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Mustapha Yildirim, Kurde de 36 ans né à Kulp en Turquie, restaurateur à Lyon et mari d’une avocate, a demandé mercredi à l’Etat une indemnisation de 15 244 euros (100 000 francs) pour les deux mois de détention provisoire qui lui ont été infligés à tort voilà huit ans, à cause de son appartenance supposée au PKK, parti des travailleurs du Kurdistan.
Non-lieu. A l’automne 1993, le ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, et les juges antiterroristes mettent en place une politique de «rafles» dans les milieux islamistes puis kurdes pour éviter de «transposer sur notre sol la guérilla, le racket» et de devenir «la base arrière d’organisations terroristes», justifie le ministre. A l’appui de cette répression, un rapport de la DST recense les violences récentes imputées au PKK contre des intérêts turcs à Marseille, Lyon, Paris et Strasbourg et mentionne également quatre enlèvements de Français en Turquie.
Selon ce rapport, le PKK se camouflerait derrière des associations pour «commettre des actions criminelles ou délictuelles», notamment du racket. Du coup, le 18 novembre 1993, 111 Kurdes sont interpellés dans 25 départements. 24 d’entre eux sont mis en examen pour «association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste», dont 21 sont placés sous mandat de dépôt. Parmi eux, Mustapha Yildirim, alors président de l’association des travailleurs du Kurdistan, chez qui des documents sur le peu ple kurde et la comptabilité de collectes de fonds, ont été trouvés. Mais le 11 mai 2001, le juge Roger Le Loire conclut l’affaire par un non-lieu général en constatant que les «perquisitions ne révélaient pas la présence d’armes» mais juste des listes de noms «au regard de sommes d’argent». En définitive, pour le juge, «les investigations ne permettaient pas de caractériser l’infraction d’extorsion de fonds, en l’absence de plainte», et ne révélaient pas «la préparation de cri mes et délits».
Entretemps, des Kurdes ont été expulsés «en urgence absolue» vers la Turquie, et d’autres ont été emprisonnés entre huit jours et six mois. Au nom de Mustapha Yildirim, Me Maugendre a invoqué devant la commission d’indemnisation du tribunal de Paris le préjudice matériel perte de deux mois de salaire (12 493 francs, soit 1905 euros), frais de cantine à la Santé et billet de train mais surtout le préjudice moral : «La publicité dans la presse a eu des répercussions désastreuses sur la vie privée de M. Yildirim, les noms de tous les Kurdes interpellés ont été communiqués aux autorités turques et sa compagne avocate, Florence Nepple, alors enceinte a été placée en garde à vue pendant 20 heures, avant de recevoir les excuses du tribunal et de la cour d’appel de Lyon.»
Mal à l’aise. L’avocate du Trésor a rappelé que «seuls les préjudices personnels dûs à la privation de liberté peuvent être indemnisés, pas la garde à vue de sa femme, et les articles des médias» et a proposé la modique somme de 1524,49 euros (10 000 francs). Mal à l’aise, l’avocate générale a précisé qu’elle n’a «pas à apprécier le bien-fondé des poursuites» et a requis la «réparation» pour Yildirim à cause du non-lieu. Décision le 10 avril.