Les braqueurs d’Orgemont étaient passés à l’action le 13 août 2011, à l’ouverture. Deux ans après l’attaque du bureau de poste d’Argenteuil et la prise d’otage des deux employés, l’avocate générale a requis hier soir quinze ans de réclusion criminelle à l’encontre du principal accusé, et huit ans de prison pour son cousin.
Elle a décrit deux hommes qui avaient réglé l’opération dans tous ses détails, loin de l’image de braqueurs non violents et improvisateurs qu’ils ont tenté d’imposer pendant les débats. Le verdict était attendu dans la nuit.
Frédéric G., 34 ans, avait décidé d’aller jusqu’au bout, alors que le bureau de poste était encerclé par la police, alertée par un système de sécurité. Il avait pris la fuite en emmenant avec lui les otages dans une folle course-poursuite jusqu’à Paris. Pris en chasse par les policiers, il a tenté de trouver refuge dans un hall d’immeuble du XIXe arrondissement fermé par une solide porte rouge. Rouge comme l’enfer que pressentait le guichetier en voyant la porte se refermer doucement derrière lui, son collègue chef de caisse et le preneur d’otage, bloquant bientôt les policiers impuissants à l’extérieur. Mais une fonctionnaire d’Argenteuil a pu tirer avec son flashball juste avant la fermeture et permis la libération des otages. L’autre braqueur, Donatien B., 41 ans, sera arrêté dans le bureau de poste.
« J’ai vécu les faits un peu à distance. Est-ce qu’il n’y aura pas de contrecoup ? Je ne sais pas. J’essaye de composer avec ce qui s’est passé. Je me dis que la vie continue, qu’il s’agissait d’une péripétie, même si ce n’est pas un fait banal. » Devant la cour, le guichetier, partie civile, explique tenir le coup. « Je ne veux pas m’enfermer dans ce faits divers et ne penser qu’à cela. Je veux passer à autre chose. Heureusement, on ne se fait pas braquer tous les jours. Toutefois, au quotidien, au niveau des consignes de sécurité, on y pense plus que nos collègues qui n’ont jamais vécu cela. On est plus attentif, encore plus scrupuleux, parce qu’on n’a pas envie de revivre cela. » Son avocat, Me Stéphane Maugendre, corrige néanmoins lors de sa plaidoirie : « Il fait bonne figure, dit-il aux jurés, mais cela restera un cauchemar. La froideur du canon sur la tempe, jamais il ne l’oubliera. Les serflex sur ses chevilles et ses poignets, il les sentira toujours. » Il reprend enfin les termes de l’expert psychologue : « Les blessures psychiques saignent encore. »
La seconde victime n’a pas trouvé la force de venir à l’audience expliquant dans un courrier au président que « croiser le regard de ses agresseurs et revivre les faits lui étaient psychologiquement impossible dans l’immédiat ». Il s’agissait alors de son 4e braquage. Le bureau d’Orgemont était aussi maudit : objet de neuf braquages dont quatre au cours de cette année-là, il n’a depuis les faits jamais rouvert, les employés dénonçant l’insécurité des locaux.