Noisy : l’erreur de cible d’un frère jaloux ?

logo-liberation-311x113 Willy Le Devin , 0

Violences. Selon les PV d’auditions, l’instigateur du lynchage affirme avoir agi parce que la victime fréquentait sa sœur, une relation qu’elle dément.

A-t-il cherché à corriger celui qu’il soupçonnait avoir été le petit copain de sa sœur ? C’est, à la lumière des PV d’auditions que s’est procurés Libération, l’argument avancé par C., 17 ans, élève en électrotechnique, pour justifier le passage à tabac d’Haroun Thiam, 19 ans, survenu samedi soir à la gare RER de Noisy-le-Sec.

Aux enquêteurs, celui que le parquet de Bobigny présente comme l’instigateur de l’agression, révèle, dès les premières heures de sa garde à vue, «avoir rencontré il y a quelques temps Haroun en bas de chez moi. Je pensais qu’il attendait ma petite sœur Gernina (15 ans). […]. J’ai alors demandé à Haroun ce qu’il faisait. Il a dit qu’il attendait sa cousine, en parlant de Siré.» Siré est la copine de Gernina ; au moment de l’agression, c’est elle la petite amie d’Haroun. «Je lui ai dit que je ne voulais plus le voir en bas de chez moi et que je ne voulais plus le revoir avec ma petite sœur, car je pensais qu’il sortait avec elle», poursuit C.A l’époque, des rumeurs courent dans la cité du Bois-Perrier à Rosny-sous-Bois, selon lesquelles Gernina a un amoureux.

Saignements. L’après-midi précédant l’agression, C. croise Gernina dans la cité. Il lui confisque son portable sur ordre de sa grande sœur, «car Gernina n’avait pas effectué les tâches ménagères qu’elle devait faire». C’est alors qu’il constate «un certain nombre de messages archivés qui m’ont choqué. J’ai compris qu’un gars avait fait des choses avec ma petite sœur». En regardant un autre texto que Gernina a envoyé à une de ses copines, il comprend que le garçon est bien plus âgé que sa sœur. Et que celle-ci se plaint de saignements. Dans sa tête, le lien avec Haroun, croisé quelques jours plus tôt, est évident. Et les saignements sont, selon lui, la preuve évidente que Gernina et Haroun ont eu un rapport sexuel.

Le téléphone toujours en poche, C. reçoit alors un texto de Siré, destinée à Gernina, lui expliquant qu’elle est bloquée à la gare de Noisy-le-Sec avec un garçon. Sans préciser son prénom. C. part sur le champ à Noisy. «Alors que j’allais sur le quai, dit-il aux policiers, un petit groupe de jeunes de mon quartier m’a vu énervé […]. Le train est arrivé et le groupe m’a suivi. Je leur ai dit qu’il y avait un mec qui fréquentait ma sœur et que je n’étais pas d’accord avec ça.» Dans l’escouade, se trouvent des cousins, des amis, et des connaissances de C., dont certains, très jeunes, venus «juste pour voir».

Après quelques minutes de recherche, le groupe localise Haroun et Siré. C. : «Je me suis approché de lui. Je lui ai dit « comme ça, tu continues à fréquenter ma petite sœur ? » Je lui ai dit que j’avais vu le message et qu’il ne pouvait pas me mentir. Je lui ai mis une gifle […]. Puis un coup de poing au visage. J’ai vu qu’il avait mal et je préférais continuer à lui parler sans violence. Mais, à ce moment-là, les autres jeunes qui étaient avec moi lui sont rentrés dedans.» S’ensuit la pluie de coups qui laissent Haroun grièvement blessé.

Zones d’ombre. C. dit-il la vérité ? De nombreuses zones d’ombre demeurent. A ce jour, Gernina nie formellement avoir eu une relation avec Haroun. C. S’est-il mépris sur l’identité du copain de sa petite sœur ? Au parquet, on continue de privilégier une thèse différente : Haroun a été tabassé au motif «qu’il avait l’audace de vivre une relation» avec Siré, originaire du Bois-Perrier, alors que lui vient de la cité des Indes de Sartrouville, dans les Yvelines.

Mercredi soir, dix adolescents ont été mis en examen dans cette affaire. Huit pour «tentative de meurtre». Parmi eux cinq ont été écroués. Les deux derniers sont poursuivis pour «non-dénonciation et non empêchement d’un crime».

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