La remise en liberté de la plupart des 123 réfugiés se disant Kurdes de Syrie et arrivés en Corse à la fin de la semaine dernière met à l’épreuve la politique d’immigration du gouvernement.
Après des décisions semblable à Nîmes et Rennes dimanche, des juges de Lyon et Marseille ont jugé irrégulier lundi le placement dans des centres de rétention de ces personnes découvertes vendredi sur une plage du sud de la Corse et transférées ensuite sur le continent.
Une dernière décision était attendue dans la journée à Toulouse concernant les cas de 19 personnes, dont six enfants.
Le ministre de l’Immigration Eric Besson, critiqué pour avoir pris d’emblée samedi des arrêtés de reconduite à la frontière, ne parle plus de les expulser. Beaucoup ont officiellement demandé l’asile politique, a-t-il dit sur Europe 1.
« L’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides- NDLR) s’en occupe. C’est un organisme indépendant qui va étudier au cas par cas chacun des dossiers », a-t-il dit.
« C’est à la personne de faire la preuve qu’elle est persécutée ou qu’elle est en situation de danger et d’expliquer pourquoi elle demande le statut de réfugié », a-t-il précisé.
En acceptant cette procédure, le ministre accepte aussi implicitement la délivrance de titres provisoires de séjour.
Les préfets ne feront pas appel des remises en liberté et les réfugiés seront hébergés à l’hôtel par l’Etat, a précisé Eric Besson.
La gauche et les associations de défense des droits de l’homme estiment que les réfugiés, parmi lesquels 38 enfants dont neuf nourrissons, cinq femmes enceintes et une handicapée, ont été traités durement et illégalement au plan procédural.
UNE PANNE DE RADAR ?
On a confondu un dossier de demande d’asile politique avec la problématique de l’immigration illégale, estiment-ils.
Les magistrats qui ont statué jusqu’ici estiment que les procédures n’ont pas été respectées et mettent en cause les mesures coercitives, arrestation, transfert forcé sous garde armée, dispersion et emprisonnement d’enfants en rétention.
« Quand on fait le choix de recourir à l’expulsion d’étrangers en situation irrégulière, il faut en prendre les moyens procéduraux », a déclaré le juge des libertés et de la détention de Lyon, Jean-Daniel Piffaut.
L’opposition et les associations de défense des droits de l’homme estiment que l’affaire met en lumière les failles de la politique d’immigration du gouvernement.
L’Elysée et Eric Besson affichent des objectifs chiffrés d’expulsion et une fermeté censée dissuader les candidats à l’immigration illégale, tout en réaffirmant qu’ils souhaitent conserver la tradition française d’asile politique.
Le président du Groupement d’information et de soutien aux immigrés, Stéphane Maugendre, dit contester l’idée qu’un accueil ponctuel de réfugiés en faisait forcément venir d’autres.
« C’est ridicule, l’appel d’air n’existe pas, c’est pour faire peur aux gens. La population qui fuit les atrocités, la guerre, les régimes politiques viendra toujours chercher refuge. S’ils ne passent pas par (la Corse- NDLR), ils passeront ailleurs », a-t-il dit à Reuters.
A l’extrême droite, Jean-Marie Le Pen, président du Front national a estimé dans un communiqué que le dossier démontrait que la France était incapable de surveiller ses frontières.
« Il est clair que le pouvoir est le complice quand il n’est pas l’organisateur de l’immigration-invasion », dit-il.
Selon le Figaro, c’est une panne technique d’un radar militaire qui aurait permis le débarquement sur une plage de Corse des réfugiés par un navire toujours non identifié.
Le parti majoritaire UMP se prononce pour l’expulsion.
« La majorité des gens qui sont venus sur notre sol par la Corse a vocation à retourner dans son pays d’origine parce que nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde », a dit son porte-parole Frédéric Lefebvre lors d’un point de presse.
Eric Besson a exprimé le même point de vue sur Europe 1, en expliquant qu’il ne voulait pas voir apparaître en Corse un « nouveau Sangatte », en référence au centre d’accueil de la Croix rouge pour réfugiés afghans, près de Calais, fermé en 2003.