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Sans-papiers: «Welcome» revisite le «délit de solidarité»

Carine Fouteau,

Un maître nageur de Calais mis en examen après avoir hébergé un exilé kurde: Welcome, le film de Philippe Lioret, se fait l’écho de ces personnes prêtes à enfreindre la loi pour aider des étrangers en situation irrégulière. Militants et citoyens «ordinaires» sont de plus en plus souvent poursuivis et condamnés. Comme eux, Monique Pouille, bénévole de l’association Terre d’errance, vient de passer près de dix heures en garde à vue à Coquelles «pour aide au séjour irrégulier en bande organisée».

Les «élites tordues» dénoncées par Éric Besson sont partout. Partout en France, dans toutes les classes sociales, on trouve des «gens» prêts à se mobiliser, voire à enfreindre la loi, pour éviter l’expulsion d’un père de famille, d’un détenu ou d’un compagnon d’Emmaüs, pour cacher des enfants dont les parents sont menacés de reconduite à la frontière ou pour aider des personnes en situation irrégulière. Des militants et des citoyens «ordinaires» sont poursuivis et parfois condamnés pour avoir contesté, d’une manière ou d’une autre, le comportement de l’État à l’égard des étrangers sans papiers.

En salles à partir de mercredi 11 mars, le film Welcome est un marqueur de ce mouvement citoyen aux formes multiples. A charge contre la politique d’immigration, il retrace l’histoire d’un maître nageur de Calais venu en aide à un exilé kurde et mis en examen pour cela. Sur les plateaux télé, à la radio, dans les journaux, la promotion du film prend un tour politique. Vincent Lindon, acteur au côté de Firat Ayverdi, et Philippe Lioret, le réalisateur, inter¬pellent le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Calmement mais avec détermination, ils se font l’écho de ces Français aux marges de la légalité, qui, un jour, décident d’héberger une personne en situa¬tion irrégulière, leur offrent un repas ou des vêtements, quitte à se retrouver en garde à vue.

Leur cible : l’article L622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers qui punit d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30.000 euros «toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France» . Devenus experts en droit des étrangers, Vincent Lindon et Philippe Lioret s’indignent de ce que ce texte ne fasse aucune différence entre les coups de main désintéressés et les «aides» à but lucratif.

Monique Pouille n’est pas actrice de cinéma mais bénévole à Terre d’errance et aux Restos du cœur. Elle vient de faire les frais de cette législation. Membre de la paroisse de Norrent-Fontes, près de Béthune, elle apporte de la nourriture aux migrants en partance vers l’Angleterre et recharge, chez elle, leurs téléphones portables. Interpellée fin février à son domicile, qui a été perquisitionné, elle a passé une dizaine d’heures en garde à vue à Coquelles «pour aide au séjour irrégulier en bande organisée» . Elle en est ressortie sans charges ni mise en examen, pour l’instant tout du moins, mais choquée par la méthode.

Le camp où elle se rend presque tous les jours depuis deux ans et demi se trouve à un kilomètre de chez elle. Des exilés, venus d’Irak ou d’Afghanistan, s’en servent de base arrière pour se rendre, chaque soir, sur l’aire d’autoroute où les camions s’arrêtent avant la traversée de la Manche. «Je n ’aurais jamais pensé en arriver là , dit-elle, évoquant sa garde à vue. Aider ces hommes et ces femmes, c ‘est illégal, je le sais. Qu ’ est-ce qu ’on peut faire, alors ? C’est impossible de les laisser comme ça. Hier, j’y suis allée, il y avait une gamine de 16 ans qui est arrivée sans pull ni chaussures, de Calais. On a une réserve, je lui ai trouvé des vêtements à se mettre. Tous les soirs, ils se rendent à pied à l’aire d’autoroute pour essayer de passer. Si les chauffeurs les trouvent, ils reviennent au camp et ils tentent leur chance le lendemain. Ils marchent beaucoup. Il y a une femme de 60 ans, ça fait onze fois qu’elle essaie. Quand j’ai été arrêtée, les policiers m’ont dit que je pouvais aider les malheureux mais pas les passeurs. Moi, je ne suis pas là pour faire le ménage dans le camp. Est-ce qu ‘ils ont fait ça pour nous intimider, nous les bénévoles ? Cela se pourrait. Maintenant, quand j’entends sonner à la porte, j’ai peur. Mais je continue d’y aller, même si pour l’instant je ne prends plus les portables. Ce qui est sûr, c ‘est qu ’on n ‘est pas aidé par Monsieur Besson. Il faudrait qu il revoie un peu tout ça.»

Peu après la garde à vue de Monique Pouille, la Ligue des droits de l’Homme a exprimé «son entier soutien aux militants de la solidarité de plus en plus souvent menacés et poursuivis pénalement pour avoir obéi à leur conscience en secourant les victimes de la chasse aux migrants» , appelant «tous les citoyens de ce pays à se faire eux aussi ?délinquants de la solidarité’ pour ne pas laisser traiter comme des criminels celles et ceux qui défendent les droits fondamentaux et la dignité humaine» .

Debré et le manifeste des 66 cinéastes

Sur la défensive, Éric Besson évite de s’exprimer sur cette affaire. Plus généralement, il minimise l’impact de la loi. Face à Vincent Lindon, lundi 2 mars sur France 3 (voir la vidéo sous l’onglet Prolonger), il a soutenu qu’en «soixante ans», l’article incriminé n’avait abouti à la condamnation «que» de deux personnes qui «s’étaient inscrites dans la chaîne de la filière clandestine» . Autrement dit, la législation serait trop rarement mise en œuvre pour que l’on puisse s’en offusquer.

Présente sur le plateau, la juriste Danièle Lochak a dénoncé une «politique de la peur» , rappelant le cas de Jacqueline Deltombe, interpellée sur son lieu de travail en novembre 1996 pour avoir accueilli chez elle un ami zaïrois en situation irrégulière. A la suite de sa condamnation, un manifeste avait été lancé par 66 cinéastes. Entre autres, Arnaud Desplechin, Claire Denis et Pascale Ferran s’y déclaraient «coupables d’avoir hébergé récemment des étrangers en situation irrégulière» . «Suite au jugement rendu , ajoutaient-ils, nous demandons à être mis en examen et jugés nous aussi.»

Cette campagne de désobéissance civile menée contre l’obligation prévue dans le projet de loi Debré, pour toute personne ayant signé un certificat d’hébergement, d’informer la préfecture du départ de l’étranger, avait obligé le gouvernement à reculer.

Mais le dispositif n’en a pas moins été durci six ans plus tard par la loi Sarkozy de novembre 2003. Alors qu’une directive européenne de 2002 est venue préciser que l’infraction devait être commise dans un but lucratif, la réglementation actuelle ne reprend pas cette exigence. Son champ est si large, malgré les immunités protégeant les proches parents et sous certaines conditions les associations, que les interpellations se multiplient. Mis en examen pour «aide à l’entrée, au séjour et à la circulation d’étrangers en situation irrégulière, en bande organisée» , Jean- Claude Lenoir, par exemple, de l’association Salam à Calais, a été condamné (mais dispensé de peine), en août 2004, pour avoir retiré des mandats postaux pour le compte de réfugiés.

«Entrave à la circulation d’un aéronef»

Avec la hausse des expulsions depuis 2002, un autre «délit de solidarité» se développe. Il concerne ces passagers, de plus en plus nombreux, poursuivis pour «provocation à la rébellion et entrave à la navigation d’un aéronef» . Mediapart a décrit, en octobre 2008. le cas de trois Français et d’un Marocain, débarqués d’un vol de la Royal Air Maroc puis condamnés (à une amende avec sursis) après avoir dénoncé les conditions du retour forcé de deux sans-papiers. Ni militants, ni politisés, ils s’étaient indignés de la manière dont ces hommes étaient traités par les forces de l’ordre.

