Soupçonné d’avoir établi une fausse attestation d’hébergement pour une Congolaise sans-papier, un retraité du Havre se voit convoqué par le tribunal correctionnel ce mardi alors même que le délit de solidarité a été abrogé.
Soupçonné d’avoir établi une fausse attestation d’hébergement pour une Congolaise sans-papier, un retraité du Havre se voit convoqué par le tribunal correctionnel ce mardi, selon une information de France Info parue ce mardi. Les militants, dont on avait beaucoup parlé en 2009 avec le film Welcome, sont pourtant censés ne plus être hors la loi depuis que le délit de solidarité a été abrogé en décembre 2012.
Pourtant, cet ancien bénévole de la Croix-Rouge du Havre doit se présenter devant le tribunal correctionnel ce mardi. Il est accusé de « faux et usage de faux parce que la dame n’habite pas » chez lui.
Jusqu’à un an de prison et 15 000 € d’amende
Sa convocation a été envoyée au début de l’été, alors que l’histoire remonte à plus d’un an. Léopold Jacquens reçoit alors une femme congolaise sans-papier dans un local de la Croix-Rouge où il est bénévole. La femme ne connaissant personne, le retraité lui « donne son adresse ». Un prérequis pour débuter toute demande de domiciliation auprès de la sous-préfecture. Quelques mois plus tard, la police débarque chez lui pour le convoquer au commissariat et lui signifier qu’il doit payer une amende.
L’ancien bénévole a beau justifier son acte en arguant qu’il a juste fait un certificat pour donner une « adresse postale », le procureur estime que l’hébergement doit être « réel ». Léopold Jacquens risque jusqu’à un an de prison et 15 000 euros d’amende.
Manuel Valls a dit vouloir remettre en cause le regroupement familial. Pourtant, il concerne peu de monde et la procédure est de plus en plus longue et compliquée.
(Crédit photo : rachel_pics – flickr)
« La question du regroupement familial pourra être posée. » Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a à nouveau lancé le débat sur les droits accordés aux familles étrangères en matière d’immigration, laissant penser que la législation est trop permissive. Pourtant, il est de plus en plus difficile pour un conjoint de Français de venir vivre en France. Pour un étranger installé dans l’Hexagone, faire venir sa famille relève également du parcours du combattant. Explications romancées.
Prenons l’exemple d’Igor
Plutôt que de vous marier avec un gars/une fille du village, ou un ressortissant de l’Union européenne, vous vous êtes entiché(e) d’un(e) bel(le) étranger(e) malien(ne), chinois(e), égyptien(ne), etc. Pour les besoins de cet article, nous l’imaginons – de manière arbitraire – de nationalité russe, et s’appelant Igor. Donc vous voilà unie à Igor depuis dix-huit mois. Le contrat de mariage a été signé à Irkoutsk et vous avez vécu assez longtemps dans les steppes pour avoir envie de rentrer au bercail avec votre bien-aimé. Mais pour qu’il puisse avoir une place dans la valise, il faut au préalable que la France accepte de l’accueillir.
De 1984 à 2006, la vie était assez simple pour les couples mixtes : le conjoint étranger d’un ressortissant français bénéficiait d’un accès inconditionnel et immédiat à la carte de résident, valable dix ans. Mais Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, a changé la donne. Désormais, un étranger marié à un Français ne peut bénéficier d’une carte de résident qu’après avoir vécu trois ans avec une carte de séjour « vie privée et familiale », à renouveler annuellement, et à condition de prouver qu’il a fait des efforts pour s’intégrer (apprentissage de la langue, respect des valeurs de la République).
La carte de résident, la croix et la bannière
Pour obtenir cette carte de séjour, il faut franchir un parcours semé d’embûches. Première difficulté : puisque vous ne vous êtes pas marié en France, il vous faut obtenir la transcription du mariage dans l’état civil français auprès du tribunal de Nantes. « C’est la croix et la bannière, ça dure des mois », explique Stéphane Maugendre, président du Gisti, Groupe d’information et de soutien aux immigré-e-s. Surtout quand il faut vérifier que les extraits d’état civil présentés ont bien été délivrés par les autorités étrangères (le Sénat a, dans un rapport d’information, fait état de nombreux faux en circulation). Ensuite seulement, Igor peut demander un visa de long séjour, valable un an, auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). S’il vous a déjà rejointe dans l’attente de l’issue de la procédure, il doit prouver à l’Ofii qu’il est entré de manière régulière sur le territoire français. S’il ne le peut pas, retour en Russie pour formuler sa demande. Une fois cette étape franchie, votre couple devra apporter la preuve d’une vie commune, voire se soumettre à des enquêtes.
Un mariage avec un étranger, c’est forcément suspect
Car l’administration entoure les mariages mixtes de suspicion. « Du moins ceux contractés avec des ressortissants de pays exerçant une pression migratoire importante. L’administration est moins regardante quand il s’agit d’un citoyen d’un pays du Nord », nuance Stéphane Maugendre. Cette traque aux mariages blancs, voire gris (c’est-à-dire une union où l’époux étranger trompe le français afin de bénéficier des avantages que procure le mariage) entraîne « une véritable intrusion dans la vie privée de la part de l’administration », déplore le président du Gisti.
Mais dévoiler une part de votre intimité ne suffit pas. Depuis 2007 et la loi Hortefeux, un visa de long séjour n’est délivré qu’à l’issue d’un test d’évaluation de la connaissance du français et des valeurs de la République, souvent effectué dans le pays d’origine. Si le niveau d’Igor est insuffisant, il doit suivre une formation gratuite mais obligatoire. Sinon, c’est niet pour le visa.
Un contrat à sens unique
Une fois cette première évaluation passée, il lui faut signer avec l’Ofii un Contrat d’accueil et d’intégration. Ce CAI vise à instaurer entre la France et lui « une relation de confiance et d’obligation réciproque ». En fait, ce sera surtout à Igor de faire des efforts, comme perfectionner son français et, ce qui est mis en avant, respecter la laïcité. Ces éléments seront vérifiés lors du renouvellement de la carte de séjour.
Igor a signé son CAI, mais il ne reçoit, comme cela arrive parfois, son visa de long séjour valable un an que neuf mois après son entrée en validité. Il faut donc déjà effectuer les démarches pour obtenir la carte de séjour. Petite consolation : la carte de séjour d’un an coûte 106 euros quand le visa initial en a coûté 241.
Votre couple a un peu vacillé pendant ces longs mois d’épreuves (en moyenne huit mois et seize jours selon une évaluation précise du blog Combats pour les droits de l’homme) mais a eu raison de s’accrocher à ce fait : l’administration n’a pas le droit de refuser à Igor le droit de venir s’installer en France à vos côtés, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public. En 2012, 51 556 étrangers ont ainsi bénéficié d’un titre de séjour pour un mariage avec une personne française, ou parce qu’ils sont parents d’un enfant français.
Des regroupements familiaux refusés pour des bricoles
C’est bien plus que le regroupement familial, procédure réservée aux étrangers hors UE résidant en France de façon régulière depuis au moins dix-huit mois et satisfaisant des conditions de revenus (au moins le Smic) et de logement suffisantes pour pouvoir accueillir leur famille. Seuls 16 576 titres de séjour ont été distribués en 2012 au titre du regroupement familial, sur un total de 191 452 titres de séjour octroyés.
