La remise en liberté des 123 immigrés clandestins se disant Kurdes de Syrie et arrivés en Corse à la fin de la semaine dernière met à l’épreuve la politique d’immigration du gouvernement français.
Après des décisions semblables à Nîmes et Rennes dimanche, des juges des libertés de Lyon, Marseille et Toulouse ont jugé irrégulier lundi le placement dans des centres de rétention de ces personnes découvertes vendredi sur une plage du sud de la Corse et transférées ensuite sur le continent.
Le ministre de l’Immigration, Eric Besson, critiqué pour avoir pris d’emblée samedi des arrêtés de reconduite à la frontière, ne parle plus de les expulser. Sur 81 adultes, 61 ont officiellement demandé l’asile politique, dit son ministère.
Dans un communiqué, il justifie le recours au placement en rétention, qui était selon lui la seule manière de procéder en raison des contraintes matérielles.
Ceux qui n’obtiendront pas l’asile et refuseront une aide au retour volontaire seront reconduits dans leur pays, précise-t-il. Il y aura une nouvelle loi pour mieux gérer ces situations à l’avenir, annonce-t-il enfin.
« Les règles du placement en rétention en vigueur sont mal adaptées à ces situations d’urgence impliquant de très nombreuses personnes. (…) C’est pourquoi le prochain projet de loi sur l’immigration comportera un assouplissement des ces règles », explique Eric Besson.
La gauche et les associations de défense des droits de l’homme estiment que les réfugiés, parmi lesquels 38 enfants dont neuf nourrissons, cinq femmes enceintes et une handicapée, ont été traités durement et illégalement au plan procédural.
ATTAQUES DE LA GAUCHE ET DE L’EXTRÊME DROITE
Les magistrats qui ont statué jusqu’ici estiment que les règles prévoyant l’accès des réfugiés à divers droits n’ont pas été respectées. Ils ont mis en cause les mesures coercitives, les arrestations, le transfert forcé sous garde armée, la dispersion et l’emprisonnement d’enfants en rétention.
L’Elysée et Eric Besson affichent des objectifs chiffrés d’expulsion et une fermeté censée dissuader les candidats à l’immigration illégale, tout en réaffirmant qu’ils souhaitent conserver la tradition française d’asile politique.
Le président du Groupement d’information et de soutien aux immigrés, Stéphane Maugendre, conteste l’idée qu’un accueil ponctuel de réfugiés en fait forcément venir d’autres.
« C’est ridicule, l’appel d’air n’existe pas, c’est pour faire peur aux gens. La population qui fuit les atrocités, la guerre, les régimes politiques viendra toujours chercher refuge. S’ils ne passent pas par (la Corse-NDLR), ils passeront ailleurs », a-t-il dit à Reuters.
Le Parti socialiste accuse Eric Besson d’avoir « bafoué les règles du droit d’asile. » « Le Haut commissariat aux réfugiés, comme la justice ont appelé le gouvernement au respect du droit et des conventions internationales qui protègent les réfugiés », se félicite-t-il dans un communiqué.
Le président du Front national, Jean-Marie Le Pen, estime que le dossier démontre que la France est incapable de surveiller ses frontières. « Il est clair que le pouvoir est le complice quand il n’est pas l’organisateur de l’immigration-invasion », dit-il dans un communiqué. Sa fille Marine Le Pen demande la démission d’Eric Besson.
Selon Le Figaro, une panne technique d’un radar militaire aurait permis le débarquement sur une plage de Corse de ces immigrés clandestins par un navire toujours non identifié.
Le parti majoritaire UMP se prononce pour l’expulsion, car la France ne peut « accueillir toute la misère du monde », a dit son porte-parole Frédéric Lefebvre lors d’un point de presse.
Eric Besson a exprimé le même point de vue sur Europe 1, en disant qu’il ne voulait pas voir apparaître en Corse un « nouveau Sangatte », en référence au centre d’accueil de la Croix-Rouge pour réfugiés afghans, près de Calais, fermé en 2003.