D’autres exemples : en décembre 2008, trois professeurs de philosophie ont été placés en garde à vue, alors qu’ils se rendaient à Kinshasa, en République démocratique du Congo, afin d’y participer à un colloque universitaire sur «la culture du dialogue et le passage des frontières». Leur tort : avoir protesté, «pacifiquement» disent-ils, contre les modalités de l’expulsion de trois sans-papiers retenus dans l’avion. Pierre Lauret a été «violemment» contraint de quitter l’avion, tandis qu’Yves Cusset et Sophie Foch-Rémusat ont été arrêtés à leur retour. Le président d’Agir ensemble pour les droits de l’homme, André Barthélémy, est, lui, en attente de jugement, après s’être opposé, en avril 2008 sur un vol pour Brazzaville, aux conditions de reconduite à la frontière de deux ressortissants congolais.

Depuis quelques années, les chefs d’inculpation se diversifient à l’encontre des personnes mettant en cause les pratiques de l’État à l’égard des étrangers. Le président du Gisti, Stéphane Maugendre, dénonce «des tentatives d’intimidation tous azimuts» en direction «non seulement des militants, des bénévoles mais aussi des simples citoyens» . Encore des exemples : une militante de RESF a fait l’objet de poursuite pour avoir protégé les enfants de sans-papiers; une directrice a été inquiétée parce qu’elle a contesté l’interpellation près de son école du grand-père de l’un de ses élèves ; des personnes sont poursuivies pour outrage pour avoir envoyé des mails à des préfets comparant leurs méthodes «à ce qui se passait sous Vichy» . «Cela va au-delà du délit de solidarité stricto sensu» , indique Stéphane Maugendre. «Le pire , ajoute-t-il, c’est que, parfois, ça marche. Certaines personnes n ‘osent plus aller manifester autour des centres de rétention administrative par exemple. Le risque est qu’une sorte d’autocensure s’installe.»

Après la parution du livre collectif Cette France-là , qui dresse un état des lieux cinglant de la politique migratoire française, Welcome est une mauvaise publicité supplémentaire pour le ministère de l’immigration. Eric Besson contre-attaque en accusant le réalisateur du film d’avoir «franchi la ligne jaune (…) lorsqu’il dit que les clandestins de Calais sont l’équivalent des juifs en 43’» . Pour le ministre, interrogé samedi sur RTL, «cette petite musique- là est absolument insupportable» . «Suggérer que la police française, c ’est la police de Vichy, que les Afghans sont traqués, qu ‘ils sont l’objet de rafles… c’est insupportable» , insiste-t-il. Dans une lettre ouverte publiée dans Le Monde , Philippe Lioret lui répond en affirmant qu’il ne met «pas en parallèle la traque des juifs et la Shoah, avec les persécutions dont sont victimes les migrants du Calaisis et les bénévoles qui tentent de leur venir en aide, mais les mécanismes répressifs qui y ressemblent étrangement ainsi que les comportements d’hommes et de femmes face à cette répression» .

À la fois pour faire diversion et marquer son attachement à la politique d’immigration «choisie» de Nicolas Sarkozy, le ministre a retenu le jour de la sortie du film, ce mercredi, pour remettre un titre de séjour à Sharif Hassanza, ce jeune Afghan sans papiers devenu champion de France espoir de boxe

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Haro sur les empêcheurs d’expulser en rond

Accueil, Marie Barbier, 9/10/2008

Solidarité.

Les poursuites se multiplient contre les opposants à la politique d’immigration du gouvernement. Sous la présidence Sarkozy, il ne fait pas bon soutenir les sans-papiers.

Ils se tiennent tous les quatre face au juge, tête baissée et mains derrière le dos. Leur crime ? S’être opposés pacifiquement à l’expulsion de deux Maliens, le 27 février 2008, à bord du vol Paris-Casablanca de la Royal Air Maroc. À la barre, Raphaël Quenum raconte : « Un homme à terre hurlait. Un policier l’étranglait, un deuxième posait son genou sur sa poitrine et le troisième lui tenait les jambes. Un être humain ne mérite pas d’être ainsi malmené. » Les quatre passagers comparaissaient le 26 septembre devant le tribunal de Bobigny pour « provocation directe à la rébellion et entrave à la navigation d’un aéronef ». La procureure a requis quinze jours d’emprisonnement avec sursis et 500 euros d’amende. Le jugement est attendu demain.

Il ne fait pas bon, par les temps qui courent, s’opposer à la politique d’immigration du gouvernement. La répression frappe tous azimuts : les particuliers, comme ces quatre passagers de la Royal Air Maroc, ne sont que la partie visible d’une politique de plus en plus sévère à l’encontre des soutiens aux sans-papiers. En première ligne : les associations, qui s’opposent chaque jour à la politique du chiffre menée par Nicolas Sarkozy et son ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux.

Première étape : la décrédibilisation. Ou comment faire passer un vaste mouvement citoyen pour une agitation orchestrée par quelques dangereux gauchistes. En juin dernier, une note interne du ministère de la Justice évoque une « mouvance anarcho-autonome », qui s’exprimerait notamment « à l’occasion de manifestations de soutien (…) à des étrangers en situation irrégulière ». L’incendie du centre de rétention de Vincennes, le 22 juin, donne un coup d’accélérateur à ces allégations. Pour le gouvernement, les coupables sont tout trouvés. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, accuse le Réseau Éducation sans frontières (RESF) de « provocations aux abords de ces centres, au risque de mettre en danger des étrangers retenus ». David Weiss, délégué national des Jeunes UMP, va plus loin, qualifiant RESF comme un « mouvement quasi terroriste » qui « pousse les gens à foutre le feu partout ». Jusqu’à présent, aucune plainte n’a été déposée contre le réseau. Mais ses militants restent sur le qui-vive. « On est dans la ligne de mire, indique Richard Moyon. On sait qu’on est attendu au tournant et qu’au moindre faux pas… »

poursuivi pour outrage à autorité publique

Une étape supplémentaire a toutefois déjà été franchie. À Rennes, Paris, Tours ou dans le Jura, les attaques judiciaires se multiplient. Pour Stéphane Maugendre, président du GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés) et avocat des trois militants de Rennes (lire ci-après), ces poursuites judiciaires restent au stade de l’intimidation, mais témoignent du franchissement d’une ligne jaune : « Après la création, en 2003, d’un « délit de solidarité » (1), on est passé à quelque chose de complètement nouveau. Les poursuites contre les associations existaient déjà, mais pas à ce niveau-là. Toute critique contre la politique d’immigration est désormais dans le collimateur du gouvernement. »

Ainsi, le gouvernement n’hésite pas à poursuivre les militants qui comparent les rafles de sans-papiers à celles menées contre les juifs pendant la dernière guerre. Dernier exemple en date : celui de Romain Dunand, trente-cinq ans, habitant du Jura, militant à RESF et à la CNT, qui se dit aujourd’hui un peu « dépassé » par les événements. En 2006, il participe à la campagne de soutien à Florimont Guimard, instituteur poursuivi en justice pour avoir empêché l’expulsion d’un père de famille sans papiers et de ses deux enfants. Mandaté par son syndicat, il écrit à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur : « Voilà donc Vichy qui revient : Pétain avait donc oublié ses chiens ! » Sentence rendue par la justice en février dernier : 800 euros d’amende et un euro de dommages et intérêts pour outrage à autorité publique. Romain Dunand a fait appel et sera rejugé le 22 octobre à Paris. « Ce sera le procès de la solidarité et de la liberté d’expression en général », assure le militant qui promet un procès politique. L’anthropologue Emmanuel Terray et Maurice Rajsfus, de l’Observatoire des libertés publiques, seront d’ailleurs appelés à la barre pour l’occasion.

