Marie Barbier, 09/10/ 2008
Ginette Janin, retraitée, comparaîtra devant la justice le 12 décembre pour diffamations, avec deux autres militants du Collectif rennais de soutien aux sans-papiers.
Août 2008. Ginette Janin assiste au Festival d’Avignon quand elle apprend la nouvelle : le ministère de l’Intérieur l’attaque en justice pour diffamations et injures publiques contre un corps constitué de l’État. Deux autres militants du Collectif de soutien aux sans-papiers de Rennes sont également poursuivis. Peine maximale encourue : 45 000 euros d’amende. De retour du Festival, la passionnée de théâtre trouve une assignation à comparaître dans sa boîte aux lettres. « Je me suis dit : « C’est complètement fou ! Qu’est ce qu’on a fait ? Dans quelle société on vit ? » Ce n’est pas tant que ça me fait peur. Mais cela en dit long sur la politique du gouvernement… »
En cause : trois tracts, dont certains passages sont jugés insultants pour la police aux frontières (PAF). Intitulé « La PAF recrute, rejoins-nous ! », l’un des tracts ironise sur les méthodes des forces de l’ordre chargées de la lutte contre l’immigration illégale : « Tu veux un métier où, plus t’obtiens des résultats, plus tu gagnes du fric ? », « Dans la journée, tu peux aussi organiser des contrôles au faciès » ou encore « Notre métier autorise l’enfermement des enfants ». « Ces textes ont été écrits par quelques-uns, mais toujours lus et validés en assemblée générale », souligne Ginette, qui insiste sur la responsabilité collective et le côté arbitraire de la plainte. Pour le collectif, les trois prévenus ont été choisis au hasard, lors d’une manifestation devant les locaux de la PAF à Rennes, le 2 avril dernier. Les trois militants étaient présents : l’un a lu le tract à voix haute, un autre a appuyé sur l’interphone de la police et la dernière, Ginette, a répondu aux journalistes présents.
Depuis toujours, Ginette Janin prône la manifestation comme mode d’action. Dans le couloir de son appartement, tout en haut de la plus haute tour du quartier Colombier, une édition de l’Humanité la montre au sein d’un cortège parisien alors qu’elle était lycéenne. Ginette Janin est une révoltée épidermique. Les injustices lui hérissent le poil et la scandalisent. Dans les années soixante, elle milite, à Paris, à l’Union des étudiants communistes (UEC) avec Serge July, Bernard Kouchner et Alain Krivine. La professeure d’histoire-géographie s’installe ensuite dans le Morbihan. Elle y est militante syndicale et, un temps, conseillère municipale. Mais les partis ne la tentent pas. Elle préfère les causes.
Depuis sa retraite, la sexagénaire vit à Rennes, où elle milite depuis trois ans au collectif de soutien aux sans-papiers. Elle dit : « Quand on se bat pour davantage de justice sociale, il est logique de se battre pour les sans-papiers. Ce sont les plus exploités, les plus pauvres, les plus en marge. » Créé en 2002, le collectif rennais compte une cinquantaine de militants réguliers. À leur actif : rassemblements, manifestations, occupations et permanences juridiques. Depuis 2007 et l’installation d’un centre de rétention en Ille-et-Vilaine, le collectif organise des « parloirs sauvages » : les militants se postent derrière les grillages pour « discuter » avec les retenus en attente d’une probable expulsion. « C’est très dur, dit Ginette. À travers les grilles, ils nous racontent des choses désespérées. »
Le procès, initialement prévu le 19 septembre, a été repoussé au 12 décembre. Il devrait faire grand bruit. D’abord parce que des dizaines de militants du collectif ont entamé une procédure de comparution volontaire, demandant ainsi à être jugés au même titre que les trois prévenus. Ensuite parce que les avocats ont prévu de lui donner un retentissement politique. « On va plaider le caractère non diffamatoire et non injurieux, commente Stéphane Maugendre, l’un des avocats des prévenus et président du GISTI. C’est de la caricature, comme Charlie Hebdo le faisait il y a quelques années. On veut aussi prouver que certains passages sont vrais : comme le contrôle au faciès. » Pour Ginette, « bien sûr que ce procès sera une tribune politique contre la politique d’immigration ». Mais la militante ne perd pas de vue ses objectifs : « On ne veut pas se laisser bouffer par le procès. Notre travail est d’aider les sans-papiers et, en ce moment, il se passe vraiment des trucs horribles. »
M. B.
Une réflexion sur « « C’est complètement fou. Qu’est-ce qu’on a fait ? » »
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