Un mariage qui tourne au pugilat

logo_jdd_fr1 Alexandre Duyck, 22/09/2002

R.Quadrini/KR Images
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A VALENCE, le maire dicte sa loi. Il y a une semaine, Patrick Labaune a refusé d’unir deux citoyens maro­cains, Hamid Bennaghmouch et Malika El Al ami. La rai­son ? Lui ne dispose pas d’un titre de séjour en bonne et due forme. « Dois-je marier quel­qu’un qui est un hors-la-loi ? Ma réponse est non », expli­quait hier au JDD le maire (UMP) de Valence. « Cette position constitue une voie de fait répréhensible civilement et pénalement ! » rétorquait Me Maugendre (avocat), vice-président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). «Selon la loi, toute personne vivant en France a le droit de se marier, qu’elle soit en situation régulière ou non.»

Samedi dernier, pourtant, les deux fiancés se sont pré­sentés comme convenu en mairie. Prétextant un malaise (« j’ai des certificats médicaux »), le maire quitte alors précipitamment l’hôtel de ville. La cérémonie est annu­lée. Soutenus par la préfecture de la Drôme, qui s’oppose au maire de Valence, Hamid et Malika se réinscrivent pour le samedi suivant. Hier donc, la jeune femme, accompagnée de 300 personnes venues la défendre, se présente à nou­veau devant la mairie.

Il y a là de très nombreux policiers. Présent, le premier adjoint s’est résigné à unir le couple. Il porte autour du cou une pancarte « 1er adjoint démissionnaire ». Jeudi soir, en signe de protestation, Patrick Labaune et toute son équipe ont en effet affirmé qu’ils allaient abandonner leurs fonctions. La mariée est là aussi, mais pas son fiancé. Vêtue de noir et portant un petit bouquet de fleurs à la main, elle lit un petit texte, puis lance : « Maintenant, allons chercher mon mari ! »

Les choses s’enveniment dans un restaurant situé dans une petite rue proche. Persua­dés d’y trouver le mari, sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière, poli­ciers en civil et CRS bous­culent violemment les pro­ches du couple, mais aussi les journalistes présents : blessé aux côtes par des coups de matraque, un reporter de France-Bleue Drôme finira aux urgences. Un autre du Dauphiné libéré reçoit un violent coup au thorax, tandis que deux photographes eux aussi molestés, voient leur matériel détérioré par les CRS.

un homme au visage masqué  s’avance. Le fiancé ? Non. Mais une curieuse mise en scène, montée par une association de soutien qui s’affronte au maire de longue date… Persuadé d’être arrêté s’il, s’était rendu à son mariage, Hamid Bennaghmouch est en fait resté caché.

« Je me sens humilié. Je ne comprends pas, confiait-il hier après-midi au JDD. Ni le substitut du procureur ni la préfecture ne se sont opposés  au mariage. Le maire est-il raciste ? »

Poursuivi en 1995 pour avoir rédigé un tract ano­nyme où il laissait entendre que son adversaire d’alors aux législatives soutenait le FIS algérien, Patrick Labaune, qui risque de nouvelles poursuites pour s’être opposé au mariage, se défend de l’accusation de racisme.

L’avocat d’Hamid est persuadé que « le maire a voulu faire un, coup politique » et tient à ajouter : « Malika n’étant pas française, mon client n’a aucun intérêt légal à l’épouser. Ce mariage ne lui aurait pas donné de droits supplémentaires »