Les militants risquent cinq ans de prison

Le procès politique, l’association SOS soutien aux sans-papiers s’en rapproche à grands pas. Ses accrochages avec le ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, ont été le feuilleton de l’été dernier. Résumé des épisodes précédents : le 2 août, alors qu’une poignée de militants manifestent devant le centre de rétention du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), le feu prend à l’intérieur. Trois jours après, le ministre annonce le dépôt d’une plainte contre SOS, accusée d’être à l’origine de l’incendie. Depuis, si l’avocat de l’association, Henri Braun, déclare n’avoir toujours aucune nouvelle de la fameuse plainte, le parquet de Bobigny a ouvert une enquête préliminaire pour « provocations, suivies d’effets, à commettre des dégradations dangereuses ». Les militants poursuivis risquent tout de même jusqu’à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende…

Dernier épisode en date : le 24 septembre, trois membres de l’association et un sympathisant sont auditionnés. Le même jour, Muriel Elkolli, cinquante-deux ans, militante du Collectif de soutien aux demandeurs d’asile et aux sans-papiers de Tours, qui n’a pourtant pas mis les pieds au Mesnil-Amelot le 2 août, est également entendue. « Les deux gendarmes venus spécialement de Paris m’ont dit : « Vous trouvez pas que ça fait beaucoup ? La fermeture du CRA de Blois, la destruction de Vincennes et maintenant l’incendie au Mesnil-Amelot. » Ils nous considèrent comme des fous furieux qui mettons le feu et nous réunissons en secret. Mais la vraie cause de ces incendies, c’est leur politique d’enfermement des étrangers. »

Quant aux militants du comité des sans-papiers du Nord (CSP 59), ils doivent faire face à de nombreuses attaques depuis plusieurs mois. En décembre 2007, l’un d’entre eux est arrêté et mis en garde à vue trente-six heures sans qu’aucune plainte ne lui soit notifiée. Bis repetita en janvier, le même militant est gardé à vue vingt-quatre heures. Début février, c’est au tour de l’emblématique porte-parole du CSP 59, Roland Diagne, d’être convoqué à la brigade criminelle. On lui signifie alors que la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a porté plainte contre X suite à deux tracts jugés attentatoires à son honneur. Depuis : rien. « On n’a aucune nouvelle, proteste Roland Diagne. Si une plainte avait été déposée, au moins, on pourrait se défendre, mais là, ils nous arrêtent, nous relâchent… on ne peut rien faire. »

Première conséquence de ces multiples poursuites : la radicalisation du mouvement. « La multiplication des attaques crispe un certain nombre d’associations, analyse Stéphane Maugendre. Celles qui n’étaient pas forcément dans la contestation durcissent le ton. » Pour les plus optimistes, l’énergie dépensée par les pouvoirs publics pour tenter de réduire au silence les militants démontre l’efficacité de leur action. « Il existe une vraie évolution de l’opinion publique, note Richard Moyon de RESF. Il y a quelques années, il était impensable que des parents d’élèves se couchent sur la chaussée pour empêcher l’arrestation d’un père de famille. On prend des coups, c’est vrai, mais on en rend aussi… »

(1) {Le délit « d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour d’un étranger en situation irrégulière» est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende}.

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« C’est complètement fou. Qu’est-ce qu’on a fait ? »

newlogohumanitefr-20140407-434Marie Barbier, 09/10/ 2008

Ginette Janin, retraitée, comparaîtra devant la justice le 12 décembre pour diffamations, avec deux autres militants du Collectif rennais de soutien aux sans-papiers.

Août 2008. Ginette Janin assiste au Festival d’Avignon quand elle apprend la nouvelle : le ministère de l’Intérieur l’attaque en justice pour diffamations et injures publiques contre un corps constitué de l’État. Deux autres militants du Collectif de soutien aux sans-papiers de Rennes sont également poursuivis. Peine maximale encourue : 45 000 euros d’amende. De retour du Festival, la passionnée de théâtre trouve une assignation à comparaître dans sa boîte aux lettres. « Je me suis dit : « C’est complètement fou ! Qu’est ce qu’on a fait ? Dans quelle société on vit ? » Ce n’est pas tant que ça me fait peur. Mais cela en dit long sur la politique du gouvernement… »

En cause : trois tracts, dont certains passages sont jugés insultants pour la police aux frontières (PAF). Intitulé « La PAF recrute, rejoins-nous ! », l’un des tracts ironise sur les méthodes des forces de l’ordre chargées de la lutte contre l’immigration illégale : « Tu veux un métier où, plus t’obtiens des résultats, plus tu gagnes du fric ? », « Dans la journée, tu peux aussi organiser des contrôles au faciès » ou encore « Notre métier autorise l’enfermement des enfants ». « Ces textes ont été écrits par quelques-uns, mais toujours lus et validés en assemblée générale », souligne Ginette, qui insiste sur la responsabilité collective et le côté arbitraire de la plainte. Pour le collectif, les trois prévenus ont été choisis au hasard, lors d’une manifestation devant les locaux de la PAF à Rennes, le 2 avril dernier. Les trois militants étaient présents : l’un a lu le tract à voix haute, un autre a appuyé sur l’interphone de la police et la dernière, Ginette, a répondu aux journalistes présents.

Depuis toujours, Ginette Janin prône la manifestation comme mode d’action. Dans le couloir de son appartement, tout en haut de la plus haute tour du quartier Colombier, une édition de l’Humanité la montre au sein d’un cortège parisien alors qu’elle était lycéenne. Ginette Janin est une révoltée épidermique. Les injustices lui hérissent le poil et la scandalisent. Dans les années soixante, elle milite, à Paris, à l’Union des étudiants communistes (UEC) avec Serge July, Bernard Kouchner et Alain Krivine. La professeure d’histoire-géographie s’installe ensuite dans le Morbihan. Elle y est militante syndicale et, un temps, conseillère municipale. Mais les partis ne la tentent pas. Elle préfère les causes.

Depuis sa retraite, la sexagénaire vit à Rennes, où elle milite depuis trois ans au collectif de soutien aux sans-papiers. Elle dit : « Quand on se bat pour davantage de justice sociale, il est logique de se battre pour les sans-papiers. Ce sont les plus exploités, les plus pauvres, les plus en marge. » Créé en 2002, le collectif rennais compte une cinquantaine de militants réguliers. À leur actif : rassemblements, manifestations, occupations et permanences juridiques. Depuis 2007 et l’installation d’un centre de rétention en Ille-et-Vilaine, le collectif organise des « parloirs sauvages » : les militants se postent derrière les grillages pour « discuter » avec les retenus en attente d’une probable expulsion. « C’est très dur, dit Ginette. À travers les grilles, ils nous racontent des choses désespérées. »

Le procès, initialement prévu le 19 septembre, a été repoussé au 12 décembre. Il devrait faire grand bruit. D’abord parce que des dizaines de militants du collectif ont entamé une procédure de comparution volontaire, demandant ainsi à être jugés au même titre que les trois prévenus. Ensuite parce que les avocats ont prévu de lui donner un retentissement politique. « On va plaider le caractère non diffamatoire et non injurieux, commente Stéphane Maugendre, l’un des avocats des prévenus et président du GISTI. C’est de la caricature, comme Charlie Hebdo le faisait il y a quelques années. On veut aussi prouver que certains passages sont vrais : comme le contrôle au faciès. » Pour Ginette, « bien sûr que ce procès sera une tribune politique contre la politique d’immigration ». Mais la militante ne perd pas de vue ses objectifs : « On ne veut pas se laisser bouffer par le procès. Notre travail est d’aider les sans-papiers et, en ce moment, il se passe vraiment des trucs horribles. »

M. B.

Militants hors-la-loi

Image_3_reasonably_small-du_400x400 Par Stéphane Maugendre, président du Gisti 26/08/2008

La droite au pouvoir stigmatise les associations en lutte contre la politique d’immigration du gouvernement. Le président du Gisti s’insurge et décrypte cette dérive de criminalisation des militants.

