Cinq textes de loi en six ans. Si le projet préparé par Eric Besson qui doit être présenté au Conseil des ministres d’ici fin mars est ensuite approuvé par les parlementaires, ce sera la cinquième fois en six ans qu’est modifié le Code d’entrée et de séjour des étrangers en France (ceseda). Avec, on l’aura deviné, un nouveau durcissement à la clé. Certes, le texte, tel qu’il a été dévoilé par Mediapart et Le Monde, comporte quelques avancées, comme la possibilité, pour les étrangers titulaires d’un diplôme supérieur à la licence ou d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans, d’obtenir une « carte bleue européenne », carte de séjour temporaire de trois ans maximum, renouvelable. Et un travailleur sans papier pourra obtenir de son employeur – ou même de son donneur d’ordre – un rappel de salaires sur trois mois pour compenser la période d’emploi illicite.
Pour le reste, c’est la volonté de durcissement qui domine à la lecture des 86 articles de l’avant-projet de loi. Notamment à l’égard de l’immigration irrégulière. Ainsi, les pouvoirs publics pourraient instituer des « zones d’attente » ad hoc, comme celles qui existent déjà dans les aéroports, gares et ports, sur tout territoire où se trouveraient des étrangers supposés sans titre de séjour, ce qui permettrait de les incarcérer même s’ils font une demande d’asile. Un migrant faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) n’aurait plus que 48 heures, contre 30 jours actuellement, pour déposer un recours suspensif au tribunal administratif.
L’Administration pourrait ainsi décider de l’expulser « sans délai ». Et cette expulsion s’accompagnerait d’une interdiction de revenir en France dans les trois ans. En cas de placement dans un centre de rétention, le juge de libertés et de la détention (JLD), qui peut remettre en liberté un retenu, ne sera saisi que cinq jours après (48 heures aujourd’hui). Aucun délai ne sera plus imposé pour notifier leurs droits aux migrants. Et la durée maximale de la rétention passerait de 32 à 45 jours.
Sur tous ces points, la nouvelle législation apparaît comme une riposte coup pour coup du ministre aux juges, qui l’ont désavoué en janvier dernier en remettant en liberté les 123 kurdes retrouvés sur les côtes du sud de la Corse. Sur ce dossier des sans papier, l’opinion publique française marque pourtant une nette évolution. Selon un sondage Ifop de novembre 2009, un quart des Français sont favorables à régulariser tous les sans papiers, et près des deux tiers à une régularisation au cas par cas. Le dernier Observatoire de la politique nationale de l’institut BVA montre même qu¹une majorité relative de Français (49 % contre 45 %) souhaitent la disparition du ministère de l¹Immigration et de l¹Identité nationale.
On ne pourra plus dire que l’intérêt du gouvernement est purement électoral. Sans doute s’agit-il, comme l’a commenté Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien aux immigrés (Gisti), de créer « pour les étrangers un régime d’exception en matière de droits ».