Et pour cause : le président du Gisti explique avoir « déjà eu un dossier où un regroupement familial a été refusé parce que les toilettes n’étaient pas aérées, un autre parce qu’il manquait 30 euros au seuil des revenus ou parce que deux enfants de sexe et d’âge différents allaient devoir dormir dans la même chambre. Et quand l’on dépose un recours, ça prend encore deux ou trois ans ! »
Ainsi, à l’instar des conjoints de Français, les proches d’un étranger résidant en France doivent s’armer de patience. Depuis 2003, ils n’ont plus d’accès de plein droit à la carte de résident. Ils doivent en passer eux aussi par un visa de long séjour valant titre de séjour. Ensuite, ils devront obtenir une carte « vie privée et familiale » qui, après trois ans de renouvellement onéreux, pourra déboucher sur une carte de résident – si et seulement si le père ou la mère qui a été rejoint en possède une lui-même. Là encore, la délivrance du visa de long séjour est subordonnée à l’évaluation, en amont et dans le pays d’origine, de la connaissance du français et des valeurs républicaines. A laquelle s’ajoute une visite médicale.
A leur arrivée en France, les adultes doivent s’engager à suivre une formation civique, débouchant sur la signature avec l’Ofii d’un Contrat d’accueil et d’intégration familiale, dans lequel sont rappelées quelques règles : en France, on ne bat ni sa femme ni ses enfants, on laisse ces derniers aller à l’école. « Ça rappelle “le bruit et l’odeur de Jacques Chirac”. Résultat, quand on parle de regroupement familial, les gens pensent allocations, aides au logement, chômage, RSA », regrette Stéphane Maugendre.
L’esprit de la loi a bien changé
Les lois successives signées notamment Sarkozy et Hortefeux (en 2003, 2006 et 2007) ont détricoté la loi de 1984 qui, en accordant automatiquement une carte de résident de dix ans dans le cadre du regroupement familial, favorisait l’intégration par la stabilité du séjour. Elles en ont même inversé la philosophie : désormais, l’intégration est testée en amont, et même en priorité pour ceux qui, ayant des attaches familiales en France, ont le droit de s’y établir. Et il faut maintenant prouver qu’on est intégré pour obtenir un droit au séjour stable.
La petite phrase de trop dans un été passé sur le devant de la scène médiatique ? À l’occasion du séminaire gouvernemental consacré, lundi, à la France en 2025, Manuel Valls a rouvert le dossier de l’immigration. Le ministre de l’Intérieur estime que les politiques migratoires devront être questionnées et notamment celle du regroupement familial.
Au-delà des réactions politiques, les associations de défense des droits des étrangers s’étonnent de voir cette question revenir sur le tapis. « Valls fonctionne comme Sarkozy, observe Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Il lance une idée sans rien en dire de concret, c’est un test car tout le monde suppute. «
Les juristes s’étonnent d’autant plus que le regroupement familial est « un principe général du droit français conforté par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme sur le droit à une vie privée et familiale », observe Anaïs Leonhardt, avocate membre de la commission Droit des étrangers du barreau de Marseille. Si le principe ne peut pas être remis en cause, la loi peut en rendre l’application plus difficile. Depuis le milieu des années 1970, décrets et circulaires ont durci les critères du regroupement familial.
Une procédure lourde
L’étranger souhaitant faire venir sa famille doit résider depuis dix-huit mois de manière légale en France, disposer de ressources – hors aides sociales – équivalentes au SMIC pour un foyer de deux ou trois personnes et même plus selon le nombre d’enfants. L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) qui instruit les demandes – la procédure dure au moins douze mois – passe au crible l’appartement. Il faut une superficie de 24 m2 pour un couple, plus 10 m2 par enfant. Et l’administration est intransigeante ; on l’a vu refuser le titre de séjour pour une aération manquante dans l’appartement par exemple.
Le tribunal administratif de Marseille a récemment annulé une décision de refus de regroupement familial déposé par un retraité souhaitant faire venir son épouse au motif qu’il lui manquait… 30 € de revenus mensuels.
Le faible nombre de titres de séjour délivrés, en France, au titre du regroupement familial, atteste de la lourdeur de la procédure. « Mais, observe Stéphane Maugendre, c’est la tarte à la crème parce que ça tape à l’imaginaire collectif : qui dit regroupement familial dit immigration subie, dit que des familles étrangères vont toucher des allocations familiales, etc., etc. ».
Les associations estiment que plus les conditions du regroupement familial sont durcies, plus cela pousse les familles à recourir à la clandestinité. Tous s’étonnent qu’un ministre de gauche vienne remettre en cause un droit accordé par un président de la République de droite. C’est en visitant des bidonvilles à Marseille et La Ciotat qu’au milieu des années 1970, Valéry Giscard d’Estaing avait invité le rapprochement familial pour lutter contre l’extrême isolement des travailleurs immigrés.
Dans la région, un habitant sur dix est un immigré
En Provence-Alpes-Côte d’Azur, un habitant sur dix est un immigré. C’est-à-dire une personne « née étrangère dans un pays étrangerJ’. Une définition donnée par l’Insee, qui ne signifie pas pour autant qu’un immigré restera « étranger » toute sa vie. Il pourra en effet acquérir la nationalité française. Cependant, même devenu Français, il restera un immigré.
Selon l’Insee Paca qui, en octobre 2012, a présenté une étude sur le sujet, elles sont 482 800 personnes immigrées à vivre sur notre territoire. Soit 9,9% de la population. C’est davantage que la moyenne de la France métropolitaine (8,5%), mais c’est bien moins qu’lie de France (17,6%) et un peu moins que la région Alsace (10,4%). 42% de cette population immigrée est originaire du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie). Alors que 39% sont natifs du continent européen. Dans ce dernier ensemble, seuls 4% ne sont pas des ressortissants des 27 pays de l’Union européenne. La communauté la plus nombreuse est celle des Algériens, avec 84 000 ressortissants, soit 18 % de la population immigrée de Paca. La seconde est celle des Marocains (66 400 personnes). Enfin, issus de vagues plus anciennes, la communauté italienne (59 300 personnes, 12% de la population régionale).
48% ont un diplôme égal ou supérieur au bac
Conséquence du temps de présence requis sur le territoire (18 ans, 12 ans pour un Algérien), des choix et des mécanismes d’intégration ont joué au fil du temps : 45% de cette population, soit 4 points de plus que la moyenne nationale, a acquis la nationalité française. In fine, sur les 482 000 immigrés recensés par l’Insee, 216 000 sont devenus des ressortissants Français.
Comment évolue l’immigration régionale ? L’Insee estime dans son étude que depuis 1975, la population immigrée progresse moins vite en Paca qu’au niveau national.
Mais en fait, deux périodes sont distinguées. Jusqu’en 1999, elle a diminué. Après, la progression a repris à un rythme annuel un peu plus élevé que celui national. C’est durant cette dernière période que sont arrivés 30% des immigrés qui habitent actuellement ici.