A la suite de l’incendie qui s’est déclaré au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (77), le samedi 2 août, le ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, a décidé de porter plainte contre le président d’une association. L’ Anafé, la Cimade, la LDH, la Pastorale des migrants, RESF et le Gisti ont dénoncé l’attitude du gouvernement consistant à rechercher un bouc émissaire et à se dédouaner ainsi de sa propre responsabilité quant aux conséquences désastreuses de sa politique. Au-delà, ces mêmes organisations posaient la question : “La critique de la politique de l’immigration est-elle encore possible en France ?” (voir le communiqué de ces associations sur gisti.org).

Cette question n’est malheureusement pas née d’hier, et l’initiative du ministre de l’Immigration, loin d’être isolée, s’inscrit dans un contexte qui montre que le gouvernement est décidé à s’attaquer à tous ceux qui osent s’opposer à lui. Témoin de cette dérive, les déclarations du porte-parole de l’UMP, le 24 juin dernier, qualifiant RESF et d’autres collectifs de soutien aux sans-papiers de “faiseurs de provocations” et “semeurs de désordre” lors de l’incendie du centre de rétention de Vincennes consécutif au décès, dans des circonstances non encore élucidées, d’un Tunisien âgé de 41 ans.

Témoin la publication au Journal officiel du 1er juillet 2008 du décret instituant le fameux fichier Edvige, qui permet le fichage de “toute personne âgée de 13 ans et plus (…) ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif”, de tout individu, groupe ou organisation dont l’activité est susceptible de troubler l’ordre public ainsi que toutes les informations relatives aux fréquentations, au comportement, aux déplacements, à l’appartenance ethnique, à la vie sexuelle, aux opinions politiques, philosophiques et religieuses, au patrimoine, au véhicule… de ces personnes (pour signer la pétition Non à Edvige : www.no- naedvige.ras.eu.org).

Témoin, la diffusion de la note en date du 13 juin 2008 de la Chancellerie qui demande aux parquets d’informer dans les plus brefs délais la section antiterroriste de Paris de faits “susceptibles d’être attribués à la mouvance anarcho-autonome” et qui vise, parmi ces faits, les “manifestations de soutien aux étrangers en situation irrégulière” aux cours desquelles “ses membres s’expriment, parfois avec violence”.

Témoin encore la question écrite de M. Thierry Mariani (député UMP et auteur du mémorable amende-ment ADN en septembre 2007) sur le financement public du Gisti et la réponse du ministère de l’Immigration laissant entendre que des contrôles seraient prochainement diligentés sur l’emploi des fonds publics ainsi versés de façon à établir les conditions d’une reconduction éventuelle du soutien financier de l’Etat (JO des 18 septembre 2007, p. 5625, et 6 mai 2008, p. 3842). Comme si la reconduction des subventions d’une année sur l’autre n’était pas toujours subordonnée au contrôle de l’exécution des engagements pris et alors que la Cour des comptes a elle-même effectué un contrôle en 2007 sur la gestion financière du Gisti dont il est ressorti un rapport particulièrement élogieux. Derrière la question du député et la réponse ministérielle se profile donc bien, en réalité, une menace sur le financement public des associations qui expriment leur désaccord avec la politique gouvernementale. Stigmatisation, anathèmes, fichage des militants et associations, criminalisation des soutiens et maintenant dénonciation publique et médiatique des associations (qualifiées de “groupuscules d’extrême gauche”), annonce d’une plainte contre un militant – sur l’unique fondement d’un seul article de presse mettant entre guillemets des mots non-prononcés -, interdiction de manifester : décidément, tout est fait, et par tous les moyens, pour rejeter sur ceux-là les conséquences désastreuses de l’actuelle politique d’immigration.

Il va d’évidence que plus cette politique se durcira, plus la critique démocratique des associations, des syndicats et des militants se fera entendre, et plus le désir de nos gouvernants sera de nous bâillonner et de nous dénoncer – non plus pour trouble à l’ordre public mais pour trouble à l’ordre politique, au risque de mettre en danger les libertés de tous

*Gisti : Groupe d'information et de soutien des immigrés. www.gisti.org

Enseignants, protestants, avocats… : la galaxie hétéroclite des soutiens

index,  Luc Bronner et Michel Delberghe, 07/08/2008

Des enseignants, des lycéens, des parents d’élèves, des juristes, des syndicalistes, des chefs d’entreprise… Le profil des militants et sympathisants engagés dans la défense des sans-papiers est assez hétéroclite, même si la plupart des associations impliquées sont classées à gauche. Cette galaxie se révèle assez mouvante avec des collectifs qui naissent et disparaissent en fonction des menaces d’expulsion repérées ici dans un établissement scolaire, là par un syndicat, plus loin par un club sportif… Trois associations ou collectifs jouent un rôle moteur, rejoints, plus récemment, par des syndicats de salariés comme la CGT. A leurs côtés, interviennent des asso­ciations comme la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat de la magistrature ou des organisations de l’éducation natio­nale (SUD-Education, SNES, etc.).

La Cimade. L’association, créée en 1939 par des protestants, a conservé son acrony­me d’origine lié à la guerre (qui signifie Comité inter-mouvements auprès des éva­cués) mais se présente aujourd’hui com­me un « service œcuménique d’entraide » intervenant auprès des étrangers et des migrants. Elle est chargée, depuis 1984, d’une mission officielle dans les centres de rétention administrative (CRA) pour accompagner les personnes retenues et les conseiller.

Présidée par Patrick Peugeot, elle dispo­se de moyens importants, contrôlés par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), avec 120 salariés et 1 500 bénévo­les. Le ministère de l’immigration la finan­ce à hauteur de 40 % de son budget, le res­te étant assuré par des dons, des subven­tions de collectivités locales et de fonda­tions privées. La Cimade publie des enquê­tes sur la situation des centres de réten­tion. Elle n’a pas cessé, depuis plusieurs mois, d’alerter le gouvernement sur la situation critique dans certains CRA, notamment à Vincennes (Val-de-Marne) et au Mesnil-Amelot (Seine-et-Mame).

Le Gisti. Le Groupe d’information et de soutien des immigrés, crée en 1972, est une association spécialiste du droit des étran­gers. Il organise des permanences juridi­ques, assure des formations. Début 2008, il comptait 208 membres, dont 54 avocats. Cette structure, présidée par l’avocat Sté­phane Maugendre, joue un rôle important dans le combat juridique, contestant régu­lièrement les textes réglementaires devant la juridiction administrative française ou européenne. Plusieurs « grands arrêts » du Conseil d’Etat ont été obtenus sur des recours déposés par le Gisti.

RESF. Le Réseau éducation sans frontiè­res est un rassemblement informel de cen­taines de collectifs locaux, créés autour d’établissements scolaires, pour assurer la défense d’élèves mineurs menacés d’expul­sion du fait de la reconduite de leurs parents. Depuis sa création, en 2004, ce réseau a connu un développement rapide, soutenu par des syndicats d’enseignants et des associations de parents. Grâce à ses actions (parrainages, pétitions, manifesta­tions), le réseau estime avoir empêché plusieurs milliers d’expulsions. Son porte-parole national est Richard Moyon.

