AFP, 24/06/2003
Le tribunal de grande instance de Bobigny a rendu lundi soir un verdict en demi-teinte sur le sujet sensible des expulsions d’étrangers en situation irrégulière, jugeant trois passagers coupables d’entrave à la circulation aérienne sur un vol Paris-Bamako le 17 avril, mais les dispensant de peine.
Les trois passagers de ce vol retardé de 13 heures au départ de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, avaient protesté contre la reconduite à la frontière de quatre Maliens non admis sur le territoire français qui résistaient aux huit policiers les escortant
Le tribunal a suivi les réquisitions du procureur, qui avait demandé que « les trois prévenus,Patrick Herman, Léandre Chevalier et Paul Rosner, soient déclarés coupables ». Mais ces derniers n’ayant pas de casier judiciaire et l’un étant encore étudiant, « je demande la dispense de peine », avait ajouté le procureur, devant une salle d’audience remplie de militants associatifs.
« C’est une décision très politique qui a été rendue aujourd’hui. Ce qu’on nous reproche est d’avoir été debout dans cet avion et d’avoir refusé de détourner le regard de ce qui se passait à l’arrière de l’appareil », a estimé Patrick Herman, responsable de la Confédération paysanne.
« Dégoûté », Paul Rosner a lancé : « ça va tout à fait dans le sens de la politique de M. Sarkozy ». « Je serai très fier de raconter plus tard à mon fils, qui a 5 mois aujourd’hui, pourquoi j’ai été déclaré coupable. Ça donne une bonne idée de l’état d’esprit de notre pays”, a déclaré Léandre Chevalier.
« Restons modestes. Le problème des étrangers en situation irrégulière, ce n’est pas ici que ce sera réglé”, avait estimé le procureur.
« Très déçu ». Me Stéphane Maugendre, avocat des trois hommes, « espérait la relaxe, car le dossier est vide, on l’a démontré ».
Le 17 avril, le vol B1E 961 de la compagnie Air Méditerranée devait décoller à 12H10. Une panne survient au dernier moment et les passagers sont reconduits en salle d’attente. A 16HOO, nouvel embarquement, et les passagers constatent que quatre Maliens se débattent en criant au fond de l’avion, maîtrisés par huit policiers chargés de leur escorte.
« Il y avait de l’agitation chez tous le monde. Ça faisait des heures qu’on attendait, on avait chaud, on ne nous disait rien », a expliqué lundi une passagère.
Vingt à trente passagers circulent dans le couloir, intrigués ou inquiets. Le commandant de bord Jacques Laurent, voyant que le désordre empire de minute en minute – policiers tentant de maîtriser les Maliens, passagers exaspérés ou indignés -, demande aux policiers de quitter l’avion.
Refus de la police, nouvelles négociations. Au bout de 45 minutes le commandant de bord excédé suspend le vol et fait évacuer l’avion. Ses passagers se retrouveront menottés dans un fourgon de la police selon différents témoins.
Les trois hommes jugés lundi passeront 24 heures en garde à vue dans les locaux de la police aux frontières (PAF).
Le vol BIE 961 est finalement parti la 18 avril à 01H10