Carole Sterlé, 30/03/2016
Ils sont quatorze accusés face à une adolescente. « Ma cliente appréhende énormément ce procès, elle est traumatisée, elle craint que les accusés ne reconnaissent pas leur responsabilité, mais elle va aller jusqu’au bout, pour elle, et pour celles qui n’osent pas parler », assure Me Elodie Bruyaf.
Sa cliente : une jeune bachelière aujourd’hui âgée de 18 ans qui était présente à la cour d’assises de Bobigny ce mercredi matin, au procès de ses violeurs présumés. Une audience prévue jusqu’au 8 avril qui se tiendra à huis clos puisque les accusés étaient eux aussi mineurs pour la plupart en 2013. Treize garçons, de 16 à 19 ans à l’époque, encourent vingt ans de réclusion pour viol en réunion. Le quatorzième est poursuivi pour menaces de mort, accusé d’avoir promis à la victime sur Twitter de lui crever les yeux si elle ne retirait pas sa plainte.
Un piège similaire lui avait été tendu par le passé
Le 7 décembre 2013, l’adolescente de 16 ans se rendait à Sevran pour rejoindre un « ami ». En l’attendant au pied des immeubles du quartier Rougemont, elle s’est fait voler son portable par des jeunes. D’autres l’ont convaincue qu’ils pouvaient l’aider à le récupérer. Elle connaissait l’un d’eux. Confiante, elle les a suivis. Jusqu’à ce que la porte d’un squat se referme derrière elle. Quatre, puis une dizaine de garçons l’ont violée à tour de rôle dans ce squat surnommé Tom-tom par les utilisateurs, puis dans un ou deux escaliers de la cité.
Dans son récit, elle a fourni des descriptions précises à la brigade des mineurs de Seine-Saint-Denis, décrit la violence de certains, rapporté les rires des autres et cité cette phrase entendue : « On sait que tu n’es pas d’accord mais tu es chez nous et tu le feras quand même. » Elle n’a pas caché non plus aux enquêteurs qu’elle était déjà « tombée dans un piège » similaire auparavant, en acceptant une fellation en échange de son téléphone déjà volé une première fois.
Des suspects ont été confondus par leur ADN dans les semaines qui ont suivi. Une seconde vague d’arrestations a eu lieu en février 2014. Certains ont admis des « rapports sexuels consentis » avec « une fille facile », d’autres ont nié. Seize adolescents ont été arrêtés, dix incarcérés jusqu’au procès. Les deux plus jeunes, qui avaient moins de 16 ans, ont été jugés et condamnés en décembre par le tribunal pour enfants à six et quatre ans de prison dont un an avec sursis et mise à l’épreuve.
« On est dans un contexte de perte de repères totale, de part et d’autre », commente une avocate de la défense. La prise de conscience sera l’un des enjeux des débats. « La question qui se pose dans ce genre de dossier, précisément lorsqu’il s’agit de mineurs, c’est la perception ou non du consentement de la victime, dans le cadre d’un effet de groupe et d’une déshumanisation du sexe », estime Stéphane Maugendre, avocat d’un accusé.