CGT et Droits devant !! Le mouve­ment a commencé en février par une grè­ve inédite de salariés employés avec de fausses cartes de séjour dans un grand res­taurant parisien. Depuis, la CGT et l’asso­ciation Droits devant ! ! accompagnent les actions spontanées qui ont émergé dans plus de 70 entreprises, pour l’essen­tiel en Ile-de-France, contraintes par la nouvelle loi sur l’immigration de licencier leurs salariés employés « irrégulière­ment », le plus souvent depuis plusieurs années. Au total, plus de 800 travailleurs ont été régularisés, au cas par cas dans les préfectures, parfois avec l’aide des chefs d’entreprise concernés. Pour autant, ce mouvement concerne assez peu les fem­mes qui occupent des emplois précaires dans le nettoyage et la restauration.

⇒ Voir l’article

M. Hortefeux s’en prend aux soutiens des sans-papiers

index Luc Bronner, 07/08/2008

LéoFaustine/PHOTOPQR/« LE PARISIEN »
Léo Faustine/PHOTOPQR/« LE PARISIEN »

Les associations de soutien aux sans-papiers se sentent désormais dans la ligne de mire du gouvernement et de la majorité parlementaire. Avec l’annonce du dépôt d’une plainte contre SOS soutien aux sans-papiers, accusée d’avoir incité à la révolte des immigrés placés au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), le gouvernement a franchi une étape dans le durcissement de ses rapports avec les collectifs mobilisés contre la politique gouvernementale.

Le ministre de l’immigration et de l’iden­tité nationale, Brice Hortefeux, a interrom­pu ses vacances, mardi 5  août, et présidé une courte réunion avec des hauts responsables des ministères de l’intérieur et de l’immigration pour faire le point sur les incidents du Mesnil-Amelot, samedi 2 août, au cours desquels trois matelas avaient été incendiés par des retenus en attente d’expulsion alors que se déroulait, à l’extérieur, une manifestation de SOS soutien aux sans-papiers.

Devant les journalistes, le ministre i dénoncé les « agissements » de l’association, proche du mouvement autonome qu’il a qualifiée de « groupuscule » et dont les membres sont, à ses yeux, des « agita­teurs » » et des « provocateurs ». Le ministre a confirmé le dépôt d’une plainte contre le collectif et demandé l’interdiction de manifester, samedi 9 août, devant le CRA dt Mesnil-Amelot.

Pour justifier ces décisions, M. Horte­feux s’appuie sur les déclarations du prési­dent de l’association, Rodolphe Nettier, au Parisien du 4 août. Celui-ci appelait à « brû­ler les centres » – propos qu’il a depuis démenti avoir tenus. Le cabinet du minis­tre précise que d’« autres éléments » figu­rent dans la plainte – notamment la présen­ce, lors du rassemblement du 2 août, d’une banderole appelant à la « destruction » des centres. M. Nettier rétorque que la banderôle n’avait pas été apportée par l’associa­tion mais par des « anarchistes ».

Au-delà du cas particulier de SOS sou­tien aux sans-papiers, acteur secondaire dans le paysage militant, cet épisode inter­vient dans un contexte de rapports tendus avec les associations historiques. Le minis­tère de l’immigration tente discrètement de réduire les capacités critiques de la Cimade, association d’origine protestante chargée d’assurer la défense et l’informa­tion des retenus au sein des centres. M. Hortefeux, qui ne dissimule pas son agacement vis-à-vis de la Cimade, préconi­se de faire appel à des associations caritati­ves, comme la Croix-Rouge ou l’Ordre de Malte (Le Monde du 26 juillet) pour assu­rer une plus grande « diversité » dans l’aide aux sans-papiers. « La Cimade est trop indépendante à ses yeux. Le ministère veut éclater ses missions en les confiant à plu­sieurs associations dans l’idée de réduire son poids », explique un proche du dossier. L’UMP a multiplié, ces derniers mois, les accusations et les critiques à l’encontre des « collectifs » de soutien aux sans-papiers. A plusieurs reprises, son porte-parole, Frédé­ric Lefebvre, a mis en cause les associations dans les incidents. Après l’incendie, le 22 juin, du CRA de Vincennes, il s’en était pris très durement au Réseau Education sans frontières (RESF), lui attribuant une « responsabilité morale » dans les troubles.

Les associations, qui décrivent une atmosphère tendue dans les centres de rétention, estiment que le ministère tente d’allumer des « contrefeux » pour prévenir les critiques au cas où surviendrait un dra­me. « Les gestes de désespoir se multiplient dans les centres. La stratégie de M. Hortefeux vise à cacher cette réalité qui est le produit de sa politique », souligne Richard Moyon, porte-parole de RESF. « Le gouvernement détourne l’attention sur des “groupuscules d’extrême gauche”, j’emploie des guillemets, pour éviter qu ’on se préoccupe de sa politique et de ce qui se passe dans les centres de réten­tion », ajoute Stéphane Maugendre, prési­dent du Gisti. Les associations réfléchis­sent à une action commune pour dénoncer l’attitude du gouvernement.

⇒ Voir l’article

Le travail social et les délits d’aide au séjour irrégulier

Par Stéphane MAUGENDRE, 28/05/2008, journée de réflexion de l’Anas, le Gisti et le Journal du droit des jeunes sur le thème :  « Travail social et contrôle de l’immigration ».

I) Les textes applicables :

  • Les articles L. 622-1 à L 622-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)
  • La directive n° 2002/90/CE du Conseil de l’Union européenne du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irrégulier (Journal Officiel des communautés européennes 5 Décembre 2002),
  • La décision-cadre n° 2002/946/JAI du Conseil de l’Union européenne du 28 novembre 2002 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers (Journal Officiel des communautés européennes 5 Décembre 2002),
  • Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté à New York le 15 novembre 2000 et signé par la France le 12 décembre 2000 (publié D. n° 2004-446, 19 mai 2004 : Journal Officiel 27 Mai 2004).

II) Bref historique

L’article L. 622-1 du CESEDA reprend les termes de l’article 21 de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.

Les textes relatifs aux délits d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour de l’étranger en situation irrégulière avaient déjà modifiés auparavant à de nombreuses reprises, dans le sens d’une répression de plus en plus sévère, au prétexte de l’impérieuse nécessité de lutter contre les filières d’immigration clandestine.

Depuis le début des années 2000, notre droit national commence à intégrer le droit européen et international.

L’évolution a aussi conduit à l’autonomisation des délits d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier. En effet, en droit pénal français, l’aide apportée à la commission d’un délit est répréhensible et punissable par le biais de la complicité (articles 121-6 et 121-7 du Code Pénal). Toutefois la répression de la complicité nécessite l’existence de certains éléments constitutifs (exemple l’existence d’une infraction principale punissable), ce qui limite les possibilités de poursuite et de répression. C’est pourquoi le législateur, sous l’impulsion du pouvoir exécutif, a « autonomisé » les délits d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers. Ceci permet de poursuivre la complicité indirecte, la tentative de complicité, la tentative de complicité indirecte, en bref, toute personne en relation avec un sans papier.

Dernier aspect de l’évolution  : la sévérité croissante de peines sanctionnant ces délits.

III) EN QUOI CONSISTE CE DÉLIT ?

L’article L. 622-1 du CESEDA dispose :

Sera puni des mêmes peines celui qui, quelle que soit sa nationalité, aura commis le délit défini au premier alinéa du présent article alors qu’il se trouvait sur le territoire d’un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 autre que la France.

Sera puni des mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger sur le territoire d’un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990.

Sera puni de mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000.