L’Insee indique que ces « nouveaux immigrés » sont pour 35% originaires de l’Europe et pour 38% du Maghreb. 48% de ces arrivants ont moins de 30 ans et contrairement à une idée reçue, 48% ont un diplôme égal ou supérieur au bac. Mais 35% d’entre eux sont aussi sans diplôme, un taux très supérieur à celui de la population régionale (19%).
Faut-il alors être sélectif ? « Parler d’immigration sans être positif, en étant frileux, est une erreur. Je pense en revanche qu’il faut être ouvert aux autres, mais en étant réaliste », répond le professeur Jean-Louis Reiffers, auteur de plusieurs analyses sur l’économie de la Méditerranée.
Pour 3 m2, Sébastien ne peut pas vivre en famille
Sébastien, un Camerounais âgé de 38 ans, s’est vu refuser son regroupement familial par la préfecture des Bouches-du-Rhône. Il souhaite tout naturellement vivre avec son épouse et ses deux filles âgées de 13 et 17 ans. Employé du bâtiment à Marseille, il a d’abord travaillé en intérim durant de longues années donnant tellement satisfaction à l’entreprise où il était affecté que le patron l’a embauché en CDI. Sa carte de résident – valable dix ans – en poche, il a déposé, en 2011, sa demande de regroupement familial.
Son dossier financier est bon, tous ses bulletins de salaire y sont. Ses ressources sont suffisantes à faire vivre sa famille . Mais au bout du compte, sa demande a été rejetée au terme de l’enquête de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Motif : il manque 3 mètres carrés à son logement. Le sien, dans un immeuble de qualité, répondant à toutes les normes de salubrité et d’habitabilité, mesure 41 m2 quand les textes lui en réclament 44 m2. Et, cerise sur le gâteau, une aération fait défaut dans sa cuisine. « On exige toujours plus des étrangers que des nationaux », observe son avocate Me Betty Khadir-Cherbonel qui a saisi le tribunal administratif. Selon elle, c’est « un moyen déguisé de faire obstacle » à l’introduction de la famille de Sébastien à Marseille. Mais quoi qu’il en soit, l’administration semble avoir gagné. En cas d’annulation par les juges du refus préfectoral, il faudra refaire une demande. D’ici là, la fille aînée de Sébastien aura eu 18 ans, or le regroupement familial ne concerne que les enfants mineurs.
Les liens de Sébastien avec son épouse et ses deux filles se résument depuis des années à Skype et à un voyage par an au Cameroun. « Mais à quel titre, questionne l’avocate, impose-t-on à ce salarié exemplaire un tel isolement, la solitude, l’impossibilité de voir ses enfants grandir ? Cet éloignement fracture les liens familiaux. Et à quel titre prive-t-on deux enfants de leur père ? »
L’absence de famille et la vie passée entre deux pays sont sources de dérive, parfois de maladie. C’est le cas des Chibanis, ces vieux travailleurs qui ont passé quarante ans en France et qui, à l’heure de la retraite, y demeurent. Au motif principal – c’est le cas des Algériens – que le versement de la retraite à l’étranger entraîne la réduction de son montant. « Leurs liens se sont distendus avec des enfants qui ne connaissent pas leur père. Eux n’arrivent pas à vivre là-bas, détaille Me Khadir-Cherbonel. C’est une mort lente ».
Réfutant la polémique, Manuel Valls a réaffirmé vouloir installer un climat plus serein autour du thème de l’immigration.
« Apaisement »: c’est le leitmotiv de Manuel Valls en matière d’immigration. En avançant avec une extrême prudence sur ce dossier explosif, le ministre de l’Intérieur réussit à éviter la polémique avec l’opposition. Du moins pour le moment. « Je suis très attentif à ce que pensent nos compatriotes en cette période de crise », répète souvent Manuel Valls, alors que, pour 69% des Français, selon un sondage récent, il y a « trop d’immigrés » dans le pays.
Dans ce contexte, pas question de « grands soirs » pour le ministre, qui expulse « au même rythme » que la droite (20 000 éloignements forcés attendus cette année) et ne compte pas augmenter le nombre de régularisations de sans-papiers (36 000 en 2012).
La rupture n’est pas dans les chiffres, mais elle l’est dans le ton. « Un climat de sérénité devrait toujours primer quand on aborde cette question de l’immigration, trop souvent instrumentalisée », déclarait encore jeudi le ministre de l’Intérieur.
Valls « n’instrumentalise plus la politique migratoire »
« Il a une politique sécuritaire comparable au précédent gouvernement, sauf qu’il n’instrumentalise plus la politique migratoire pour gagner les voix de l’extrême droite, résume la politologue Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS. C’est une méthode pour désarmer l’opposition qui ne peut l’accuser de mener une politique laxiste. » La tactique semble porter ses fruits. Jeudi, le ministre participait à un débat au Parlement sur « l’immigration professionnelle et étudiante », où le ton est resté très lisse. Même Marion Maréchal Le Pen (FN) l’a concédé, « l’immigration étudiante est en soi souhaitable ».
Guillaume Larrivé, député UMP de l’Yonne et ancien bras droit de Brice Hortefeux au ministère de l’Immigration, n’avait pas fait le déplacement pour ce « débat parcellaire ». Plus globalement, si l’immigration n’est plus un sujet politique, « c’est parce qu’il n’est pas porté par le président de la République », juge-t-il. François Hollande ne s’est jamais exprimé sur l’immigration depuis son élection, tandis que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, ne l’a mentionné qu’à deux reprises.
Immigration: un débat trop apaisé?
Seul à la barre, Manuel Valls se garde d’aborder frontalement les sujets qui fâchent. Il fut le premier à émettre des doutes sur le droit de vote des étrangers aux élections locales, estimant en septembre que la réforme ne représentait « pas une revendication forte ».
Et lors du débat au Parlement, il s’est bien gardé d’évoquer des quotas de travailleurs. Quand le candidat François Hollande avait promis un débat annuel au Parlement, il avait pourtant jugé nécessaire de « fixer les chiffres des besoins » de main d’oeuvre de l’économie. Au final, le débat était « apaisé, apaisant, peut-être trop », a conclu Manuel Valls.
C’est la limite de cette méthode, estime Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade. « Faire de l’immigration un non sujet ne contentera personne: ils n’iront jamais assez loin pour contenter une opinion publique de plus en plus frileuse et ils vont décevoir une opinion de gauche qui attend des positions renouvelées (…) Avec cette logique d’apaisement, on fait fi des urgences. Ca enkyste des situations, ce qui va nourrir des ressentis au niveau local », craint-il, en citant l’engorgement des structures d’hébergements d’urgence par les demandeurs d’asile ou les Roms expulsés.
Plus sévère, Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), ne voit qu’une sérénité « de façade ». « Quand on parle d’apaisement, c’est un apaisement vis-à-vis de la droite pas vis-à-vis des étrangers », précise-t-il.
Au ministère, on se défend de « vouloir faire disparaître l’immigration des radars. D’ailleurs, c’est impossible, on va le voir aux municipales », glisse un conseiller.
