La mariée était dans l’avion pour l’Algérie.

logo-liberation-311x113 Charlotte Rotman

Nadia , sans papiers, a été expulsée juste avant ses noces.

Ils devaient se marier hier, à 17 heures, à Laval. Avec 300 invités venus de toute la France, d’Europe et d’Algérie. Mais la veille de leur union en mairie, Malik et Nadia ont été séparés par la police. Nadia, algérienne sans-papiers, est enceinte de trois mois, elle a été expulsée hier. Le mariage a été annulé.

«J’ai flashé.» Malik et Nadia ont fait connaissance dans un café parisien à Nation, à l’automne 2000. Elle, jolie trentenaire algéroise, petite dernière d’une famille nombreuse et prospère, a quitté l’Algérie après le décès de sa mère. Lui, cadre dans une entreprise de traitement des charpentes, est français, travaille en région parisienne. «J’ai flashé, on a parlé. Depuis, c’est la femme de ma vie.» Quelques mois plus tard, le 23 février 2001, ils se marient religieusement, unis par un imam de Corbeil-Essonnes. «C’est ce qui importait le plus, même si ça n’a pas de valeur juridique» , explique Malik, car tous deux sont croyants. Nadia n’arrive pas à régulariser sa situation et n’a nulle envie de retourner dans son pays. Ils sont bien ensemble, font un enfant. Ils veulent aussi officialiser leur union. Ils publient les bans, préparent un contrat de mariage et lancent les invitations. La fête doit se dérouler dans un petit village de Mayenne, à Montigné-le-Brillant.

La veille de la cérémonie, une convocation pour le commissariat arrive chez Marie-Louise, la mère de Malik, où ils sont domiciliés. Nadia se retrouve placée en garde à vue, puis en rétention administrative. La jeune femme, arrivée avec un visa de touriste, est sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière datant d’avril 2000. Son fiancé se démène. Il dépose un recours gracieux auprès du préfet. Entretemps, les procédures de reconduite à la frontière ont avancé à toute vitesse. A midi, mercredi, Malik fait le pied de grue devant la préfecture, Nadia, elle, est emmenée par des policiers de la PAF, la police aux frontières. Direction Roissy, et l’Algérie. A la sortie du commissariat de Laval, la sœur de Malik, Sélia, aperçoit Nadia, arrête la voiture, lui parle un peu. Mais son destin est scellé. A l’aéroport Charles-de-Gaulle, des membres du comité anti-expulsion, alertés, tentent d’intervenir en sa faveur et espèrent que son avion ne partira pas. Ou sans elle. En vain. A 16 h 45, Malik, à Laval, reçoit un coup de téléphone de Nadia : «C’est mon dernier coup de fil, je suis aux portes de l’avion, je vais décoller.» Un employé d’Air Algérie confirme : «On l’a fait passer par les pistes et on lui a demandé si elle acceptait d’embarquer. Elle a répondu : « Je préfère partir plutôt que d’aller en prison ici. »» «Elle a peur pour le bébé», dit Malik.

Situation changée. Cette reconduite peut tout à fait être contestée devant le tribunal administratif, fait savoir Me Stéphane Maugendre avocat et membre du Gisti, le groupe d’information et de soutien des immigrés. Notamment parce qu’elle est enceinte d’un Français qui a déjà reconnu l’enfant : sa situation de fait a donc changé. Et son arrêté de reconduite à la frontière peut être annulé. Aujourd’hui, Malik envisage d’aller épouser Nadia en Algérie.

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Avocat