Les dispositions du précédent alinéa sont applicables en France à compter de la date de publication au Journal officiel de la République française de ce protocole. »

  • Il s’agit d’abord d’une aide apportée à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier.

L’entrée correspond au passage de la frontière, au fait de pénétrer sur le territoire d’un Etat.

La circulation et le séjour correspondent à des notions particulièrement larges qui vont d’un simple passage sur le territoire à une résidence habituelle.

Cette entrée, cette circulation ou ce séjour doit être irrégulier.

  • Il s’agit ensuite d’une aide

On peut aider de différentes façons.

  1. L’aide active

C’est le cas lorsque l’on fournit à l’étranger en situation irrégulière des moyens pour circuler ou séjourner sur le territoire.

Quelques exemples :

  • servir de prête-nom,
  • fournir un hébergement ou un logement,
  • fournir des documents administratifs falsifiés,
  • rétention de documents

L’aide par omission

Les seuls exemples de condamnations connus concernent des personnes qui se sont abstenues de fournir les documents ou les renseignements afin qu’une personne puisse obtenir sa régularisation. Il n’existe pas de cas de condamnation pour des comportements purement passifs.

L’aide « morale »

La question s’est posée de savoir si la signature d’une pétition de soutien aux étrangers en situation irrégulière entrait dans le champ répressif de l’article L. 622-1 du CESEDA.

Le ministère de l’Intérieur à une question écrite à l’Assemblée Nationale a répondu que « la signature de pétitions, manifestation de la liberté d’expression, ne saurait être assimilée à une aide directe, voire matérielle, à l’entrée ou au séjour irréguliers de ressortissants étrangers » (Rép. min. n° 38181 : JOAN Q, 16 sept. 1996, p. 4946).

Où doit-on aider pour être poursuivi?

Pour mémoire, il convient de rappeler que le fait d’aider en France l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France, sur le territoire d’un autre État partie, soit à la Convention de Schengen (signée à Schengen le 19 juin 1990), soit au Protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, est passible des poursuites pénales de l’article L. 622-1 du CESEDA.

L’aide doit être intentionnelle

La personne poursuivie doit avoir aidé en connaissance de cause, elle doit avoir agit sciemment. C’est-à-dire que la personne sache qu’il est interdit d’aider un étranger en situation irrégulière à entrer, circuler ou séjourner en France et que cette aide doit être volontaire.

Il s’agit là de l’application d’un principe général du droit pénal français (il n’y a point de délit sans intention de le commettre, article 121-7 du Code Pénal) repris par le premier article de la directive du Conseil de l’Union européenne du 28 novembre 2002.

L’aide doit-elle être nécessairement lucrative ?

En droit on appelle cela l’animus lucri.

A la lecture de l’alinéa 1er de l’article L. 622-1 du CESEDA, il semble que la simple aide directe ou indirecte pour faciliter ou tenter de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger suffise à la poursuite et à la condamnation.

Le CESEDA exclut donc des éléments constitutifs de cette infraction le caractère lucratif ou gratuit de l’aide.

Toutefois le droit européen (Convention de Schengen du 19 juin 1990 et directive n° 2002/90/CE du Conseil de l’Union européenne du 28 novembre 2002) invitent les États partis à la Convention ou les États membres de l’UE à instaurer des sanctions appropriées à l’encontre de quiconque aide ou tente d’aider, « à des fins lucratives » ou « dans un but lucratif », un étranger à pénétrer ou à séjourner sur le territoire d’une Partie contractante en violation de la législation de cette Partie contractante.

Ainsi, a contrario, il ne devrait pas y avoir de sanction pour l’aide à des fins non lucratives.

L’exclusion de cet élément constitutif de l’infraction et la non transposition dans le droit français de cette notion de droit européen trouvent leur fallacieux prétexte dans le fait que cela empêcherait de « poursuivre des agissements qui relèveraient par exemple de l’infiltration en France d’éléments appartenant à des réseaux d’islamistes, terroristes ou d’espionnage » et que toute « exception … risquerait d’en atténuer la portée ou d’en restreindre l’efficacité » (Th. Mariani),

L’absence de cet élément dans le droit français rend donc possible la poursuite du délit à l’aide apportée à des fins humanitaires.

IV) EXISTE-T-IL DES IMMUNITES ?

L’article L. 622-4 du CESEDA dispose :

Sans préjudice des articles L. 621-1, L. 621-2, L. 623-1, L. 623-2 et L. 623-3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-3 l’aide au séjour irrégulier d’un étranger lorsqu’elle est le fait :

1° Des ascendants ou descendants de l’étranger, de leur conjoint, des frères et soeurs de l’étranger ou de leur conjoint, sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément;

2° Du conjoint de l’étranger, sauf si les époux sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ;

3° De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte.

La question des immunités familiales (1° et 2°) n’entre pas vraiment dans le champ de cette étude.

On peut rappeler que lors du vote de la Loi Chevènement (1998) un amendement de dernière minute avait été introduit dans le projet de loi créant une immunité pour les associations à but non lucratif à vocation humanitaire, dont la liste devait être fixée par arrêté du ministre de l’Intérieur, et aux fondations, lorsqu’elles apportaient, conformément à leur objet, aide et assistance à un étranger séjournant irrégulièrement en France. Les associations de défense des étrangers s’étaient unanimement opposées à cet amendement et, à juste titre, le Conseil Constitutionnel par une décision en date du 5 mai 1998 avait censuré cette disposition qui conférait au ministre de l’intérieur un pouvoir exorbitant.

Les dispositions du 3°, qui nous concernent plus directement, ont pour but d’édicter une immunité à l’égard des personnes qui portent secours ou assistent un étranger en situation irrégulière dont l’intégrité physique ou morale est menacée.

Mais pour bénéficier de cette immunité, il faut

que le danger :

  • menace la vie ou l’intégrité physique de l’étranger en situation irrégulière.
  • soit réel ou vraisemblable,
  • soit injuste, c’est-à-dire contraire aux règles de droit, à la loi.

et que l’aide soit :

  • nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger,
  • proportionnée à la gravité de la menace,

Ainsi, l’absence dans le droit français de l’animus lucri qui rend possible la poursuite du délit à l’aide apportée à des fins humanitaires et les difficultés à remplir les conditions des immunités ne sont pas très encourageantes pour le travail social. Toutefois, il convient de rappeler quelques éléments de droit qui permettent d’affirmer que toute poursuite devra être écartée à l’égard des travailleurs sociaux.

1) Premièrement, il existe l’article 122-7 du Code pénal, sur l’état de nécessité.

2) Deuxièmement, à propos du délit d’aide au séjour irrégulier d’un étranger en France commis en bande organisée le Conseil Constitutionnel a affirmé qu’il ne saurait concerner les organismes humanitaires d’aide aux étrangers (Décision du 2 mars 2004). Ce raisonnement doit s’appliquer aussi aux travailleurs sociaux.

3) Troisièmement, à propos des immunités visées à l’article L. 622-4 du CESEDA le Conseil Constitutionnel a affirmé que cette immunité jouerait lorsque « lorsque la personne morale en cause est une association à but non lucratif et à vocation humanitaire ou une fondation apportant, conformément à leur objet, aide et assistance aux étrangers » (Décision du 5 mai 1998). Ce raisonnement doit s’appliquer aussi aux travailleurs sociaux.

4) Quatrièmement, dans cette même décision du 5 mai 1998, le Conseil Constitutionnel a rappelé, quant à l’application du principe de l’interprétation stricte du droit pénal, que lorsque  » l’aide à l’entrée ou au séjour irrégulier a été apportée par une personne morale, et plus particulièrement par une association ou une fondation, si celle-ci a agi dans un but désintéressé, … elle doit bénéficier de l’immunité pénale (…) » (F. Julien-Laferrière). Ce raisonnement doit s’appliquer aussi aux travailleurs sociaux.