L’opposition semble bien fourbir ses armes, à commencer par l’ancien Premier ministre François Fillon, qui a lancé jeudi sur France 2: « il faut réduire la politique d’immigration ».
En avançant avec une extrême prudence sur ce dossier explosif, le ministre de l’Intérieur réussit à éviter la polémique avec l’opposition. Au moins pour le moment.
« Apaisement » : c’est le leitmotiv de Manuel Valls en matière migratoire. En avançant avec une extrême prudence sur ce dossier explosif, le ministre de l’Intérieur réussit à éviter la polémique avec l’opposition. Au moins pour le moment. « Je suis très attentif à ce que pensent nos compatriotes en cette période de crise », répète souvent Manuel Valls, alors que, pour 69 % des Français, selon un sondage récent, il y a « trop d’immigrés » dans le pays.
Dans ce contexte, pas question de « grands soirs » pour le ministre, qui expulse « au même rythme » que la droite (20 000 éloignements forcés attendus cette année) et ne compte pas augmenter le nombre de régularisations de sans-papiers (36 000 en 2012).
La rupture est dans le ton : « Un climat de sérénité devrait toujours primer quand on aborde cette question de l’immigration, trop souvent instrumentalisée », déclarait encore jeudi l’homme fort de Beauvau. « Il a une politique sécuritaire comparable au précédent gouvernement, sauf qu’il n’instrumentalise plus la politique migratoire pour gagner les voix de l’extrême droite », résume la politologue Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS. « C’est une méthode pour désarmer l’opposition qui ne peut l’accuser de mener une politique laxiste. »
La tactique semble porter ses fruits. Jeudi, le ministre participait à un débat au Parlement sur « l’immigration professionnelle et étudiante » : sur les bancs clairsemés de l’Assemblée, le ton est resté très lisse. Même Marion Maréchal Le Pen (FN) a concédé : « L’immigration étudiante est en soi souhaitable. »
Guillaume Larrivé, député UMP de l’Yonne et ancien bras droit de Brice Hortefeux au ministère de l’Immigration, n’avait pas fait le déplacement pour ce « débat parcellaire ». Plus globalement, si l’immigration n’est plus un sujet politique, « c’est parce qu’il n’est pas porté par le président de la République », juge-t-il.
François Hollande ne s’est jamais exprimé sur l’immigration depuis son élection, tandis que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, ne l’a mentionné qu’à deux reprises. Seul à la barre, Manuel Valls se garde d’aborder frontalement les sujets qui fâchent. Il fut le premier à émettre des doutes sur le droit de vote des étrangers aux élections locales, estimant en septembre que la réforme ne représentait « pas une revendication forte ».
« Un débat apaisé, apaisant, peut-être trop »
Plus récemment, interrogé par des députés sur la naturalisation des immigrés âgés, il s’est dit favorable à des avancées. Mais, a-t-il nuancé, « je n’envisage pas de réformer le cadre législatif à ce stade, car je me méfie des débats sur la nationalité dans le cadre actuel ».
Et lors du débat au Parlement, il s’est bien gardé d’évoquer des quotas de travailleurs. Quand le candidat François Hollande avait promis un débat annuel au Parlement, il avait pourtant jugé nécessaire de « fixer les chiffres des besoins » de main-d’oeuvre de l’économie. Au final, le débat était « apaisé, apaisant, peut-être trop », a conclu Manuel Valls.
C’est la limite de cette méthode, estime Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade. « Faire de l’immigration un non-sujet ne contentera personne : ils n’iront jamais assez loin pour contenter une opinion publique de plus en plus frileuse et ils vont décevoir une opinion de gauche qui attend des positions renouvelées. »
Plus grave, juge-t-il, « avec cette logique d’apaisement, on fait fi des urgences ». « Ça enkyste des situations, ce qui va nourrir des ressentis au niveau local », craint-il, en citant l’engorgement des structures d’hébergements d’urgence par les demandeurs d’asile ou les Roms expulsés.
Plus sévère, Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), ne voit qu’une sérénité « de façade ». « Quand on parle d’apaisement, c’est un apaisement vis-à-vis de la droite, pas vis-à-vis des étrangers », dit-il.
Au ministère, on se défend de « vouloir faire disparaître l’immigration des radars. D’ailleurs, c’est impossible, on va le voir aux municipales », glisse un conseiller. L’opposition semble bien fourbir ses armes, à commencer par l’ancien Premier ministre François Fillon, qui a lancé jeudi sur France 2 : « Il faut réduire la politique d’immigration. »
Aissam s’est vu refuser un regroupement familial. Raison officielle : un manque de ventilation dans ses toilettes !
L’administration française est tatillonne, prête à tout pour freiner l’immigration. Aissam, Marocain de vingt-neuf ans, a un diplôme, un travail, un bon salaire. Mais son épouse s’est vu refuser l’entrée sur le territoire. Le motif ? Il n’y a pas de ventilation dans les W-C d’Aissam… Cela semble fou. « Je constate que votre logement ne respecte pas les normes d’habitation exigées pour accueillir votre famille », conclut la Direction de l’immigration et de l’intégration dans une lettre ubuesque.
Diplômé, salarié, mais cela ne suffit pas
Aissam est arrivé en France en 2007, après avoir passé une maîtrise de génie mécanique à Kenitra, au Maroc. Parcours classique : il intègre l’école d’ingénieur de l’université de technologie de Troyes et en sort diplômé en 2009. Puis, il enchaîne sur un master 2 de génie des systèmes industriels, à la fac d’Évry. Au départ, Aissam pensait « rentrer au pays » après ses études. Mais il est remarqué par l’entreprise Accenture TS, spécialisée dans le conseil informatique, qui l’embauche au terme d’un stage. Il y travaille pendant trois mois, avant de trouver un nouveau boulot. Aissam est envoyé en mission chez Renault, puis chez Alstom Transport. Il gagne 2 200 euros net par mois. Et pense, logiquement, rester en France.
Le jeune homme se marie au Maroc en avril 2012. Le mois suivant, il dégote un studio de 28 m2 à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) et dépose un dossier à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Premier pas dans le dédale bureaucratique, première déconvenue : « Ils m’ont dit que je devais avoir douze fiches de paie à présenter au moins égales au Smic, sans me préciser s’il fallait des fiches de mon employeur actuel ou tous employeurs confondus. » Le 12 septembre 2012, il redépose un dossier, en règle, à l’Ofii.
« On m’a alors annoncé que j’allais recevoir une visite de l’inspection du logement », raconte Aissam. La visite a lieu en novembre 2012 et l’agent ne fait aucune remarque spécifique. Mais, le 7 avril 2013, il reçoit l’avis de la Direction de l’immigration et de l’intégration. C’est un refus. En raison de l’absence de ventilation conforme dans les W-C. Il est par ailleurs précisé que la requête a été examinée « au regard des articles de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ». « Mais, je suis marocain ! » s’étonne Aissam.
Depuis, il a fait appel à un avocat et a demandé à son propriétaire de faire les travaux pour mettre en place une ventilation conforme. Et s’apprête à faire un autre recours à l’Ofii.
