le jugement a été mis en délibéré au 23 novembre.

Pour l’avocat des parents de la famille, absente, les policiers « sont allés plus loin que la force strictement nécessaire » car « il y avait urgence à expulser M. Hagos », débarqué le 11 janvier à Roissy et qui venait d’essuyer un refus d’asile politique. En cas de défèrement de M. Hagos devant le tribunal pour refus d’embarquer, « il y avait un risque de nullité », a plaidé Me Stéphane Maugendre, expliquant que le jeune homme n’avait pas été présenté dans le délai prévu par la loi à un juge des libertés et de la détention.

Sans le suivre dans ce raisonnement, la procureure, Nadine Perrin, a demandé la condamnation de principe d’Axel Dallier, le chef d’escorte, et de Merwan Khelladi. Elle a toutefois considéré qu’« ils n’avaient pas transgressé le règlement » en pratiquant le « geste de compression » à l’origine de ce décès qu’elle a qualifié de « marginal » au regard des 14 000 reconduites effectuées chaque année, à l’époque, à Roissy. La magistrate n’a cependant pas demandé de peine précise, s’en remettant à l’arbitrage du tribunal.

« J’AURAIS AIMÉ JUSTE UN SEUL MOT POUR LE PAPA ET LA MAMAN DE M. HAGOS »

Dans sa plaidoirie, l’avocate d’un policier a évoqué « le calme et le professionnalisme des trois agents » – qui ont été suspendus pendant dix mois avant d’être réintégrés dans un autre service de la PAF – face à « un personnage qui va se déchaîner », parce qu’« il n’a plus rien à perdre ». « A aucun moment, je n’ai pensé que le pliage [du corps au niveau du bassin] pouvait tuer », a pour sa part déclaré le chef d’escorte, Axel Dallier, qui dément s’être assis sur la victime, comme l’affirment trois témoins.

La vie et la personnalité de la victime – souvent appelée « le non-admis » par la présidente, ou « INAD » pour « individu non admis » dans le vocabulaire de la PAF – n’ont guère été évoquées. « Un homme est mort, loin de chez lui, entre les mains de la police française, et j’aurais aimé juste un seul mot pour le papa et la maman de M. Hagos », a déclaré Me Maugendre.

Depuis ce drame, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a recommandé l’abandon de ce geste de « pliage » enseigné à l’école de police. « Des consignes écrites ont été établies, et on a revu la formation des policiers d’escorte qui était, il faut le dire, lacunaire », a noté la procureure.

⇒ Lire l’article

Les télés au secours des sans-papiers?

20minutes.fr Raphaëlle Baillot, 06/07/2006

Des micros surplombent la foule sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris : facile de repérer les équipes de l’AFP Vidéo, d’Arte et de France 3, hier matin. Elles étaient là pour filmer les centaines de sans-papiers venus déposer un dossier de régularisation à la préfecture de police. La télé a largement rendu compte des conditions de vie des quelque 15 000 clandestins qui ont inscrit leurs enfants à l’école, mais restent menacés d’expulsion. « Depuis janvier, nous avons diffusé dix-sept sujets sur ce thème, le double avec les rediffusions », atteste Pascal Doucet-Bon, chef des « infos géné » de la Deux. « Nous y avons consacré six reportages dans les JT rien que la semaine dernière », complète son homologue de France 3 Philippe Panis.

Parti en croisade contre « la chasse aux enfants », le Réseau éducation sans frontière (RESF) a bien compris le goût des médias pour ce feuilleton à fort coefficient émotionnel. « La couverture n’a pas faibli depuis janvier, quand nous avons communiqué sur les premiers parrainages d’enfants par des personnalités », se félicite Anne-Laure Barbe, membre de RESF. Le « 12/13 » de France 3 a ainsi reçu vendredi un Philippe Torreton devenu parrain. « Ce côté “paillettes” peut paraître gênant, mais on se doit d’utiliser le pouvoir de l’image pour faire connaître la cause », revendique l’avocat Stéphane Maugendre, spécialisé dans la défense des immigrés.

Sur toutes les chaînes essaiment donc des reportages consacrés à ces familles menacées de reconduites à la frontière. Au risque de préférer le ressenti à l’analyse. « Ces situations spectaculaires peuvent tirer les larmes, admet Etienne Leenhardt, numéro 2 de l’info de France 2. Mais nous n’inventons rien, c’est notre boulot de les montrer. » Du coup, « on compense avec un commentaire très sobre », souligne Virginie Fichet, auteur pour France 2 d’un zoom sur une famille arménienne. Sobriété ou non, Arno Klarsfeld, le médiateur qui doit examiner les dossiers au cas par cas, a reconnu lundi sur France Inter que « le biais de la presse » pourrait l’alerter sur la détresse de certaines familles ! Réponse médiatique à une mobilisation médiatique.