5) Enfin, il faut affirmer haut et fort que :

  • l’article 1er, paragraphe 2, de la directive n° 2002/90/CE du Conseil de l’Union européenne du 28 novembre 2002 autorise les États membres à ne pas édicter de sanction au titre de l’aide à l’entrée et au transit « dans le cas où ce comportement a pour but d’apporter une aide humanitaire à la personne concernée » incitant ainsi à une véritable immunité,
  • l’article 1er, b) de cette même directive invite les États membres de l’UE à adopter des sanctions appropriées « à l’encontre de quiconque aide sciemment, dans un but lucratif, une personne non ressortissante d’un État membre à séjourner sur le territoire d’un État membre en violation de la législation de cet État relative au séjour des étrangers », excluant ainsi toute sanction pour l’aide à des fins non lucratives.
  • l’article 27, paragraphe 1, de la Convention de Schengen du 19 juin 1990 prévoit que « Les parties contractantes s’engagent à instaurer des sanctions appropriées à l’encontre de quiconque aide ou tente d’aider, à des fins lucratives, un étranger à pénétrer ou à séjourner sur le territoire d’une Partie contractante en violation de la législation de cette Partie contractante relative à l’entrée et au séjour des étrangers » excluant ainsi toute sanction pour l’aide à des fins non lucratives,

V) Quelles sont les peines encourues ?

 Les peines encourues par les personnes physiques sont :

A titre principal, cinq années d’emprisonnement et 30 000 € d’amende et de dix années et 750 000 € d’amende à en cas de circonstance aggravante (voir l’article L. 622-5 du CESEDA)

A titre complémentaire, (voir l’article L. 622-3 du CESEDA) :

  • l’interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus,
  • la suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire,
  • le retrait temporaire ou définitif de l’autorisation administrative d’exploiter soit des services occasionnels à la place ou collectifs, soit un service régulier, ou un service de navettes de transports internationaux,
  • la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction, notamment tout moyen de transport ou équipement terrestre, fluvial, maritime ou aérien, ou de la chose qui en est le produit,
  • l’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer l’activité professionnelle ou sociale à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise,
  • l’interdiction du territoire français pour une durée de dix ans au plus dans les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du Code pénal.

Et en cas de circonstance aggravante (Voir les articles L. 622-6 et L 622-7 du CESEDA) les Peines complémentaires supplémentaires sont les suivantes :

  • La confiscation de tout ou partie des biens du condamné, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis,
  • l’interdiction définitive du territoire français, dans les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du Code pénal.
Pour aller plus loin
Délit d'humanité : Plein droit 1995, n° 27
Juris Classeur Pénal Annexes fascicule N° 40
Dictionnaire permanent Droit des étrangers, fascicule Infractions à la législation des étrangers.
Mercuzot, L'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 : un défi aux fondements du droit : D. 1995, chron. p. 249 ; 
Julien-Laferrière Les dispositions répressives de la loi du 26 novembre 2003 : AJP 2004, n° 3, p. 96
Lochak La loi sur la maîtrise de l'immigration : analyse critique, in Immigration, intégration : Regard sur l'actualité 2004, n° 299, p. 18

Police-state measures against immigrants provoke resistance

title A.Prakash and A.Lerougetel, 16/01/2008

French government measures to recruit networks of informers in the public services to aid the police hounding of illegal immigrants, or sans papiers, and which oblige staff to become “police auxiliaries,” are creating alarm and resistance among these workers. Simultaneously, the criminalization of those giving aid and assistance to sans papiers is advancing rapidly.

The French state stepped up its attack on immigrants after the minister of immigration and national identity, Brice Hortefeux, fell behind on the target for deportations. By the end of November 2007, “only” 18,600 people had been deported, falling behind on the goal of 25,000 for the year. The final total for 2007 is officially 23,186 expulsions, and the target of 25,000 has again been set for 2008.

An earlier decree on May 11, 2007, applying an immigration law passed in July 2006, requires staff working for the ANPE national employment agency and the UNIDIC national unemployment benefit organisation to systematically send, every day, copies of immigrant job and benefit applicants’ residence permits to the local préfecture (national law enforcement agency).

Previously, it was the task of employers, not ANPE staff, to verify the legal status of employees. Now, benefit office staff cannot give allowances due to unemployed immigrant workers without the authorisation of the préfecture.

Requiring the staff who process job applications to carry out discriminatory practices, such as setting up special files for foreign workers and making copies of their ID documents, contravenes Convention 97 of the International Labour Organisation (ILO).

Unions representing the work inspectorate have made an indefinite strike call to staff working for “the work inspection services in all the departments of France and its overseas territories as soon as they are requested to participate in actions involving the monitoring of foreigners’ illegal work.” The purpose of the action would be to protest against tasks imposed on them by the government for the purpose of deporting sans papiers.

However, the trade unions in France have shown themselves unable to defend the interests of any French workers. In November, the unions played a critical role in the betrayal of the French rail strike, which was quickly followed by a revolt of immigrants in the Parisian suburbs. The French unions made no attempt to come to the defence of the immigrant youth, who rioted following the deaths of two teenage boys in a collision with a police car.

The revolt of immigrant youth was followed by a wave of repression and arrests. The only response of the French state to the poor social conditions faced by immigrant workers is the stepped-up use of the police, and it is within this context that the new repressive measures must be seen.

The lack of any determined or concerted action by the unions, none of which support the right of all immigrants to enjoy full citizenship in France, against the increasingly restrictive and discriminatory immigration policies of successive French governments (of both the right and the “left”) since the war, rules out any credence in the effectiveness of their protests. None of them have exposed or mobilised against the anti-immigrant policies of the Socialist Party and the Plural Left Government of Lionel Jospin (1997-2002), a coalition of the Socialist Party, the Communist Party and the Greens.

Anti-immigrant surveillance networks

One of the more sinister elements of the new anti-immigrant measures is the setting up of groupes de référents (referral groups) answering to the PAF (Border Patrol Police) in public and social service departments. These referral groups will effectively involve the covert surveillance of immigrants, public service workers and humanitarian support groups and, by extension, the whole population. There is also a draft bill enabling the police to introduce spyware into computers used by sans papiers aid organisations.

Last year, the Haute-Garonne department in southwest France set up a referral group on identity fraud for its staff and in the social services. Staff at several agencies, including those that administer social security and health benefits, are expected “to participate in training organised by the PAF frontier police,” according to a memo from the local government.

An extension into state enterprises and public services (education, health, municipal government) is also planned. An Haute-Garonne préfecture memo makes clear that the aim is to set up a network on the pretext of a “struggle against fraud committed by foreign nationals.”

Government employees, who never saw their job as assisting in the police surveillance and repression of foreigners, are expected to aid in the identification of undocumented immigrants. Targeted immigrants include those under an expulsion order, those suspected of housing fraud, and those engaged in the “cover-up” of illegal situations.

The “struggle against fraud” in Haute-Garonne is a pretext for covert surveillance that breaks the rules of confidentiality. It sets up a system for the exchange of information between all the administrative services. The police will receive information from the whole of the staff of government and public services in the department.

A memo, dated October 10, 2007, circulated by the state Direction de la réglementation et des liberté publiques (Administration of Regulation and Public Freedoms), on the pretext of efficiency, seeks the extension of the files to a national level.

A petition circulated by the staff unions in the social and municipal services notes that the procedure “flouts … the obligation of professional secrecy on government workers, which protects the clients of the public services from the passing on of confidential information.”

