«Johanna» désigne Oulamara comme le meurtrier de Catherine Choukroun.
Nathalie Delhomme, 35 ans, boulotte frisée aux cheveux roux, a craqué hier au milieu de la sixième audience du procès du meurtre de la policière Catherine Choukroun, le 20 février 1991. Entre larmes et hoquets, l’ancienne «Johanna» de la rue Saint-Denis a innocenté Marc Pétaux, 41 ans, «le Légionnaire» et a accusé Aziz Oulamara, 39 ans, alias «Jacky». La trouille au ventre, les mains tremblantes, la fille accusée de complicité s’est livrée à son avocat Jean-Yves Leborgne, puis à la présidente Martine Varin: «C’est vrai, j’étais dans la voiture, complètement défoncée à l’arrière, endormie. J’ai pas entendu les coups de feu. Mais j’ai senti un courant d’air frais et les deux hommes s’engueuler.» Le passager remonte sa vitre et essuie la colère du conducteur: «T’en as pas marre toi de faire des conneries. Cette fois, tu nous as vraiment mis dans la merde!» Son corsage à pois blancs et noirs secoué de spasmes, l’ex-prostituée parle plus haut: «il n’y avait pas Marc Pétaux, sinon je m’en souviendrais. Je ne connaissais pas le conducteur.» Pressée de questions par une présidente douce mais ferme, «Johanna» finit par avouer: «Le passager avant, c’était Aziz Oulamara»: «J’ai reçu des menaces, de faire attention à mon fils. En garde à vue, on m’a mise dans la cage avec Oulamara, enfermés tous les deux: si je parlais, il dirait que j’ai donné des ordres (de tirer, ndlr). Si je raconte tout ça, c’est pour qu’un innocent [Pétaux] ne parte pas en prison. Mais je risque gros, pour ma famille, mon enfant et même moi. Il y a des gens du milieu dans la salle qui ne me lâcheront pas. Rue Saint-Denis, j’ai vu des filles se faire tuer à côté de moi, ils prennent nos enfants en otages. Je ne suis pas indifférente à ce qui est arrivé à madame Choukroun, elle avait un bébé.»
Héroïne. Le soir du crime gratuit de la policière, qui surveille d’une une voiture de patrouille un radar sur le périphérique porte de Clignancourt, «Johanna» a cherché en vain un taxi à la sortie de ses huit heures de tapin, et a demandé à Oulamara de la ramener chez elle dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Le conducteur inconnu et Oulamara le videur l’ont d’abord emmenée «porte de la Villette ou de la Chapelle» se ravitailler en héroïne, puis reprise à bord. Johanna vient de sniffer une grosse dose de poudre. Quand deux tirs de chevrotine ciblent «une flic». L’avocat général, Philippe Bilger, cherche à savoir si «l’abrutissement par la drogue évoquée n’est pas un moyen d’exonérer Pétaux?»
Volte-face. «Je n’ai plus rien à perdre maintenant, explique «Johanna». Il va falloir que je me batte. Si je savais le nom du conducteur, je le dirais.» Arrêtée le 17 juin 1997, six années après le crime, c’est déjà Nathalie Delhomme qui a aiguillé la brigade criminelle sur Aziz Oulamara. Mis en examen comme «tireur» supposé, «Jacky» a nié six mois. Puis opéré une volte-face: des aveux-fleuves qui mouillent Marc Pétaux comme le tueur de la policière, et ramènent son rôle à celui de chauffeur. Un receleur appelé Serge Schoeller, sorti de prison avec un frère Oulamara (Madjid) le matin des faits, a corroboré en partie ses dires.
Hier matin, avant les aveux de «Johanna», Marc Pétaux, visage taillé au couteau, tombeur de filles et ex-légionnaire, avait démonté avec brio les racontars d’Aziz qui «se venge» de sa mise en cause par Pétaux dans le meurtre du mac de «Johanna»: «Ce Schoeller est une crapule, un lâche. Tous des mécréants qui pètent de trouille et racontent ce qu’on attend d’eux. Ma position, c’est qu’Oularama protège son frère. Je suis infiniment logique: si Aziz est le tireur, Schoeller au volant, et son frère derrière, et qu’il donne le chauffeur, celui-ci va le dénoncer comme le tireur. Tandis que si Aziz accuse un innocent, ce dernier ne va pas le mettre en cause comme tireur. J’ai déjà fait trois ans pour un crime que je n’ai pas commis et on veut m’y envoyer à perpète. Le doute, c’est le corollaire absolu de l’intelligence. Ceux qui ont pris la bretelle porte de Clignancourt ont voulu aller tuer des policiers, c’est o-bli-ga-toi-re», a martelé Marc Pétaux, «moi, si je vois un véhicule de police, je l’évite. C’est dingue de tirer sur un uniforme. Je me suis engagé à 17 ans dans l’armée, mon adjudant est mort à côté de moi, j’ai pleuré, comment voulez-vous que je fasse une chose pareille. Non, c’est pas dans mon corps, c’est pas dans mon cœur, c’est pas dans mon âme, c’est pas mon boulet».