⇒ Lire l’article

«La circulaire Sarkozy, c’est surtout de la poudre aux yeux»

  Anne Diatkine

 

Un grand nombre de familles sans papiers semblent entrer dans le cadre de la circulaire. Existe-il un quota ?

L’annonce de Sarkozy fait naître beaucoup d’espoirs chez les familles de sans-papiers. Or, ces critères sont cumulatifs et la plupart en induisent d’autres, implicites. C’est un entonnoir. On y entre volontiers, mais on en sort au compte-gouttes. Le nombre de régularisations est marginal ! C’est surtout de la poudre aux yeux. Une loi hyper répressive sur l’immigration est votée, puis une circulaire est publiée, qui vise à montrer que Sarkozy est humain.

Les familles doivent-elles se dépêcher de déposer un dossier en préfecture ?

Je leur déconseille. Il faut qu’elles prennent le temps de le bétonner et de le faire relire par une des associations faisant partie de RESF ou par un avocat spécialiste.

Le sixième critère évoque «la réelle volonté d’intégration de ces familles, caractérisée notamment par leur maîtrise du français, le suivi éducatif des enfants». Que signifie «maîtriser» une langue ?

Chaque préfet se posera la question ! Est-ce savoir la parler, la lire et l’écrire, ou seulement la parler ? Dans certaines préfectures, il y aura des entretiens individuels avec les deux parents, je leur conseille de mettre dans leur dossier un certificat d’inscription à un cours de français. Ce critère est excluant pour les familles originaires d’un pays dont la langue est éloignée du français.

Qu’appelle-t-on «le suivi éducatif» des enfants ?

Avant le 7 juillet [date de la fermeture des classes, ndlr], il faudrait que les directeurs d’établissements fassent des attestations d’assiduité, non pas pour l’année écoulée, mais pour les trois dernières années. Mais il faudrait aussi qu’il y ait des lettres de parents d’élèves et d’enseignants qui témoignent de l’accompagnement de sortie par l’un des parents sans papiers. Les médecins généralistes doivent également écrire des lettres témoignant que les enfants sont soignés.

Il semble facile de prouver que l’on a «un enfant né en France ou qui y réside habituellement depuis qu’il a atteint au plus l’âge de 13 ans»…

Ce qui exclut les familles dont les enfants sont arrivés quand ils avaient plus de treize ans. Comment les bacheliers et les étudiants sans papiers vont-ils être régularisés ?

Quels recours ont les familles ?

Aucun, car il s’agit d’une circulaire, et non d’une loi ou d’un décret.

Les parents en situation irrégulière sont souvent persuadés qu’ils seront protégés à la rentrée de septembre…

En vertu de quoi ? En août, la loi sur l’immigration est applicable. Les préfectures auront tous les moyens de reconduire les familles à la frontière. Si Nicolas Sarkozy avait eu envie de «protéger» les familles dont l’un des enfants est scolarisé, il aurait pris un décret qui aurait permis de faire des recours devant les tribunaux.

⇒ Lire l’article

Cheikha Rimitti, chanteuse algérienne

index, Véronique Mortaigne, 16/05/2006

index

Le cœur de Cheikha Rimitti a lâché. La mère du raï moderne est morte d’une crise cardiaque, lundi 15 mai à Paris, alors qu’elle avait donné samedi soir un concert au Zénith en compagnie de ces jeunes « cheb », aujourd’hui des hommes mûrs, qui l’avaient tant aimée, tant copiée, Khaled en tête. Cette Algérienne de 83 ans venait d’aborder un nouveau chapitre de sa longue carrière de chanteuse populaire.

Avec une énergie de jeune fille, celle qui avait accompagné en chansons plus d’un demi-siècle d’histoire algérienne multipliait les apparitions publiques, comme au Printemps de Bourges le 1er mai. Long collier de perles, ors, barrettes et peignes, robe rose brodée de roses roses, tatouages au henné, Rimitti parlait un arabe fleuri et chantait d’une voix rauque, ses cheveux noirs tombant aux reins.

Paysanne d’origine, née le 8 mai 1923 vers Oran, nourrie au chant rural, elle connaissait aussi sa dette envers les anciens, les chanteurs ambulants du raï bédouin. Toujours accompagnée par les ancestraux tambours guellal, circulaires, et flûtes gasba, en roseau et au son bas, Rimitti savait mieux que quiconque scander, pétrir des poèmes souvent provocants, cassés de mots français (J’en ai marre, j’en ai marre, ou encore Radgine fi la plage oui dirou fi l’amour).

