« Catherine Choukroun et moi, tous deux en uniforme, avions arrêté notre 405 siglée Police sur le trottoir, entre la bretelle d’accès de la porte de Clignancourt et le boulevard périphérique. Notre radar était placé entre les glissières centrales. Le plafonnier était allumé, l’éclairage public faible. Nous parlions de tout, de rien. J’étais au volant, elle n’avait pas voulu conduire…»
Massif, le gardien Emile Hubbel rassemble ses souvenirs douloureux. La cour d’assises de Paris, qui juge deux videurs d’hôtel de passes et une ex-prostituée camée, assassins présumés, a fait silence.
Le rescapé de la fusillade qui a coûté la vie à sa coéquipière, le 20 février 1991, vers 1 h 20, poursuit : « Un véhicule s’est engagé derrière nous sur la bretelle. Je l’ai vu dans le rétro rouler lentement, arriver par la droite, stopper un bref instant à notre hauteur. Parfois, des automobilistes flashés venaient demander l’indulgence… Catherine s’est tournée vers eux, a voulu descendre sa vitre.
Cauchemars
Elle a souri, comme si elle reconnaissait quelqu’un. Je lui ai demandé pourquoi. Elle n’a pu répondre : il y a eu une détonation, elle s’est écroulée sur moi, en sang. Pourquoi nous, pour¬quoi? Difficilement, j’ai appelé des secours à la radio. Le col¬lègue croyait à un canular… »
Le gardien Hubbel, qui se débat encore aujourd’hui entre cauchemars, dépression et handicap dû à sa blessure à l’épaule, n’a pas vu grand-chose. Catherine Choukroun masquait la voiture sombre. Il se souvient de deux hommes devant, peut-être de passagers arrière. La légiste confirme un tir de chevrotines « à 50 cm maximum ». La moelle épinière sectionnée, la gardienne « exemplaire » âgée de 27 ans, revenue de congé maternité six jours auparavant, est morte presque aussitôt.
Hubbel dit peu, sinon que l’agresseur a tiré de la voiture sans en descendre. Seul élément (bien peu vérifié par les enquêteurs), le témoignage d’un chauffeur de taxi (décédé en 1992) doublé à Clignancourt par pareille petite auto sombre en accélération, juste après avoir entendu deux détonations… mais à 1 h 45. Le passager avant, visage haineux et satisfait, portait, selon lui, un foulard palestinien rouge et blanc : tout comme celui qu’arborait rue Saint-Denis le videur (et tireur présumé) Aziz Oulamara, selon les premières dépositions de Nathalie Delhomme, l’ex-prostituée qui s’est ensuite rétractée.
Les policiers sont venus ra-conter hier l’impasse dans la¬quelle se trouvait leur enquête, avant un tuyau miraculeux en 1997. A la barre défileront aujourd’hui les acteurs de cette en- quête, issus du milieu de la drogue et de la prostitution. Les accusés persistent à nier toute implication…»