Pas de rupture avec Sarkozy « Le cas d’Aissam n’est qu’un exemple parmi d’autres », déplore l’avocat Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien aux immigrés. Selon lui, « tous les critères prévus dans les décrets servent de prétextes à des refus. Parfois, il suffit d’un mètre carré de surface habitable en moins ». Une conséquence de la politique de l’« immigration choisie », promue par Nicolas Sarkozy. Et laissée en état par la nouvelle majorité. « On aurait pu espérer que des circulaires préconisent une appréciation plus souple des critères. Mais, concrètement, les pratiques des préfectures restent dans la ligne directe de ce qui avait été impulsé par la droite sarkozyste. »
Par des magistrats et des militants pour les droits de l’homme,
Au mois de septembre sera inaugurée une annexe du Tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny au bord des pistes de l’aéroport de Roissy.
Pourquoi ce lieu incongru pour rendre la justice ? Parce que cet aéroport recèle le plus important lieu de détention d’étrangers (une «zone d’attente» dite Zapi) dans lequel sont enfermés, chaque année, des milliers de personnes (8 541 étrangers ont été placés en zone d’attente en 2011 dont près de 80 % à Roissy) empêchées d’entrer en France, parfois arbitrairement, par la Police aux frontières (PAF). La durée de cet enfermement est de quatre jours et peut être prolongée, à la seule demande de la PAF, par un juge judiciaire, le Juge des libertés et de la détention (JLD).
Faut-il s’en inquiéter pour la justice de notre pays ? Non, répondent, complices, les ministères de l’Intérieur et de la Justice. D’autant moins que cette «délocalisation» a été prévue de longue date par notre législateur et validée, sous réserves, par le Conseil constitutionnel.
Non, puisque sera ainsi respectée, dit-on, la dignité du justiciable, que la PAF ne sera plus obligée de transférer en fourgon de sa «geôle» de Roissy au TGI de Bobigny.
Non, argue-t-on, car il s’agit de bonne administration de la justice, alliée à des considérations d’efficacité puisque les effectifs de la PAF ne seront plus occupés qu’à la lutte contre les trafics de main-d’œuvre étrangère.
Ces justifications relèvent de la mystification.
Car l’indignité du transfert de Roissy à Bobigny – que rien n’interdirait d’humaniser – trouve sa source dans le principe même d’un enfermement dans le quasi secret et l’indifférence générale. Car le transfert d’avocats, de greffiers et de magistrats pour défendre et juger dans des locaux dépendant du ministère de l’Intérieur, constitue une atteinte à l’indépendance de la justice. Ce n’est pas la première fois que la justice tente de se «délocaliser» pour de fausses bonnes raisons. Les salles d’audiences des centres de rétention des étrangers du Canet et de Cornebarrieu ont d’ailleurs été fermées à la suite de la censure de la Cour de cassation.
Mais alors, pourquoi revenir à la charge, avec cette salle d’audience aéroportuaire ? Depuis le milieu des années 90, les ministères de l’Intérieur successifs font pression pour que ces audiences soient organisées à Roissy. Un premier local avait été aménagé à l’intérieur même de la Zapi mais était resté à l’abandon, tous les acteurs du monde judiciaire s’étant élevés contre cette délocalisation. En octobre 2010, un appel d’offres était lancé pour l’extension des locaux préexistants avec une seconde salle d’audience et un accueil du public, pour 2,3 millions d’euros. De toute évidence, le cahier des charges de ce marché était empreint de l’étude attentive des décisions de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel.
A quelques mois de cette inauguration où en sommes-nous ? Le principe fondamental de la publicité des débats, condition absolue de l’indépendance et de l’impartialité de la justice, ne sera pas respecté compte tenu de l’éloignement de la salle d’audience et de son isolement dans la zone aéroportuaire sans, quasiment, aucun transport en commun. Les tribunaux doivent être accessibles aux proches du justiciable, mais aussi au citoyen qui veut voir la justice de son pays ou au collégien qui vient découvrir ses métiers. Les procès de Roissy ne verront ni citoyens ni collégiens. Par ailleurs, le juge des libertés et de la détention et l’avocat seront isolés, à l’écart de leurs collègues, et sous la pression constante de la police, chargée à la fois de gérer la Zapi et de saisir le juge.
Situé dans l’enceinte barbelée de la zone d’attente et au rez-de-chaussée même du bâtiment dans lequel sont enfermés les étrangers, rien ne sépare le futur «tribunal de Roissy» de cette «prison», si ce n’est une porte blindée. Comment avoir confiance en l’impartialité d’une justice implantée dans le lieu même où l’on enferme ? En réalité, cette annexe n’aura, de justice, que l’apparence puisqu’il ne sera rendu de décisions qu’à l’égard d’une seule catégorie de personnes – des étrangers – à la demande d’une seule et même partie – la Police aux frontières – poursuivant inlassablement l’unique objectif de leur enfermement. Ainsi, le rêveinachevé du précédent gouvernement d’intégrer le juge dans une gestion performative des lieux où la France enferme ceux qu’elle entend refouler ou expulser est-il en passe d’être réalisé par des ministres apparemment déterminés à inaugurer ces tribunaux d’exception. Est-il trop tard pour les en dissuader ?
Signataires : Stéphane Maugendre Président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Françoise Martres Présidente du Syndicat de la magistrature, Flor Tercero Présidente de Avocats pour la défense des droits des étrangers (Adde), Pierre Tartakowsky Président de la Ligue des droits de l’homme (LDH), Patrick Peugeot Président de la Cimade, Anne Baux Présidente de l’Union syndicale des magistrats administratifs (Usma), Jean-Jacques Gandini Président du Syndicat des avocats de France (SAF), Bernadette Hétier Coprésidente du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Didier Ménard Président du Syndicat de la médecine générale (SMG), Anne Perraut-Soliveres Directrice de la rédaction de la revue «Pratiques», François Picart Président de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat), Didier Fassin Président du Comité médical pour les exilés (Comede), Jean-Eric Malabre Coprésident de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), Claude Peschanski Présidente de l’Observatoire citoyen du Centre de rétention administrative de Palaiseau.
Le Point.fr dresse un premier bilan de l’action du ministre de l’Intérieur socialiste. Tout n’a pas changé autant qu’on pourrait le croire…
L’élection de François Hollande le 6 mai 2012 devait beaucoup au rejet de Nicolas Sarkozy, et notamment de sa politique sécuritaire. Celle-ci avait été menée au ministère de l’Intérieur par lui-même, puis, après son accession à l’Élysée en 2007, par ses ministres : Michèle Alliot-Marie et, surtout, Brice Hortefeux et Claude Guéant. Ces derniers avaient largement développé la doctrine sarkozyste alliant une répression rapide à une forte présence médiatique. Après une décennie de sarkozysme, le retour d’un ministre socialiste Place Beauvau pouvait laisser penser à un changement radical. Mais un an plus tard, l’hyperactif Manuel Valls ne fait pas l’unanimité.
