La Cour de justice de l’UE juge illégale l’incarcération des sans-papiers. « Ce n’est pas notre problème », répond en substance le ministre de l’Intérieur, soutenu par le chef de l’État.
La France n’enfinit pas de se faire taper sur les doigts par l’Union européenne pour sa politique migratoire. La Commission a demandé hier à Paris de lui fournir, « dès que possible », des « clarifications » concernant « les contrôles policiers dans la zone frontalière » avec l’Italie qui, s’ils étaient systématiques et permanents, seraient en infraction avec les règles de l’espace Schengen. L’Italie s’est également vu demander des éclaircissements sur les permis de séjour et documents de voyage délivrés aux Tunisiens.
Jeudi dernier, c’était un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui portait un coup sévère à la politique migratoire européenne, et particulièrement française, en rendant illégale l’incarcération des sans-papiers dans les États membres. Un arrêt de « portée considérable », d’après les associations de soutien aux sans-papiers, qui ont immédiatement salué un « coup d’arrêt majeur aux politiques de pénalisation des étrangers ».
La Cour de justice se base sur la directive « retour », qui précise qu’un sans-papiers frappé par une mesure d’éloignement dispose de sept à trente jours pour quitter le territoire. Si les intéressés ne s’y conforment pas, les États peuvent utiliser des « mesures coercitives », en respectant les « principes de proportionnalité et d’efficacité », c’est-à-dire un placement en rétention, mais de façon « aussi brève que possible ». Or, le Code des étrangers (Ceseda) prévoit un an de prison et 3 750 euros d’amende pour le simple fait d’entrer ou de séjourner sur le territoire français sans titre de séjour et trois ans de prison assortis de dix ans d’interdiction de séjour pour ceux qui se soustrairaient à une mesure d’expulsion.
Alors que cet arrêt doit s’appliquer immédiatement sur le territoire français, le ministère de l’Intérieur a estimé hier que la France n’était pas concernée par cette décision : « Le dispositif existant en droit français est suffisamment différent pour qu’on n’ait pas la même interprétation sur la signification de cet arrêt. » « Faux, répond Stéphane Maugendre, du Gisti. Cet arrêt ouvre une large brèche dans le droit français. Il y a fort à parier que le législateur devra se repencher sur la question des délits liés au séjour irrégulier. »
Une priorité qui n’est vraiment celle de l’exécutif. Dans un entretien à paraître aujourd’hui dans l’Express, Nicolas Sarkozy soutient son ministre de l’Intérieur Claude Guéant, assurant que poser la question d’une baisse de l’immigration légale en France relève du « bon sens ».