Le Conseil d’Etat a annulé la circulaire qui permettait de régulariser un étranger travaillant dans l’un des 30 métiers «en tension». Le ministère, qui invoque un «motif de forme», assure que ça ne change rien et prépare une nouvelle circulaire.
Une nouvelle épine dans le pied du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Le Conseil d’Etat a annulé, le 23 octobre, la circulaire précisant les conditions de régularisation par le travail. Autrement dit, l’un des textes qui encadrent l’immigration choisie.
Cette circulaire du 7 janvier 2008 prévoyait que pour pouvoir bénéficier d’une régularisation de son titre de séjour, l’étranger doit justifier d’une qualification ou d’une expérience dans l’une des 30 professions ouvertes aux ressortissants des pays non-membres de l’UE.
Pour le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), qui avait saisi le Conseil d’Etat, ce texte était discriminatoire. Car ces trente métiers ouverts aux pays non membres de l’UE, et répartis sur le territoire par régions, sont pour la plupat des métiers qualifiés (informaticiens, géomètres, chefs de chantier…). Ce qui exclut les travailleurs sans-papiers des secteurs du bâtiment, nettoyage, sécurité, restauration… pour beaucoup venus de pays d’Afrique. Une autre liste, plus longue, non supprimée, et nationale celle-là, concerne 152 métiers ouverts aux ressortissants des pays nouvellement membres de l’UE et nécessitant moins de qualification.
«Motifs de forme»
«En clair, ce dispositif venait empêcher la régularisation par le travail des immigrés travaillant dans le bâtiment ou la restauration, c’est-à-dire ceux venus des pays du Sud», dénonce Stéphane Maugendre, le président du Gisti.
Le Conseil d’Etat, sans parler directement de discrimination, considère dans sa décision que le gouvernement ne peut, «sans méconnaître la loi, restreindre les conditions de délivrance» de la carte de séjour «en subordonnant (cette carte) à la présentation, par l’étranger, d’une promesse d’embauche dans l’un des métiers prévus par cette liste».
Pour le ministère de l’Immigration, l’annulation de la circulaire repose sur de purs «motifs de forme» et ne remet aucunement en cause le principe de la régularisation par le travail. Le Conseil d’Etat a seulement «censuré une rédaction imparfaite de la circulaire», considère-t-on au cabinet d’Eric Besson, qui planche déjà depuis deux semaines sur «un document de synthèse» destiné à remplacer la circulaire annulée.
«Une fenêtre qui s’ouvre»
Du côté du Gisti, l’interprétation est évidemment différente. «Ce que dit le Conseil d’Etat, c’est qu’on ne peut pas limiter la possibilité de régulariser les gens», réagit Stéphane Maugendre, se réjouissant de cette «large fenêtre qui s’ouvre», alors que plus de 4000 travailleurs sans-papiers grévistes occupent toujours une quarantaine de sites pour demander leur régularisation.
«Cette décision ne changera pas grand chose, puisque dans les faits la liste des 30 métiers est dépassée depuis longtemps», tempère la CGT, qui encadre bon nombre des mouvements de sans-papiers demandant leur régularisation. De fait, une clause de cette fameuse circulaire du 7 janvier 2008 prévoit qu’un étranger qui occuperait un emploi «en tension» ne figurant pas dans la liste des trente métiers pourrait tout de même voir sa demande examinée «à titre exceptionnel». Cette brèche a permis une première vague de régularisations débutée en 2008 par celles des cuisiniers du restaurant parisien la Grande Armée. 2800 étrangers ont été regularisés par le travail en 2008, selon le ministère.