Avril 2012 : plus de 200 policiers se rendent spontanément sur les Champs-Élysées pour exprimer leur colère. La cause de cette fronde inédite en France : la mise en examen pour homicide involontaire d’un de leurs collègues qui avait abattu un suspect au cours d’une poursuite, mais surtout un profond malaise. Les fonctionnaires ne supportent plus la politique du chiffre, la baisse drastique des effectifs et le fossé qui se creuse de plus en plus avec les citoyens. Et ce n’est pas l’enterrement en catimini de la promesse d’attribuer un matricule aux policiers pour permettre les réclamations qui va réconcilier les citoyens et leurs anges gardiens.
Police : la politique du chiffre reste ancrée
Christophe Crépin, porte-parole du syndicat Unsa Police, considère que le nouveau ministre de l’Intérieur « a rétabli un climat de dialogue et d’écoute » avec ses fonctionnaires. Satisfaits par une certaine normalisation des relations, les fonctionnaires attendent pourtant encore que le changement politique se traduise dans leur quotidien. Si l’outil statistique (le fameux tableau de bord de la délinquance) a changé et que, officiellement, ils ne sont plus jugés sur la seule quantité, les pratiques ne semblent pas avoir vraiment évolué sur le terrain. « Je ne suis pas convaincu que les chefs des services ne soient plus contraints par un agenda qui est celui du politique », nous explique diplomatiquement Emmanuel Roux, secrétaire général du premier syndicat de commissaires de police, le SCPN. Pour lui, la gauche aura, elle aussi, « besoin d’un bilan qui, en France, ne peut se faire qu’avec des chiffres ». « L’abolition de la politique du chiffre a été bien reçue dans la police », explique encore Christophe Crépin. « Malgré tout, beaucoup d’encadrants continuent à travailler comme ça par habitude… Il va falloir que ça change », ajoute-t-il.
« Sur le terrain, nous n’avons pas vu de différence sensible », nous confirme un gardien de la paix, CRS depuis 12 ans, sous le couvert de l’anonymat. « Les missions changent parfois de nom, mais restent les mêmes : la lutte contre les violences urbaines est par exemple devenue la présence en zone de sécurité prioritaire« , ajoute-t-il. Et s’il reconnaît un léger « relâchement de la pression pour la verbalisation » juste après l’arrivée de Manuel Valls, c’est surtout parce que « c’était dit moins clairement ». Pour le maintien de l’ordre public, durant les manifestations notamment, « le métier ne change pas, quel que soit le ministre », et la réaction des CRS « dépend comme avant de l’impact médiatique ». Un peu amer avec le nouveau gouvernement comme avec l’ancien, le CRS estime que « le mot d’ordre, c’est de ne pas faire de vagues ».
Immigration : « un changement dans la continuité » de Sarkozy
Concernant l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, le ministre de l’Intérieur a également annoncé « la fin de la politique du chiffre ». Dans les colonnes du Monde, il a expliqué vouloir « rompre avec cette politique basée sur des critères arbitraires au profit d’une action ferme et déterminée dans le respect des droits des personnes », tout en précisant : « Cela ne veut pas dire que nous éloignerons moins. Nous tenterons toujours de faire un maximum d’éloignements. Mais dans un cadre transparent. »
Envoyée en mars aux préfets, une circulaire énonce leurs critères d’évaluation (« efficacité de la procédure », « sécurité juridique » et « quantitatif »), qui, contrairement à ce qu’affirme le ministre, ne sont pas nouveaux, et auxquels vient s’ajouter la traditionnelle demande de lutter contre les filières d’immigration clandestine. De manière plus inédite, le texte insiste sur l’éloignement des déboutés du droit d’asile et demande aux préfets de ne plus comptabiliser les retours volontaires comme des expulsions. Le texte préconise également de privilégier « l’assignation à résidence plutôt que le placement en rétention », et demande de mettre fin aux interpellations aux guichets des préfectures lorsqu’un étranger s’y rend pour tenter de régulariser sa situation.
Des inflexions qui ne sont pas mises en oeuvre dans la pratique, explique le président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Stéphane Maugendre, qui évoque « un changement dans la continuité » et « un discours de fermeté et d’humanité », également servi par les précédents ministres de l’Intérieur. Pointant du doigt les différentes circulaires, il dénonce « des textes peu contraignants » : « Si on veut que des textes soient opposables aux administrations, on change le Code de l’entrée et du séjour des étrangers. » Il évoque « une industrialisation des reconduites à la frontière », dans la continuité de ce qui a été mis en place sous l’ère Sarkozy : « Le centre du Mesnil-Amelot, qui compte 240 places, a été construit sous le gouvernement précédent. On est en train de faire pareil aux TGI de Bobigny et de Meaux, ce qui revient à déplacer la justice dans les lieux d’enfermement des étrangers. » Ce dont la droite a rêvé, la gauche l’a mis en place, conclut-il.
Sans-papiers : une réponse qui ne va « pas assez loin »
Marie Enoc regrette que le texte n’aille pas assez loin et réclame « une amnistie sociale et pénale à destination des employeurs », pour les inciter à délivrer les documents prouvant que l’étranger a bien été salarié dans l’entreprise. Elle déplore également qu’il soit devenu plus compliqué d’accéder aux procédures et de déposer des demandes pour les motifs non prévus par la circulaire, en citant l’exemple des étrangers malades et les jeunes majeurs. Par ailleurs, le ministre a annoncé une réforme d’ampleur du contrat d’accueil et d’intégration (CAI) et la création de titres de séjour pluriannuels pour mieux accueillir et intégrer « ceux qui ont vocation à rester en France ».
Roms : « Les évacuations continuent au même rythme »
Laurent El Ghozi, cofondateur du collectif Romeurope, qui regroupe plusieurs associations de défense des Roms, évoque « une double politique » à l’égard des Roms. Selon lui, la circulaire du 26 août qui « prévoit que l’ensemble des administrations publiques doivent être associées à la mise en oeuvre de situations plus dignes et plus protectrices pour les gens » et la nomination d’Alain Régnier en tant que délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement, pour proposer une nouvelle approche de la question, montrent « une volonté de rompre avec la politique précédente. »
Pourtant, il regrette que cette rupture « tarde à se mettre en oeuvre » : « Les évacuations continuent au même rythme qu’avant, sans que le texte [qui n’a pas de valeur juridique contraignante, NDLR] soit appliqué. » Interviewé par LeParisien en mars, le ministre de l’Intérieur a déclaré que les démantèlements étaient plus que jamais nécessaires et qu’ils se poursuivraient, précisant que les familles roms désireuses de s’intégrer constituaient « une minorité ». Une approche sécuritaire qui se situe dans la droite ligne de celle de ses prédécesseurs.
Vidéosurveillance et fichage toujours soutenus
Les associations de protection de la vie privée s’étaient inquiétées sous l’ère Sarkozy de la prolifération des caméras de vidéosurveillance (alors rebaptisée vidéoprotection par le gouvernement). Les choses ont un peu changé, pour des raisons budgétaires : les financements étatiques se sont légèrement réduits. Pour autant, Manuel Valls n’a pas lancé d’étude sur l’efficacité du dispositif. « Cela fait vingt ans que nous avons de la vidéosurveillance en France, et nous n’avons aucun rapport sur l’intérêt, ni sur le nombre de caméras réellement déployées : on ne sait pas », explique Jean-Marc Manach, journaliste spécialisé sur les questions concernant l’informatique et les libertés*.
