Stéphane Durand-Souffland, 29/09/2006
Un Éthiopien en situation irrégulière était mort étouffé après l’intervention des fonctionnaires pour le maintenir sur son siège.
RETOUR sur la mort d’un « Inad », d’un « Depa ». C’est ainsi que sont désignés, dans ce jargon administratif qui transforme l’homme en sigle pour formulaires, les « individus non admis » sur le territoire na¬tional, aussi appelés élégamment, à Roissy, « déportés accompagnés ».
Getu Hagos était l’un d’eux. Arrivé en France le 11 janvier 2003 sans passeport, cet Éthiopien de 23 ans qui était passé par l’Afrique du Sud demande l’asile politique qui lui est refusé. Le 16 janvier, tard dans la soirée, trois fonctionnaires de la Police de l’air et des frontières (PAF) le conduisent dans l’avion d’Air France en partance pour Johannesburg, qui doit décoller vers minuit. M. Hagos se débat, vocifère. L’escorte le maintient de force sur son siège. Soudain, plus un mouvement, plus un bruit : le « Depa » a perdu connaissance. 11 sera réanimé, mais décédera quelques heures plus tard.
Compression des carotides
Axel Dallier, Merwan Khelladi et David Tarbouriech comparaissaient hier en correctionnelle à Bobigny pour l’homicide involontaire de Getu Hagos. Ce sont trois gardiens de la paix très jeunes, pas très costauds, à la voix pas très forte. La présidente Feyler-Sapen décrit les derniers instants de la victime et l’intervention d’un médecin quelques heures avant le départ de l’avion. L’éthiopien semblait en proie à une crise d’épilepsie.
Simulation, conclut le praticien. L’autopsie prouvera cependant que M. Hagos souffrait d’une bronchite non décelée lors de cet examen.
Pour Me Stéphane Maugendre, avocat des parties civiles, les policiers ont abusé de la force. Selon des témoignages du personnel navigant, en effet, deux d’entre eux se seraient assis sur le passager récalcitrant. De fait, la mort de ce dernier a été causée par la compression des carotides, résultant d’une flexion prolongée du tronc. Non, réplique la défense, les policiers ont tenté de maîtriser un agité vociférant : « Il préférait mourir plutôt que partir », se souvient M. Dallier. A aucun moment, affirment les prévenus, ils ne se sont assis sur M. Hagos, de constitution athlétique, dont le malaise soudain les aurait totalement pris de court.
Le parquet estime qu’aucune charge ne peut être retenue à l’encontre de M. Tarbouriech. En revanche, Nadine Perrin requiert la condamnation de ses deux collègues à une peine de prison avec sursis, laissant le quantum à l’appréciation du tribunal et acceptant l’éventualité d’une non-inscription au casier judiciaire.
La défense, elle, plaide la relaxe pour le trio. Me Georges Holleaux, d’une grande rigueur juridique, souligne qu’à l’époque des faits, aucun règlement spécifique n’existait en matière de « reconduite en aéronef». Le drame de janvier 2003, poursuit-il, a conduit les autorités compétentes à édicter des consignes ad hoc. On lit, dans ce bréviaire : «A ne pas faire ! Plier les troncs. » Le jugement a été mis en délibéré au 23 novembre.