Emilie Rive, 21/10/2009
Mercredi 21 octobre, le ministère a finalement déclaré avoir bel et bien renvoyé trois Afghans par avion. Hier, déjà des sources policières confirmaient l’imminence d’un charter franco- britannique pour Kaboul. Stéphane Maugendre, du Gisti, fustige ces retours forcés, à la fois inhumains et inutiles.
Comme d’habitude, la transparence n’est pas de mise au ministère de l’Immigration. Des sources policières de plus en plus concordantes ont affirmé, hier, qu’un charter franco-britannique, partant d’Angleterre, atterrirait à l’aéroport de Lille Lesquin dans la soirée pour embarquer une dizaine d’Afghans encore en rétention au centre de Coquelles, puis ferait escale à Roissy vers 23 heures afin de récupérer « seize autres Afghans » en provenance des centres d’Ile-de France et encadrés eux « par huit policiers français ». Ils sont une cinquantaine retenus en France à Palaiseau, Coquelles, Lille, au Mesnil-Amelot, à Paris-Vincennes et à Nice. Le ministre a, dans un premier temps démenti, puis jeté l’éponge en rappelant qu’il y aurait des renvois…
Des rassemblements étaient de toute façon annoncés à Lille et à Roissy hier soir. Car l’opération ne passe toujours pas. L’appel européen contre les retours forcés lancé par une trentaine d’associations il y a quinze jours a déjà reçu plus de 10000 signatures (lire ce texte en pages «Tribunes»). Stéphane Maugendre, président du Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés, précise les raisons de s’opposer aux renvois groupés.
Pourquoi vous oposez-vous à ces expulsions collectives ?
STÉPHANE MAUGENDRE. « Parce que nous avons eu des retours d’informations de la part de personnes qui ont eu à subir ces renvois par charter. Or, les problèmes d’hygiène, de sécurité, les risques de mauvais traitements sont légion… Ce n’est pas pour rien que ce genre d’opération est menée dans le plus grand des secrets. Ainsi, nous n’avons aucune garantie sur la façon dont sont traités les gens à l’intérieur des avions. Ils risquent d’être entravés, bâillonnés, et on peut facilement imaginer qu’ils sont plus mal traités que dans les avions de ligne où le regard des passagers exerce un certain contrôle. »
Ces procédures sont-elles légales ?
STÉPHANE MAUGENDRE. « Sur les 150 Afghans raflés d’un seul coup à Calais, les juges ont constaté qu’il y avait de nombreuses illégalités et ont libéré la grande majorité. On court donc le risque que ces expulsions collectives se fassent elles aussi avec des irrégularités, entre le moment où le juge a statué et celui où les gens vont être mis dans l’avion. Il y a de graves risques d’atteinte aux droits fondamentaux. Enfin, sans vouloir faire le parallèle avec une période sombre de notre histoire, la rationalisation de l’expulsion, en tant que principe de société, fait froid dans le dos. On rafle, on fiche à outrance, on fait passer des mineurs pour des majeurs… Rappelez-vous: au procès Papon, on lui avait demandé pourquoi il changeait les dates de naissance. Bien sûr, ce n’est pas la même chose, mais ces méthodes me terrifient.
Ces charters sont-ils «efficaces», du point de vue du gouvernement ?
STÉPHANE MAUGENDRE Un exemple: les Anglais ont tenté de reconduire récemment une cinquantaine d’Irakiens à Bagdad. Seuls dix d’entre eux ont finalement été laissés sur place, avec 100 dollars chacun. Les autres sont rentrés à Londres par le même avion, les autorités irakiennes leur ayant demandé s’ils voulaient descendre ou non. Cette opération a coûté, selon le New York Times de dimanche, 450 000 dollars pour l’aller-retour. En France, on évalue à sept millions d’euros par an le coût des arrestations-rétentions-expulsions. Cette affaire illustre bien l’inanité de la politique européenne de l’immigration : on ne se préoccupe pas de savoir ce que pensent les autres, on est sûr d’avoir raison, et donc, on est prêt à traiter les gens comme du bétail… Je ne parle même pas de l’image de la France après cela. Notre gouvernement renvoie des gens qui cherchent refuge chez nous, alors que nos soldats se font tuer chez eux au nom de nos valeurs démocratiques… Tout cela pour démontrer à une partie de l’opinion qu’on est capable d’agir. On est dans le cynisme le plus total.
Une réflexion sur « Charters, le cynisme de Besson »
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