Mais ce n’est peut-être pas le principal problème aujourd’hui. Il s’agirait plutôt du fichage des citoyens, selon Jean-Marc Manach, qui dénonce l’évolution des fichiers de police. « Alors que la Cour européenne des droits de l’homme répète qu’on ne doit pas ficher les innocents, en France on continue ! » explique-t-il, faisant référence notamment au fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) dans lequel figurent 2,2 millions de Français, dont « 80 % de personnes innocentes, qui n’ont pas été condamnées ». Et ce n’est pas l’actuelle ministre de l’Écologie et experte des fichiers de police, Delphine Batho, qui pourra changer quelque chose : elle a été expulsée du ministère de la Justice. Son projet de loi, cosigné avec l’UMP lorsqu’elle était députée PS avant l’arrivée de François Hollande à l’Élysée, semble bel et bien enterré…
Pire, Manuel Valls n’a pas modifié le projet de fusion du Stic (police) et de Judex (gendarmerie) dans le nouveau fichier commun TAJ (traitement des antécédents judiciaires) : malgré les réserves de son camp sur le fond comme sur la forme, il laisse le projet de Claude Guéant aboutir. Même constat pour l’intégration des empreintes biométriques dans tous les documents d’identité ou pour le maintien du plan Vigipirate. Cette mesure d’exception, qui devait être temporaire, est en vigueur dans sa version moderne depuis plus de deux décennies. Pourtant, les dispositions du plan Vigipirate ne sont pas « normales » pour Emmanuel Roux. Selon lui, « si l’on entérine tout cela, on régresse sur les libertés publiques ».
La censure d’Internet, un outil normal
« Manuel Valls a voulu interdire la consultation des sites internet dits terroristes », se souvient Jean-Marc Manach, en rappelant que le juge antiterroriste Marc Trévidic avait immédiatement dénoncé ce projet, en arguant que c’est justement grâce aux imprudences des terroristes sur Internet que la police peut les repérer et les arrêter. Plus récemment, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a voulu, avec le parquet de Paris, censurer un article de Wikipédia, ce qui s’est traduit par un lamentable échec. Comme son collègue Benoît Hamon, Manuel Valls ne semble pas opposé à un filtrage d’Internet en France.
Malgré (ou grâce à ?) ce bilan qui n’a pas répondu à toutes les attentes de changement, Manuel Valls est une des stars du gouvernement socialiste. L’homme a vu sa cote de popularité bondir de 30 % lors de son entrée au gouvernement à 40 % aujourd’hui (source : TNS-Sofres).
Suite à l’envoi de la lettre des amis du Gisti (lettre que nous envoyons aux donateurs) au mois d’octobre 2012 [1] dans laquelle nous dénoncions déjà le projet de loi sur la retenue judiciaire en remplacement de la GAV des étrangers et le traitement infligé aux Roms, notamment durant la période estivale, je recevais un mot d’un ou d’une donatrice selon lequel nous aurions du d’abord mettre en avant les mesures positives prises par le gouvernement à l’égard des étrangers.
Je dois dire que cette critique est régulièrement faite au Gisti chaque fois qu’un gouvernement de gauche arrive au pouvoir mais en l’espèce je ne voyais pas du tout à quoi il était fait référence.
Je n’imagine pas la tête qu’il ou elle devait faire suite au rebond publié sous ma signature (mais en réalité écrit à plusieurs mains) dans libération le 17 janvier 2013 titré « Au Parti socialiste, un zeste de xénophobie ? ». [2]
Mais revenons en arrière !
Dès la campagne électorale, les choses étaient claires.
Rien dans le programme du candidat Hollande, sauf l’annonce de la réapparition du serpent de mer socialiste ou plutôt du monstre du Loch ness, c.a.d du droit de vote des étrangers aux élections locales, sans éligibilité. Nous savons qu’en à peine une année cette promesse est définitivement abandonnée.
Quant à une régularisation des sans papiers nous savions qu’elle ne serait pas globale mais au cas par cas et selon des critères précis. Rhétorique classique, rodée et apprise par cœur.
Et les sbires de la campagne de venir, dans les conférences de presse, les réunions publiques… , nous dire le soutien du PS à nos luttes de soutiens aux sans papier, aux Roms, aux étudiants étrangers…mais sans engagement plus avant.
Pour faire bonne figure, le Gisti était même reçu Rue de Solférino pour dire nos « revendications », comme si nos écrits n’étaient pas suffisamment clairs.
La nomination du Maire d’Evry qui voulait plus de « blancos » ou de « white » pour une vidéo de sa ville en juin 2009 [3], au poste d’un Ministère de l’Intérieur, dont l’omnipotence était héritée directement du Sarkozisme le plus dur, imprimait dés le départ une conception policière et répressive de la politique d’immigration [4].
Dès les mois de juillet et aout 2012, les plus brutales exactions étaient commises à l’encontre de Roms, plus que ce qui avait été fait après le discours de Grenoble de juillet 2010, pour finir par une circulaire dont l’hypocrisie se constate quotidiennement [5].
Le 25 septembre 2012, à Calais, la police a mis à sac le lieu de distribution des repas qui permettait aux organisations humanitaires d’assurer un minimum d’assistance aux exilés et demandeurs d’asile abandonnés à la rue [6].
D’ailleurs, les réponses du gouvernement au questionnement des associations sont édifiantes puisque Jean-Marc Ayrault, en janvier dernier, n’hésitait pas à exciper de la « nécessité de concilier deux exigences : la fermeté (…) ; mais aussi le respect de la dignité et l’humanité de l’action administrative face à des situations souvent très douloureuses » comme Eric Besson, en avril 2009, avait affirmé que sa « politique continuera d’allier fermeté et humanité ».
Et le Ministère de l’Intérieur, il y a quelque jours de répondre au 3D, par un insupportable déni, « Les faits évoqués dans votre décision reposent essentiellement sur des déclarations de responsables d’associations rapportant des propos non vérifiables et concernant des faits anciens qu’aucun élément objectif ne peut soutenir aujourd’hui. Seule une minorité des organisations associées à la saisine sont d’ailleurs effectivement présentes et actives auprès des migrants dans le Calaisis » [7].
Exactement comme le proclamait Eric BESSON qui affirmait que « la crédibilité du gisti était quasiment nulle » lorsque nous avions publié des décisions démontrant l’existence de poursuites et de condamnations sur le fondement du délit « dit » de solidarité [8].
Le Ministre de l’Intérieur annonce ensuite que rien ne changera dans les nombres de reconduites ou de régularisation.
En bref, beaucoup de fermeté réelle mais aussi beaucoup d’humanité virtuelle.
Aux actes et aux paroles sont venus s’associer les textes.
Mais attention, pas n’importe quel texte et pas dans n’importe quelle chronologie.
D’abord, il est fait choix délibéré de saucissonner le droit des étrangers, sans vision globale.
Ensuite, il est décidé de prendre des circulaires pour éviter d’inscrire dans le marbre législatif les critères de régularisation ou de non enfermement des familles, créant ainsi, toujours et encore, du non-droit.