D’elle, on connaît peu, hormis son prénom : Saïda. Rimitti n’a jamais donné son identité ni accepté les caméras de télévision et tolérait les photographes depuis peu, par superstition et pour protéger les siens en Algérie. Elle avait gagné son surnom lors d’une soirée de cabaret où elle ordonnait au patron : « Remettez, remettez ! » (une tournée) : « rimitti », avec l’accent. Elle fut d’abord une déclassée dans l’Algérie colonisée des années 1920, analphabète, orpheline allant de village en village.

« Je mangeais ce que l’on me donnait, je dormais chez les gens, ou dans les marabouts (les tombeaux des saints), racontait-elle. J’étais comme possédée. Il y avait les fêtes des saints, les musiciens dormaient là, je dansais. » Dans les années 1940, elle aborde la chanson à Relizane, Oran et Alger, après avoir servi le raï traditionnel, musique d’origine bédouine née à la fin du XIXe siècle.

Après l’indépendance, Rimitti provoqua à la fois le FLN et l’islam strict en présidant à des fêtes arrosées à la bière au nez et à la barbe des censeurs de l’Algérie post-révolutionnaire. A sa manière, y compris chez les jeunes Franco-Maghrébins, Rimitti était une héroïne de la liberté, boudée par l’Algérie officielle. Après les émeutes françaises de novembre 2005, elle avait pris fait et cause pour les fauteurs de trouble, confiant au Monde : « Je considère les jeunes de banlieue comme mes enfants. J’ai de la pitié. Ils sont au chômage, or ils sont français, ce ne sont pas des émigrés, ils ont droit au travail, aux appartements, à l’éducation et à l’école. J’ai vécu tout cela. Si eux souffrent, alors moi aussi. »

Rimitti est devenue célèbre en 1954 avec la sortie de Charrag, Gatta, son deuxième disque, irrévérent et sensuel, pour Pathé-Marconi, attaque contre le tabou de la virginité (« Il me broie, me bleuit/Il m’attise/Il m’abreuve »). Adepte du va-et-vient entre les deux rives de la Méditerranée, elle s’installe en France en 1978 mais passait toujours le ramadan en Algérie avec les siens, mari de son vivant, neveux, nièces, leurs enfants, une tribu rapportée.

PULSION RYTHMIQUE

Cette championne du double langage restera dans l’ombre communautaire jusqu’au Festival de Bobigny en 1986, qui lance la mode raï dans l’Hexagone. Elle eut un premier concert en 1994 à l’Institut du monde arabe. Plaisirs charnels, blessures d’amour, fantasmes féminins, noyades dans l’alcool, elle n’omet rien, raconte tout en s’appuyant sur sa mémoire – éléphantesque, selon la légende – de la culture arabo-berbère. Accents roulés, torrents de pulsion rythmique, de flûte, de youyous, elle compose aussi, commentant en chansons les facilités du TGV ou les surprises du téléphone.

Car Rimitti n’était pas femme à s’endormir. Elle avait touché un nouveau public à la fin des années 1990 en tentant des expériences, comme dans Sidi Mansour (1994) avec Robert Fripp et le bassiste des Red Hot Chili Peppers, ou dans le plus électronique N’ta Goudami (sorti chez BecauseMusic, le label d’Amadou et Mariam et de Manu Chao). « Après Bobigny, j’ai souffert, j’ai pleuré : ils avaient profité de moi pour lancer le rock (le pop raï), qui est un raï trafiqué. Alors, je me suis dit, puisque vous m’avez utilisée, je vais utiliser vos propres armes, la musique américaine. Et je les ai doublés ! », s’amusait Rimitti, dont l’album Nouar (2000) a obtenu le Grand Prix du disque de l’Académie Charles-Cros. Avec son avocat, Me Stéphane Maugendre, elle venait de récupérer la propriété de ses enregistrements contre des producteurs indélicats et de régulariser sa situation à la Sacem française et à l’ONDA algérienne.

« Khaled et Safi Boutella m’avaient chipé La Camel (description des plaisirs de la chair vécus par les ouvriers du port méthanier d’Arzew dans les années 1960). Zavouania avait piqué Le Marabout, et puis l’ONB, Cheb Abdou, tous se sont servis. Mais on m’a rendu mon dû. Et Rimitti, c’est comme un palmier qui donne des dattes. Je suis là, et les jeunes se sont évaporés », constatait-elle en regrettant le manque de vigueur actuel du pop-raï, avant d’ajouter : « Zidane travaille avec ses pieds, Rimitti gagne en utilisant sa voix. »

Avocat