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Qu’est ce qu’un contrôle d’identité? Dans quelles conditions est-ilvalable? La question était posée vendredi devant le tribunal correctionnel de Pontoise (Val-d’Oise) où comparaissait un jeune Haïtien sans papiers, arrêté et emprisonné sur dénonciation de son propriétaire.
Ferdinand Jérôme, 32 ans, est un réfugié sans statut, venu d’Haïti il y a neuf ans. Des enfants nés en France, un travail de carreleur, un appartement dont la famille paie régulièrement le loyer. Pourtant, le 4 septembre, son propriétaire, qui a reçu pour la location de l’appartement une caution de 13 000 francs en liquide, dénonce la famille Jérôme à la police et l’accuse de lui devoir plusieurs mois de loyer. En arrivant sur les lieux, les policiers tombent sur Ferdinand et sa femme Kethlie. Débouté du droit d’asile, interdit de séjour à la suite de quatre refus de l’OFPRA, Ferdinand est immédiatement arrêté et emprisonné Sur le rôle à l’entrée du tribunal de Pontoise, Ferdinand est devenu «X, se disant Jérôme Ferdinand». Dans le box, c’est un homme aux yeux tristes, les mains menottées dans le dos, perdu au milieu des droits communs qui sont le lot habituel des audiences de comparution immédiate. Une vingtaine de Chinois et quelques Africains sont venus soutenir Ferdinand. Tous sont, comme lui, membres du troisième collectif de sans-papiers qui a vu le jour cet été et regroupe des immigrés de 24 nationalités. Des anonymes venus d’Asie et d’ailleurs, vivant en France depuis des années. Et qui sont là dans la salle du tribunal. Comme Aminata, dont la fille de 17 ans n’a toujours pas de papiers; ou Zong, en France depuis onze ans et que ses patrons ne paient pas toujours parce qu’ils savent qu’elle n’a pas de papiers. Et Chen, Ya, Zhao qui ont demandé l’asile politique il y a longtemps.
Devant le tribunal, Ferdinand Jérôme n’a pas à expliquer ses démêlés avec l’administration, les promesses d’embauche qui n’aboutissent jamais faute de papiers et sa vie de clandestin malgré lui. Son avocat, Me Stéphane Maugendre, estime, en effet, que le contrôle d’identité qui a eu lieu sur dénonciation dans l’appartement du couple n’est pas réglementaire. «Ce contrôle n’était pas justifié. L’ordre public n’était pas menacé et le litige, d’ailleurs imaginaire, qui opposait les Jérôme à leur propriétaire est une procédure civile et non pénale, comme le prévoit la loi», argumente l’avocat. Il aura gain de cause: Ferdinand Jérôme sera libéré le soir même. «Le contrôle d’identité est indéniablement nul», estime le procureur, qui ajoute: «Vous êtes libre, mais vous en situation irrégulière, vous êtes interdit de séjour. Vous ne pouvez pas vous imposer en France. Je n’enverrai pas les policiers vous cueillir à la sortie de prison. Mais, demain, le trouble à l’ordre public recommencera. Et vous serez à nouveau emprisonné. Il faudra partir.» L’avocat ne plaidera donc pas. Il ne dira pas que Ferdinand Jérôme a toujours travaillé, qu’il a des fiches de paie, qu’il acquitte son loyer et ses impôts. Que ses enfants ne connaissent que la France et ne parlent que le français. Il n’expliquera pas que la famille fait partie de ces immigrés dont le gouvernement dit qu’ils ont vocation à s’intégrer mais dont il n’arrive pas à régulariser sa situation. L’avocat gardera sa plaidoirie pour la prochaine fois et dira simplement que, cet après-midi-là, les juges ont pris le temps d’écouter et que le tribunal n’a pas voulu jouer son rôle de purge.