Si si du non droit, puisque les principaux intéressés ne peuvent s’en prévaloir contre l’administration et que le pouvoir de contrôle du juge est écarté.
Il y a eu d’abord la circulaire du 31 mai 2012 sur le changement de statut des étrangers laissant un très large pouvoir d’appréciation aux autorités administratives et n’enlève rien, en pratique, à la difficulté du changement de statut au sortir de ses études pour occuper un emploi salarié [9].
Ensuite, la Circulaire du 6 juillet 2012 [10] sur le placement des familles en rétention. François Hollande dans une lettre adressée le 20 février 2012 (un mois après la condamnation de la France par la CEDH par l’arrêt dit Popov) à RESF et à l’Observatoire de l’enfermement des étrangers écrivait : « je veux prendre l’engagement, si je suis élu à la présidence de la République, de mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants. La protection de l’intérêt supérieur des enfants doit primer » [11].
Or, elle ne met pas fin à la rétention des enfants et tout au contraire l’autorise dans un certain nombre de cas.
Je vous renvoie au placement au Centre de rétention de Oissel d’un enfant de trois ans, malade, avec sa mère, cueilli dans son lit à 6 heures du matin [12].
Vient ensuite la circulaire Roms, j’en ai déjà dit trois mots.
Alors qu’il avait assuré qu’il mettrait fin aux pratiques restrictives du gouvernement précédent, qui s’était félicité de ce que le nombre d’étrangers naturalisés avait chuté de 30 % en 2011[13], le ministre de l’intérieur édicte la circulaire du 16 octobre relative aux procédures d’accès à la nationalité [14]. Or. La parution de celle-ci n’a pas été de nature à confirmer cette intention affichée et de son analyse il résulte que ce gouvernement reste fondamentalement imprégné par l’idée que la nationalité française est une faveur qui se mérite et non le droit pour toute personne qui vit en France depuis un certain nombre d’années de rejoindre en droit la population à laquelle elle appartient déjà en fait. [15]
Enfin, la circulaire du 28 novembre 2012 sur les « conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière » dite de régularisation [16].
La première réaction du Gisti a été une mise en garde afin d’éviter que des personnes, en allant déposer une demande en préfecture, ne s’exposent à une mesure d’éloignement (en trois jours, elle avait déjà été téléchargée 15 000 fois !).
Notre seconde initiative a été de rédiger un vade-mecum expliquant le contenu de la circulaire [17].
Et nous venons de faire une Note pratique, analyse et mode d’emploi de la circulaire.
Pendant le même temps, en utilisant l’urgence constitutionnelle, le gouvernement a fait voter la Loi du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées [18]
On se pose encore la question de savoir pourquoi il a été utilisé l’urgence pour élargir les immunités pénales du délit d’aide à l’entrée ou au séjour irrégulier, alors qu’une simple instruction aux parquets suffisait,
Si, on le sait, il fallait contenter quelques partenaires associatifs.
On se pose encore la question de savoir pourquoi il a été utilisé l’urgence pour dépénaliser le seul délit de séjour irrégulier déjà inexistant depuis les arrêts El Dridi et Achughbabian [19] et préciser les modalités des contrôles d’identité [20].
Si, on le sait, il fallait montrer que ce gouvernement était humain.
On se pose encore la question de savoir pourquoi il a été utilisé l’urgence pour créer une nouvelle GAV spéciale étrangers.
Si, on le sait, c’est une commande des préfectures et des services de police.
Je laisserai mes petits camarades de la journée vous décrypter tous ces textes, d’ailleurs on est là pour ça.
J’ai oublié de vous parler de la continuation des pratiques d’éloignements criminels d’étrangers malades couvertes par les inspections générales, quelles soient de l’administration auprès du ministère de l’intérieur ou des affaires sociales [21].
J’ai oublié de vous parler des visas de transit imposés aux syriens [22], pour les empêcher de fuir les horreurs de la guerre, validés par le Conseil d’Etat [23] imprégné de ce mythe de la nécessité d’éviter « un afflux massif de migrants clandestins » et confirmant qu’il est un complice objectif de cette politique de la maitrise des flux migratoires.
J’ai enfin et aussi oublier de vous parler des pratiques scandaleuses à l’égard des étrangers hors de la métropole et notamment à Mayotte concernant l’enfermement, l’accès aux soins et aux droits malgré les condamnations de toutes les institutions internationales, européennes et françaises [24].
Nous écrivions dans Libé que le gouvernement avait « un discours politique implicite qui murmure aux Français que le pouvoir les protège malgré tout de l’adversité puisqu’il frappe les étrangers. »
Nous nous sommes trompés, le discours politique n’est pas implicite, il est très explicite et il ne murmure pas, il crie.
Nous écrivions « devenir xénophobe pour essayer d’être populaire, tel est désormais le programme. » C’est faux c’est une réalité et la lecture du rapport de la CNCDH sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie ne lasse pas de nous inquiéter à cet égard [25].
Face à ce constat de la première année, nous devons nous inquiéter de ce qu’il ressortira de la mission FEKL, Député PS désigné par le Ministre de l’Intérieur, pour faire un rapport sur l’accueil en préfecture, les titres de séjours pluriannuels et le juge de la rétention administrative.
Après de nombreux tribunaux et cours d’appel, le juge des libertés et de la détention de Marseille a ordonné, vendredi, la libération de trente étrangers placés en rétention administrative par le préfet au Canet. Les avocats, Mes Vannina Vincensini et Philippe Perollier, ont fait valoir un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 13 février qui confirme le droit des personnes retenues à un accès aux organes et associations nationales et internationales non gouvernementales.
Il s’agit là d’une exigence contenue dans la Directive européenne « Retour » de décembre 2008. Ce droit à rencontrer ces ONG est différent de l’aide à l’exercice des droits assurés dans les centres de rétention par des associations ayant contracté avec le ministère de l’Intérieur. Afin de tenter d’éteindre l’incendie procédural qui s’étend à l’ensemble des centres de rétention, le ministère de l’Intérieur a fait notifier, quelques heures avant l’audience, un « complément de droits » indiquant aux étrangers retenus leur possibilité de contacter Forum Réfugiés et France Terre d’Asile.
« Ces associations ont reçu à 19 heures jeudi un mail leur faisant part d’une habilitation mais ce n’est pas comme cela que ça se fait’, dénonce Me Vannina Vincensini. En fait, c’est la pratique même de l’habilitation que conteste notamment l’Observatoire de l’Enfermement des Etrangers. Le ministère souhaite en effet imposer aux ONG une obligation de prévenir de leur venue 48 heures à l’avance.
« Nos organisations n’entendent pas, en sollicitant une telle habilitation, cautionner un dispositif à ce point contraire aux objectifs de transparence » de la directive Retour, indique Stéphane Maugendre, porte-parole de l’Observatoire dans une lettre à Manuel Valls. A Marseille, la juge des libertés et de la détention Bénédicte Cazanave a considéré que ‘ »l’insuffisance d’informations » du formulaire de la préfecture présenté aux étrangers « porte une atteinte évidente à leurs droits », comme vient de le juger également la cour d’appel d’Aix-en-Provence.