Vingt ans requis contre les coupables présumés

images fig Philippe du Tanney, 15/09/2000

Ce sont des peines relative- I ment modérées eu égard à l’assassinat de Catherine Choukroun, la première femme policier tuée en service, que l’avocat général Philippe Bilger a réclamées hier contre les trois accusés. Les faits remontent à la nuit du 19 au 20 février 1991 et Ile magistrat a rappelé qu’il n’existait pas avant 1994 de peines échelonnées entre vingt ans et la réclusion perpétuelle. Mais, écartant le maximum, l’avocat général a donc requis vingt ans de réclusion criminel contre Aziz Oulamara, qu’il considère comme le tireur.

Cet ancien « videur » de la rue Saint-Denis, « bonne pâte » mais alcoolique et vantard, ne doit cette indulgence qu’à sa « bêtise judiciaire désarmante ». C’est du moins ce qu’a indiqué le magistrat en précisant qu’il s’agissait d’une litote… Du coup, Marc Petaux, beaucoup plus intelligent et cynique, mais qui selon l’accusation serait coauteur en tant que conducteur, se voit réclamer contre lui la même peine. A son propos, le magistrat précise toutefois : « J’ai une quasi-certitude en ce qui le concerne, à vous d’en faire ou non une certitude absolue », a-t-il indiqué aux jurés. Enfin, il a réclamé cinq ans de prison seulement contre Nathalie Delhomme, l’ancienne prostituée qui avait avoué la veille au bout de huit audiences : « J’étais bien assise à l’arrière de la voiture », tout en prétendant : « Petaux n ’y était pas. » Avec son honnêteté intellectuelle légendaire, l’avocat général Philippe Bilger n’a pas occulté les difficultés d’un dossier gravissime dont l’enquête n’avait pas utilement démarré avant six ans de recherches aveugles. Le « tuyau donné à la police » par une célèbre mère maquerelle était pratiquement faux, mais il permit aux enquêteurs d’orienter leurs recherches dans la faune interlope de la rue Saint-Denis. Le dossier fut bâti peu à peu sur une foule d’auditions, certes émaillées de nombreux mensonges, s’agissant pour la plupart de truands, de proxénètes ou de prostituées.

Mais, comme dans un puzzle, les détails s’intégraient peu à peu parfaitement dans le cadre de l’affaire et coïncidaient comme par hasard avec des déclarations des accusés eux-mêmes : leur alibi « en creux », cette nuit-là, juste au moment du crime du boulevard périphérique, un foulard palestinien aperçu sur l’un des voyous qui s’enfuyait à bord d’une petite voiture noire après avoir tué d’une décharge de chevrotines la gardienne de la paix et blessé son collègue.
Mais l’avocat général s’intéresse plutôt à la psychologie des accusés : avant de se rétracter définitivement, Oulamara avait fait une longue déclaration en 1997 racontant la scène en détail mais en se donnant le rôle du conducteur : « Il croyait minimiser ainsi sa responsabilité, ce qui est juridiquement faux, mais il reliait du même coup les trois accusés en mettant en cause à sa place en tant que tireur Marc Petaux qui, lui, savait ce que cela impliquait et a toujours tout nié en bloc. » Pour le magistrat, l’odieux crime se situe bien dans ce contexte : « Oulamara ne pouvait faire ça que devant Petaux, « Marco le légionnaire », son mentor, le seul être dont il voulait susciter l’admiration. » L’avocat général n’est pas dupe du coup de théâtre provoqué l’autre soir par Nathalie Delhomme : celle-ci craint visible-ment beaucoup plus Petaux qu’Oulamara, qu’elle a seul mis en cause .«Il y a dans ce milieu glauque, au-delà des menaces de la famille Oulamara, une autre histoire en coulisse qui dé¬passe totalement Aziz Oulamara », estime le magistrat, faisant sans doute allusion aux liens de l’ex-prostituée et de Petaux avec un caïd de la rue Saint-Denis entendu à la barre et considéré comme extrême-ment dangereux.