François Vignolle et Julien Dumond, 13/04/2005
ELLE PORTE le doux nom d’Ines (identité nationale électronique et sécurisée). Elle devrait ressembler à une carte bancaire avec une puce intégrée. Le ministère de l’Intérieur la juge d’ores et déjà « infalsifiable ». Selon ses promoteurs, ce petit sésame donnera un coup de frein aux trafiquants de faux papiers : terroristes, délinquants, immigrés clandestins.
Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a approuvé lundi le programme de sécurisation électronique des cartes d’identité et des passeports qui fera l’objet d’un projet de loi à l’automne prochain. La mise sur le marché de ces nouveaux documents administratifs, qui ne devrait intervenir que fin 2006 au moins pour les passeports, suscite déjà des commentaires divergents de la part des policiers, des avocats et des associations des droits de l’homme.
« Une illusion pour attrape-nigauds »
Sur cette nouvelle carte figureront les empreintes numérisées et une photo numérique de son propriétaire .
« C’est un excellent projet, commente Jean-Marie Salanova, secrétaire général adjoint du Syndicat des commissaires de police et hauts fonctionnaires, on utilise les progrès de la science pour sécuriser un document et s’assurer de son authenticité. »
Plus circonspects, plusieurs avocats s’interrogent sur la nécessité d’imposer de nouveaux documents administratifs. « L’ancienne carte d’identité nous avait aussi été présentée comme inviolable, s’étonne Stéphane Maugendre, avocat et vice-président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). On sait aujourd’hui ce qui se passe avec les fausses cartes de crédit. Prétendre que ces pièces d’identité seront infalsifiables est une illusion pour attrape-nigauds. »
Au-delà de la sécurisation de ces documents administratifs, se pose la question de l’exploitation des données qui figureront sur la puce électronique, notamment l’état civil et les empreintes digitales. Dans un avis consultatif, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) devra se prononcer sur le risque de dérives : création de fichiers sauvages, « fliquage », usage détourné d’informations personnelles… « Nous voulons savoir quel usage sera fait des informations inscrites sur ces cartes d’identité. Si la présentation de la carte à puce servira seulement à l’identification de son porteur ou si elle sera utilisée pour rechercher des coupables d’infractions ou des terroristes », se demande Christophe Pallez, secrétaire général de la Cnil.
Payante et obligatoire
Le ministère de l’Intérieur assure que l’accès aux données sera strictement encadré par la loi et que les peines seront aggravées pour ceux qui auront illégalement accès à ces fichiers. « Il ne faudrait pas que ce nouveau dispositif permette de connaître le déplacement de personnes qui n’ont rien à se rapprocher », estime Nicolas Comte, responsable au syndicat de police SGP-FO, favorable sur le fond à ce programme.
Loin des considérations éthiques, la prochaine mise en vigueur de ces documents administratifs a aiguisé les appétits des entreprises candidates à leur fabrication. La nouvelle génération des cartes d’identité sera payante et obligatoire pour tous les citoyens.