JOSE DA SILVA, dit « le Gitan », porte beau : cheveux noirs lustrés, belle gueule de mâle méditerranéen, habits soignés. Hier à la barre des témoins de la cour d’assises de Paris, « le Gitan » qui a passé treize ans de sa vie derrière les barreaux pour proxénétisme, stups et vols, qui font de lui un voyou de 36 ans, parle haut et raconte avec culot que s’il n’avait pas eu « la chance » d’être incarcéré le jour de la mort de Catherine Choukroun — la femme policière tuée sur le périphérique la nuit du 11 au 12 février 1991 — il serait « probablement dans le box des accusés avec eux ». José Da Silva montre alors d’un ample geste de la main, les trois individus assis entre les gendarmes : Nathalie Delhomme — son ex-prostituée —, Aziz Oulamara et Marc Petaux, deux videurs de la rue Saint-Denis, tous trois poursuivis pour l’assassinat de la jeune gardienne de la paix.
Voilà donc un procès où la défense des accusés cite comme témoin de moralité « un mac » sorti de prison il y a quelques mois et qui livre un récit où les jurés sont invités à croire que, si « ses amis sont en tôle » aujourd’hui, ils le doivent à des aveux extorqués par les policiers sous les coups et les menaces.
Duo de choc de la rue Saint-Denis
Pourtant Nathalie Delhomme, visage de lionne fatigué, apparaît au fil des témoignages comme une prostituée à la redresse, n’hésitant pas à braquer des dealers pour se fournir en came, traficotant elle-même auprès de ses congénères du trottoir, et mise en examen dans un autre dossier — avec Oulamara et José le Gitan — pour l’assassinat de son ancien protecteur.
Oulamara et Petaux ne sont pas en reste. Duo de choc de la me Saint- Denis, sous l’emprise de l’alcool le plus souvent ils ont inventé le jeu du lance-flammes qui consiste à brûler des clients avec un aérosol auquel ils mettent le feu. « Un soir, l’un d’eux a cassé ma vitrine à coups de pied en rigolant gratuitement », rapporte, du bout des lèvres, un cafetier encore impressionné par les deux hommes. « Ils terrorisaient la rue, cherchaient la bagarre », livre un autre commerçant.
Des destins à l’opposé de celui de Catherine Choukroun évoqué la veille lorsque Gilbert Le Roy, son supérieur hiérarchique, était venu parler de la jeune gardienne de la paix disparue. « Elle travaillait de 20 heures à 3 h 30 du matin chaque nuit avait-il livré d’une voix contenue. A son retour de congé maternité, quelques mois avant sa mort, elle avait demandé à reprendre ce service de terrain pour garder elle- même sa fille dans la journée et s’éviter les frais de nourrice. Un travail dur, à placer et surveiller les radars sur le périphérique, été comme hiver. »
Ces vies si dissemblables se sont-elles tragiquement croisées, cette nuit de février 1991 ? Trois policiers de la brigade criminelle sont venus raconter comment grâce à un tuyau de mère maquerelle, ils avaient patiemment retrouvé les accusés d’aujourd’hui, des années après les faits et recueilli — à l’exception de Petaux — leurs aveux. Des aveux que contestent aujourd’hui les accusés.