La libération des Kurdes n’est pas un acte de bravoure

rue89-logo Tribune 28/01/2010

Stéphane Maugendre | Avocat et président du Gisti, groupe d’information et de soutien des immigrés

 

Il convient de revenir sur la libération des Kurdes de l’Ile de Beauté par les juges des villes de Nîmes, Toulouse, Lyon, Marseille et Rennes trop souvent présentée par les médias comme un acte exceptionnel de bravoure ou de bravade de la part des juges.

Il n’en est rien puisque les juges n’ont eu qu’à constater les innombrables fautes de procédure commises par les services de la préfecture de Bonifacio et du ministère de l’Immigration et mises en évidence par les avocats.

Ces juges, gardiens des libertés individuelles en vertu de la Constitution de la République française, ont fait leur travail comme beaucoup le font chaque jour dans les dizaines de tribunaux de France lorsqu’ils constatent des irrégularités dans les procédures de reconduite à la frontière d’étrangers en situation irrégulière.

Rappelons brièvement ce qu’est une irrégularité de procédure, car trop souvent elle est assimilée à l’absence d’une virgule ou d’un point dans un procès-verbal de police. Il n’en est rien. C’est lorsqu’il apparaît dans la procédure qu’un droit ou une liberté fondamental n’a pas été respecté. Il en est ainsi lorsque :

  • l’étranger a subi un contrôle d’identité en raison de la couleur de sa peau (contrôle au faciès) ou par un policier qui n’avait pas pouvoir de le faire
  • le procureur de la République n’a pas été informé du placement en garde à vue d’un étranger en situation irrégulière. En effet, le procureur est celui qui contrôle non seulement les placements mais aussi les lieux de garde à vue (un procureur non prévenu d’une garde à vue ne peut ni la contrôler ni vérifier si elle se passe dans un lieu de garde à vue)
  • l’étranger n’a pas été informé de sa possibilité d’être examiné par un médecin et visité par un avocat durant sa garde à vue
  • l’étranger a été détenu sans ordre de la loi ou d’un magistrat entre sa garde à vue et son placement en centre de rétention (détention arbitraire)
  • l’étranger ne s’est pas fait notifier ses droits avec l’assistance d’un interprète durant la garde à vue ou à son arrivée en centre de rétention et donc n’est pas en mesure de les faire valoir

Concernant notre affaires des Kurdes, un juge de Lyon a ainsi sanctionné le 25 janvier dernier un certain nombres d’irrégularités de procédure. Quelques exemples :

  • le mutisme sur les conditions d’interpellation
  • l’absence de placement en garde à vue qui a privé les Kurdes des droits qui vont avec
  • l’absence de communication avec le contrôleur général des lieux de privation de liberté

Le ministère a donc » bu la tasse » comme le dit maître Norbert Clément. Or, le ministère de l’Immigration :

  • a fait le choix d’une procédure d’exception en privant de liberté des hommes, des femmes et une quarantaine d’enfants demandeurs d’asile. Et qui dit procédure d’exception dit respect le plus absolu des règles de procédure
  • a indiqué que ce choix de procédure était fait pour que ces personnes puissent être protégées et examinées médicalement (comme si un policier vous plaçait en garde à vue pour que vous puissiez être examiné par un médecin parce que vous aviez éternué au volant de votre voiture). Un comble.
  • face à ce fiasco (dont je ne suis pas loin de penser qu’il était calculé), on annonce que la législation française n’est pas adaptée face à ce genre de situation et qu’il faut donc réformer la loi

Eric Besson a créé le « bug » et annonce une réforme salvatrice. Quelle manipulation !

N’oublions pas qu’il existe une procédure simple, de droit commun, applicable à tout demandeur d’asile. Il s’agit du Livre VII (le droit d’asile) du code de l’entrée et du séjour des étrangers (articles L. 711-1 et suivants), transcription dans le droit français de la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

Cette procédure était applicable en l’espèce.

⇒ Voir l’article

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