L’assassinat d’une femme policier aux assises de Paris

index Jean-Michel Dumay, 07/09/2000

L’AFFAIRE est de celles qui, pour les policiers enquêteurs, tenaient à cœur. Il y a plus de neuf ans, dans la nuit du 19 au 20 février 1991, vers 1 h 20, un véhicule de police chargé du contrôle des vitesses aux abords du périphérique, porte de Clignancourt à Paris, se trouvait être la cible de deux coups de feu tirés d’une voiture ayant ralenti à son approche. Atteinte aux vertèbres cervicales, Catherine Choukroun, gardien de la paix de trente ans et mère d’un enfant de cinq mois, décédait immédiatement. Emile Hubbel, son collègue, était blessé à l’épaule droite.

Provoquant une grande émotion – il s’agissait là du premier meurtre d’une femme policier en service -, l’affaire ne devait cependant déboucher que sur une maigre récolte d’indices. Le tir : une cartouche de chasse chargée de chevrotines. Le véhicule des agresseurs : une Renault 5, à moins que ce ne fût une Austin Metro, ou bien une Peugeot 205. Un chauffeur de taxi disait avoir entendu les deux détonations, puis avoir été doublé par un véhicule roulant à très vive allure, tous feux éteints, occupé par trois hommes et une jeune femme blonde. Le passager avant riait. Le témoin déclarait pouvoir le reconnaître. Hélas ! il décédait en septembre 1992.

Alors, six années plongèrent l’affaire au rang des dossiers mystérieux non élucidés. Puis, un renseignement anonyme, un « tuyau », allait précipiter l’instruction. Selon ce renseignement, obtenu en janvier 1997, le meurtre était le fait de deux hommes employés comme « videurs » dans un immeuble de prostitution de la rue Saint-Denis, à Paris. Circulant à bord d’une Austin Metro volée, les deux hommes se seraient rendus sur les boulevards des Maréchaux pour y acheter des stupéfiants destinés à la consommation des prostituées. Ils auraient tiré sans raison sur les gardiens de la paix. A l’arrière du véhicule se serait trouvée une certaine « Johanna », en activité dans le même immeuble que les deux individus en cause.

Renvoyés à partir de mercredi 6 septembre devant la cour d’assises de Paris pour assassinat, tentative ou complicité, deux hommes et une femme répondraient ainsi, selon la justice, aux critères du renseignement de 1997.

Ancienne prostituée toxicomane, aujourd’hui âgée de trente-cinq ans, Nathalie Delhomme, alias « Johanna », a reconnu lors de sa garde à vue qu’elle se trouvait sur la banquette arrière du véhicule le soir des faits. Mais ses dépositions n’ont cessé de varier. Désigné par cette jeune femme comme étant le tireur potentiel, Aziz Oulamara, ancien « videur » de trente-neuf ans, cinq fois condamné pour des délits (vols, proxénétisme), a, lui aussi, un temps reconnu sa participation à l’équipée. Mais il est finalement revenu sur ses déclarations. Enfin, impliqué par Aziz Oulamara, Marc Petaux, quarante et un ans, neuf fois condamné, n’a jamais cessé de clamer son innocence, précisant que « [ses] conneries s’étaient toujours arrêtées à la correctionnelle ».

« FAIRE UN TEST ADN »

Crinière rousse, voix fluette, Nathalie Delhomme est aujourd’hui « incapable de dire » le pourquoi de ses premières déclarations. Elle n’aurait pensé qu’à l’avenir de son enfant, qui, selon elle, aurait été voué à la DDASS sans ses accusations « souhaitées par les policiers ». Texte en main, Aziz Oulamara se présente comme un grand-frère modèle dans sa famille, après que son père eut tué sa mère en 1983. A toute phrase, il se dit prêt « à faire un test ADN » pour prouver son innocence (« Mais pour le comparer à quoi ? », demande la présidente, Martine Varin). Il dit être la victime d’une « rumeur de mère maquerelle », en l’occurrence « madame Simone », « la PDG de la rue Saint-Denis », propriétaire de nombreux studios loués aux prostituées, à l’origine du « tuyau » policier, semble-t-il, et qui, pour ses révélations, bénéficierait de précieuses protections.

Quant à Marc Petaux, caractère trempé, il réaffirme « ne rien avoir à voir avec cette abomination ». Cet ancien engagé au Tchad fait valoir qu’il n’a été impliqué par Aziz Oulamara qu’après avoir rapporté aux policiers des confidences de celui-ci selon lesquelles ce dernier était aussi l’auteur du meurtre, en 1987, d’un ancien souteneur de Nathalie Delhomme. « Propos de hâbleur », précise aujourd’hui Marc Petaux, auprès de qui, à l’audience, Aziz Oulamara s’est, en retour, confondu en excuses, pour l’avoir, dans la présente affaire, incriminé.

⇒ Voir l’article