Le durcissement des lois sur l’immigration a aggravé l’attente en préfecture

index Elise Vincent, 07/05/2012

La question des files d’attente dans les préfectures pour les étrangers qui viennent faire leurs démarches administratives est un sujet récurrent de crispations. Il y a vingt ans, les militants qui défendaient les droits des étrangers organisaient déjà des manifestations pour dénoncer cette situation. Notamment à Bobigny où la situation est l’une des plus problématiques de France, en raison de la très forte concentration d’étrangers en Seine-Saint-Denis.

Depuis, il y a eu quelques améliorations, raconte Stéphane Maugendre, avocat du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). A Bobigny, des préfabriqués des années 1980, on est passé à un véritable service des étrangers en préfecture à la fin des années 1990, selon l’avocat. Un auvent a été rajouté pour abriter les files d’attente. Et il est aussi possible, depuis peu, de déposer son dossier sans faire la queue.

L’embolie du dispositif d’accueil des étrangers demeure néanmoins importante. La situation a particulièrement empiré depuis 2002 et les durcissements successifs des lois sur l’immigration. Elle varie selon les préfectures. Mais en Ile-de-France, il est devenu monnaie courante de devoir y perdre des journées ou des demi-journées. Un vrai casse-tête pour de nombreux étrangers qui travaillent ou pour les étudiants qui doivent rater des cours.

Plusieurs raisons à cela. La première est liée à la disparition progressive des cartes de séjour de dix ans. « Ce n’est pas la même chose d’avoir quelqu’un qui vient en préfecture tous les dix ans que tous les ans », explique l’avocat. Aujourd’hui, en France, les préfectures ne distribuent, en effet, la plupart du temps, que des cartes d’un an.

DOCUMENTS IMPRÉVUS

Au fil du temps, d’après Me Maugendre, la multiplication des faux papiers a aussi engendré une « suspicion » grandissante à l’égard des documents fournis par les étrangers. Notamment vis-à-vis des pièces d’état civil. Très peu de démarches peuvent donc se faire par correspondance.

Les déplacements à répétition des étrangers en préfecture se sont également multipliés au regard de la montée des exigences en matière de pièces à fournir. Même si cela n’est « pas réglementaire », d’après Me Maugendre, les préfectures réclament souvent des documents imprévus comme des « promesses d’embauche » ou obligent les personnes à revenir plusieurs fois alors qu’un tribunal a décidé d’accorder un titre de séjour.

« Jusqu’à il y a deux ans, je n’accompagnais jamais mes clients à la préfecture », raconte Me Maugendre. Mais la situation s’est tellement détériorée qu’« on est obligé d’y aller pour faire avancer les choses ». Pour ce militant de longue de date des droits des étrangers, cet état de fait « est délibéré ».

Depuis janvier 2005, en théorie, une charte Marianne est pourtant censée s’appliquer dans les services déconcentrés de l’Etat recevant du public. Les préfectures en font partie. Son objectif, en principe, est de rendre l’accueil « plus facile », « attentif et courtois ». La réponse apportée par les agents se doit également d’être « compréhensible » aux demandes et « dans un délai annoncé ».

Le 3 novembre 2011, lors d’une réunion organisée sur le sujet à l’initiative de plusieurs associations militantes, l’ensemble des candidats de gauche à la présidentielle se sont dits favorables au fait d’accorder plus de « dignité » aux étrangers lors de leurs démarches administratives en préfecture. Parmi eux, il y avait la représentante de François Hollande, chargée des questions d’immigration dans l’équipe de campagne, Mireille Le Corre.

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