Christophe Kanteheff, 28/01/1999
Pour avoir refusé d’être expulsés, dix Maliens risquent des peines exorbitantes au regard de la jurisprudence.
Les dix Maliens qui passent I jeudi 28 devant la douzième chambre de la cour d’appel de Paris connaîtront-ils le même sort que leur compatriote Diawara Siriné. Celui-ci, jugé à part, en novembre dernier en compagnie d’un co-prévenu, s’est vu infliger par la même juridiction un an de prison ferme pour avoir refusé d’embarquer sur un vol Paris-Bamako. Ayant accepté volontairement de comparaître et s’étant rendu au délibéré alors que rien ne l’y obligeait, il fut arrêté et incarcéré sur le champ. Tous sont impliqués dans la même affaire qui a pour point de départ le 28 mats 1998.
Prison ferme
Ce jour-là, douze Maliens, qui ont participé une semaine auparavant à l’occupation d’une église du XVIII ème arrondissement, sont emmenés à Roissy. Là, des militants des JRH les fameux « trotskistes anglais » dénoncés dès le lendemain par Jean-Pierre Chevènement exhortent les passagers à ne pas accepter de voyager aux côtés d’hommes entravés. Dans l’avion, les Maliens sont pieds et poings menottés et, selon eux, bâillonnés et attachés aux fauteuils. Ce sont les réactions des passagers, disent-ils, qui les ont encourages à se rebeller.
En première instance, au mois de juin, le tribunal correctionnel de Bobigny les relaxe tous, fait rarissime pour des étrangers en situation irrégulière. Il conclut à la nullité de la procédure pour absence de procès-verbal constatant les délits qui leur sont reprochés, celui de rébellion notamment. Mais, à la surprise générale, le procureur de la République lait appel et requiert quatre mois de prison ferme.
Comme on l’a vu, le président de la cour d’appel, Gérard Gouyette, a trouvé cette peine trop laxiste. Pour motiver la culpabilité de Diawara, il s’est appuyé sur un rapport des RG rédigé par un commissaire qui n’était pas à Roissy. Celui-ci prétend que les policiers de l’escorte qui n’ont pas été appelés à témoigner directement, attestent que les Maliens ont insulte l’État français et ses représentants, et ont poussé les passagers à l’émeute. Ce rapport est jugé sans « valeur probante » par le Syndicat de la magistrature, Me Stéphane Maugendre a retrouve des passagers et produira jeudi aux débats leur témoignage écrit, montrant que la réalité fut tout autre. Face à un président qui a motivé le mandât de dépôt à l’audience contre Diawara par un article de la Déclaration des droits de l’homme, aucun argument rationnel ne devra être épargné.