These developments come after a series of legislative measures that massively increase the repressive powers of the state: the Perben II law, the anti-terror law and the law on the prevention of delinquency, the Equal Opportunities law and several immigration laws, all of which give increasingly vast powers and duties of surveillance to municipal and local officials over their populations.

An article posted December 22 on the Rue89 site gives an account of a bill to be placed before parliament in January giving greatly enhanced powers of electronic surveillance to the police: the Law of Orientation and Programming of Internal Security.

Contacted by journalists, the Ministry of the Interior was tight-lipped on details. However, some information has been leaked revealing that “the police would be authorised to use ‘connection keys’ in computers, not only against the criminal underworld, but also against those helping an undocumented immigrant to get into the country and to stay,” Rue89 reported. These electronic spies can monitor emails and Skype conversations and other computer communications.

The article warns that the legislation is not just directed at “people smugglers” but threatens “associations like RESF [Education Without Borders Network], which help and sometimes hide the undocumented parents of schoolchildren.”

The vice-president of the Group for Information and Support for Immigrants, Stephane Maugendre, points out, “There is a tendency towards the general criminalisation of support for sans papiers.” He adds: “This measure would be one more step. Now, the law on helping illegal immigrants to stay is so vast that it involves as much the uncle who has his nephew to stay for a few days, the little people smuggler, and the voluntary associations which aid the sans papiers as it does the big traffickers in immigrants.”

He stressed that if, up to now, no parent associated with RESF has yet been prosecuted, the pressure is mounting.

The aim of this obsessive offensive against immigrants is to create a climate of terror that will dissuade all but the “chosen” immigrants—whose qualifications will be useful to French capitalism—from trying to get to France. It also creates a layer of second-class citizens with precarious residence rights who can be used as a scapegoat for the social problems created by the right-wing policies of President Nicolas Sarkozy.

What emerges most clearly is that any attack on the most vulnerable sections of the working class and the youth undermines the rights of all and should be opposed by the entire working class.

⇒ Voir l’article

Sans-papiers : les soutiens sur « écoute informatique » ?

rue89-logo Chloé Leprince 22/12/2007

Un projet de loi prévoit d’autoriser la police à placer des logiciels espions notamment contre l’aide aux sans-papiers.

Et si la police était désormais habilitée à placer des logiciels espions dans les ordinateurs dans le but de surveiller en temps réel le flux informatique des particuliers et des entreprises, y compris les e-mails et les conversations téléphoniques via des logiciels comme Skype ? C’est en tout cas ce que prévoit une disposition, dévoilée la semaine dernière par la presse, de la prochaine Loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi), qui doit être présentée en janvier par Michèle Alliot-Marie en Conseil des ministres.

Contactés ce samedi, les services du ministère de l’Intérieur évitent encore de communiquer plus amplement sur le sujet. « Un peu tôt » y explique-t-on. Plusieurs dispositions ont pourtant filtré et notamment ce nouveau feu vert à l’installation de « mouchards ».

Les policiers seraient autorisés à avoir recours à ces « clés de connexion » non seulement pour de la grande délinquance « dès lors que les faits sont commis en bande », précise le texte tel qu’il a filtré à ce jour -et n’a pas été démenti par le ministère. Mais aussi pour « l’aide à l’entrée et au séjour d’un étranger en situation irrégulière ».

Sur le papier, la justification s’articule bien sûr autour de la lutte contre les réseaux de l’immigration clandestine et notamment contre les passeurs. Mais, dans les faits, des associations comme RESF, par le biais de laquelle des particuliers s’organisent notamment pour assister, et parfois cacher, des parents d’enfants scolarisés qui sont en situation irrégulière, pourraient être menacées.

« Une volonté symbolique et politique plus qu’une vraie utilité »

C’est sous le contrôle du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention (JLD) que la police sera habilitée à contrôler en temps réel le contenu des ordinateurs des gens placés sur « écoute informatique ». Un JLD interrogé par Rue89 se montre « plutôt sceptique » :

« Cette disposition traduit bien sûr la pression accrue sur la lutte contre l’immigration clandestine. Partout, dans les services de police, les préfectures, les gendarmeries, on forme des équipes spécifiquement destinées à cela. Mais, du point de vue de l’enquête, je suis dubitatif sur le lien entre ce qui peut circuler sur ces ordinateurs et les étrangers en situation irrégulière. J’ai du mal à saisir l’utilité de la chose. »

Pour ce magistrat, cette disposition nouvelle relève en fait davantage d’une volonté « symbolique ou politique » que d’une utilité réelle, alors qu’à ses yeux, on déploie déjà bien davantage d’énergie à poursuivre les sans-papiers eux-mêmes qu’à lutter contre les réseaux de passeurs.

Inquiétude des associations

La plupart des associations n’avaient pas encore relevé ce détail de la Lopsi, qui ne sera rendue publique que début 2008. Mais cette nouvelle génération de mouchards inquiète, alors que Rue89 racontait début décembre que deux salariées de France terre d’asile avaient été placées sur écoute pendant plusieurs mois avant d’être carrément placées en garde à vue pour avoir eu des conversations téléphoniques avec de jeunes clandestins qu’elles suivaient dans le cadre de leurs maraudes.

Vice-président du Gisti, l’avocat Stéphane Maugendre rappelle qu’il y a une tendance à la criminalisation générale de l’aide aux sans-papiers :

« Cette disposition serait un pas de plus mais, dès à présent, la loi sur l’aide au séjour irrégulier est tellement vaste qu’elle concerne aussi bien l’oncle qui accueille son neveu quelques jours, le petit passeur, les associations qui aident les sans-papiers, que les gros réseaux de trafic. »

Si aucun parent d’élève associé par exemple à RESF n’a encore été poursuivi, Stéphane Maugendre souligne que la pression va bien crescendo sur le terrain.

Du côté de la Cimade, Sarah Bellaïche juge « très inquiétante » la nouvelle mouture de la loi de sécurité intérieure mais constate également que l’arsenal législatif permettait déjà de donner un tour de vis supplémentaire, en poursuivant par exemple les passagers d’un avion qui s’étaient opposés à l’expulsion d’un clandestin pour « atteinte au bon fonctionnement d’un aéronef ».

Roissy. Patrick, Léandre et Paul, militants associatifs.

Accueil, 12 Juillet, 2003

Coupables d’entrave à la circulation

Libres… mais condamnés. Le 23 juin dernier, le tribunal de grande instance de Bobigny n’a pas dérogé à la ligne du moment : celle de la répression. Tout juste a-t-il accordé une dispense de peine aux trois passagers du vol Paris-Bamako du 17 avril, condamnés, donc, pour avoir protesté contre la reconduite à la frontière de quatre Maliens non admis sur le territoire français. Jugés coupables d’entrave à la circulation aérienne sur un vol, les trois prévenus, Patrick Herman, Léandre Chevalier et Paul Rosner, ont tout juste bénéficié de leur absence de casier judiciaire et du statut d’étudiant de l’un d’entre eux.

 » C’est une décision très politique qui a été rendue aujourd’hui. Ce qu’on nous reproche est d’avoir été debout dans cet avion et d’avoir refusé de détourner le regard de ce qui se passait à l’arrière de l’appareil « , avait estimé Patrick Herman, responsable de la Confédération paysanne.  » Dégoûté « , Paul Rosner a confirmé : cette décision  » va tout à fait dans le sens de la politique de M. Sarkozy « .  » Je serai très fier de raconter plus tard à mon fils, qui a cinq mois aujourd’hui, pourquoi j’ai été déclaré coupable.  »  » Ça donne une bonne idée de l’état d’esprit de notre pays « , déclarait de son côté Léandre Chevalier.

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