Les Uns et les autres, 17/12/1995
Maître Stéphane Maugendre est avocat à Rosny-sous-Bois et membre du Conseil de l’Ordre du barreau de Seine-Saint-Denis. Il est l’un des grands spécialistes français du droit des étrangers. S’il considère que la situation des migrants est aujourd’hui critique : il en appelle au soutien de ces populations et à la réforme de jla législation en cours. Pour une meilleure intégration.
Les Uns et les Autres : « Quelle est la situation actuelle des étrangers ? »
Stéphane Maugendre : « Nous sommes dans une situation explosive, surtout dans nos banlieues. Depuis vingt ans. les étrangers sont de plus en plus réprimés. Ceux qui sont en situation régulière sont fragilisés et mis dans une possible « clandestinisation ». |e prends un exemple. Des enfants sont arrivés sur le sol français très jeunes avec leurs parents. A 18 ans, alors qu’ils passent leur bac, ils se retrouvent clandestins, bien qu’ils soient scolarisés, car la préfecture ne veut pas leur accorder un titre de séjour. On ne peut pas jeter la responsabilité sur des jeunes qui n’étaient pour rien dans le choix de leurs i parents de quitter leur pays ! Autre exemple, dans une même famille, si le grand frère est algérien et la dernière petite sœur française, le dernier enfant qui va naître prochainement ne pourra pas acquérir directement la nationalité française ! On crée alors des situations de jalousie au sein même des familles ! C’est pareil dans les classes. »
Les Uns et les Autres : « Que peut-on faire? »
Stéphane Maugendre : « Réformer la législation en place. Toute personne de nationalité étrangère ayant pour vocation à rester durablement sur le territoire français, parce qu’il a un travail par exemple, doit être dotée d’un titre de séjour. C’est de cette manière qu’on fait l’intégration. La répression des clandestins ne changent rien à la clandestinité. J’ai, parmi mes clients, une femme vivant en France depuis quinze ans, dont la fille est scolarisée et qui travaille officiellement (avec une fiche de paie, donc elle paie des cotisations…). Elle est en situation irrégulière, donc privée de tous ses droits sociaux. Elle ne peut pas non plus compter sur rat de juridictionnelle. Son employeur aux yeux de la loi, peut être également condamné pénalement. Autre exemple un père d’enfants français ne peut pas se taire régulariser. Ce n’est pas normal… »
Les Uns et les Autres : « En attendant une évolution éventuelle de la législation en cours, que peut-on faire pour améliorer cette situation ? »
Stéphane Maugendre : « Si une situation humaine est traitée scandaleusement, il faut inter venir directement auprès des autorités concernées, le Ministère de l’Intérieur et la Préfecture, pour faire évoluer le dossier. Le Préfet a de larges pouvoirs dans ce domaine. Je sais aussi que des lycées se sont mobilisés pour qu’un étranger ne se fasse pas arrêter. Des prêtres interviennent également ponctuellement pour m’aider dans la défense d’un dossier. Tous les organismes soucieux d’une meilleure intégration doivent mettre leur poids dans la balance. Mais il faut être clair : les affaires que nous recensons ne sont que le haut de l’iceberg. La majorité des gens ne passent pas par le circuit des avocats ou des associations… »