Agressive, revendicatrice, souvent en colère et irrévérencieuse vis-à-vis de la cour, Nadira Bitach, accusée de tentative d’assassinat sue la personne d’Odile Mansfield, cette jeune fille qu’elle transforma en torche vivante, ne s’est pas montrée sous son meilleur jour. C’est en effet par son témoignage qu’ont débuté les débats de ce deuxième jour d’audience à la cour d’assises de Seine-Saint-Denis à Bobigny. Et d’entrée , la salle s’est glacée devant les propos tenus par l’accusée, l’air sévère et le visage fermé, emmitouflée dans son manteau, un chignon noir sur la nuque.
« Incohérente et ambivalente »
«Ce jour-là — le 18 mai 1993 — j’étais chez ma mère, à la cité Youri-Gagarinne à Romainville, dit-elle. J’étais très nerveuse car, je devais passer au tribunal pour avoir tiré un coup de feu sur un homme. Aussi, j’ai pris des calmants…En regardant par la fenêtre j’ai vu Odile. Je me suis dit que ce n’était le moment. J’ai tourné dans l’appartement et j’ai rempli un verre puis un Tupperware d’essence et j’ai allumé une cigarette puis je suis descendu. Je voulais seulement discuter. Je l’ai aspergée d’essence. je lui ai ensuite demandé qu’elle me rende des vêtements, des photos et une gourmette de mon petit frère. Je lui ai dit qu’il ne fallait pas qu’elle le colle comme ça. Ça ne lui a pas plu. Elle s’est jetée sur moi. A cause de la cigarette, nous nous sommes embrasées». Réaction immédiate du président, Didier Wacogne. qui rectifie : «C’est surtout Odile Mansfield, la victime, qui a pris feu!»
Nadira Bitach, cette Marocaine de 37 ans; est décrite par les médecins experts comme une personne névrosée, « incohérente et ambivalente », mais ne présentant «aucune pathologie mentale ». Aînée d’une famille de huit enfants, qui aurait peu à peu perdu pied dans la vie; à la suite de plusieurs événements douloureux liés; en premier lieu, à l’indépendance de l’Algérie où elle a habité, avant d’arriver en France en 1966. Scolarisée dans une école privée catholique, à 12 ans, elle abandonne l’islam pour se convertir au christianisme. Elle se fait baptiser, puis fait sa communion. Mais à 20 ans, elle accepte un mariage arrangé par ses parents avec un Algérien musulman.
Et aujourd’hui, contrairement à ce qu’elle avait affirmé aux policiers après le drame, elle affirme à la terre, prête à jurer sur le Coran :« Le problème religieux n’a rien à voir dans cette histoire. J’ai fait ça sur le coup de l’énervement Mais une de mes sœurs est déjà mariée avec un catholique. Ça n’a jamais posé de problèmes dans la famille. »
Un mariage arrangé
Dans sa vie, Nadira Bitach accumule les vicissitudes. Elle met au monde un fils atteint d’un très grave bec-de-lièvre. Elle perd son travail en 1988. Elle divorce de son mari, volage, qui décède quelque temps plus tard, en Algérie. Puis c’est son concubin qui la bat.. Vis-à-vis de sa famille, elle se considère investie de toute l’autorité au détriment de ses vrais parents. Elle couve son frère Abdelkrim, 23 ans, au point de ne pas pouvoir supporter qu’il ait une relation suivie et réussie avec Odile, 16 ans à l’époque. Dans la famille Bitach, Odile —née d’un père antillais— était, aux yeux de Nadira, une intruse. A une de ses amies, témoin au procès, elle aurait confié qu’«elle ne voulait pas d’un petit chat noir dans sa maison… »