Pour la Cour de cassation, le séjour irrégulier ne justifie pas la garde à vue

  6/06/2012

La Cour de cassation a fait un premier pas vers une remise en cause de la garde à vue des étrangers au seul motif qu’ils sont en séjour irrégulier, mesure à laquelle sont soumis 60 000 clandestins par an selon le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti).

La chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que le séjour irrégulier d’un étranger ne peut suffire à son placement en garde à vue dans le cadre d’une procédure d’expulsion.

Cet avis rendu mardi doit orienter la première chambre civile de la haute juridiction, qui tranchera définitivement la question à une date qui n’est pas encore connue.

«Ce serait une rupture avec l’idée que l’étranger est assimilé à un délinquant et une remise en cause de la pratique quotidienne», s’est félicité Me Patrice Spinosi, avocat de la Cimade, association assistant les étrangers en rétention.

«La question est : quand vous arrêtez un étranger en séjour irrégulier, combien de temps vous pouvez le garder et sous quel mode: garde à vue ou contrôle d’identité ?» a-t-il résumé.

Actuellement, le recours à la garde à vue est généralisé. Sur 100 000 étrangers ayant fait l’objet d’une procédure pour séjour illégal, 60 000 sont passés par la cellule.

«Il y a un détournement de procédure, puisqu’on utilise une procédure pénale (la garde à vue, ndlr) pour aboutir à une décision administrative (sur une éventuelle expulsion, ndlr). On utilise la garde à vue pour le confort de la police, de la préfecture et du procureur de la République», parce qu’elle laisse plus de temps (48 heures maximum), a dénoncé Stéphane Maugendre, président du Gisti.

Vérification d’identité

Mais cette pratique est plus que jamais remise en cause par les associations de défense des étrangers depuis que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu, en décembre 2011, un arrêt affirmant qu’un étranger en séjour irrégulier ne peut être emprisonné sur ce seul motif.

Elles estiment que la détention n’étant plus autorisée, les étrangers ne doivent pas être placés en garde à vue puisque l’importante réforme de cette mesure, entrée en vigueur en juin 2011, limite son recours aux seuls cas où une personne est soupçonnée d’avoir «commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement». Le gouvernement français faisait jusqu’ici une autre lecture de cet arrêt, le jugeant compatible avec la pratique de la garde à vue.

D’où la saisine de la haute juridiction dans le but de trancher ce débat et mettre fin à la cacophonie judiciaire, puisque, sur le terrain, les tribunaux rendent des décisions contradictoires, tantôt favorables aux étrangers, tantôt non.

Comme la question touche à la garde à vue, qui relève du champ de la chambre criminelle, la première chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière de droit des étrangers, avait souhaité obtenir son avis consultatif.

«Le ressortissant d’un Etat tiers ne peut (…) être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée pour entrée ou séjour irréguliers selon la procédure du flagrant délit», écrit la chambre criminelle dans l’avis.

Si la chambre civile suit la chambre criminelle, «les pratiques policières changeront et on va revenir à la procédure de vérification d’identité», d’une durée maximale de quatre heures, a estimé Stéphane Maugendre.

Seuls «effets pervers» à craindre, selon lui : des placements en garde à vue pour des délits annexes plus ou moins fondés (outrage aux forces de l’ordre, occupation illégale d’un lieu si interpellation dans un squat, etc.)

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