Soutenue par neuf organisations de défense des droits de l’homme, leur plainte contre X pour non-assistance à personne en danger a été déposée hier auprès du parquet de Paris*. Elle cible de façon claire l’armée française : sa flotte, « l’une des plus importantes à l’époque » dans une zone alors sous contrôle de l’Otan, n’a pu « ignorer les appels de détresse émis par leur embarcation », estiment les associations.
Survolée, l’embarcation a été laissée à la dérive
« Il y a eu omission de porter secours à personne en péril. Et leur périple a viré à la tragédie », dénonce l’avocat de ces survivants, Me Stéphane Maugendre, président du Gisti (NDLR : Groupe d’information et de soutien des immigrés). Au final, 63 des 72 migrants, partis de Tripoli le 26 mars 2011 à bord d’un pneumatique de moins de 10 m de long, ont trouvé la mort. Une lente dérive de quatorze jours a ramené le bateau et sa poignée de rescapés, privés de carburant, leur réserve d’eau potable et de nourriture épuisée, sur les côtes libyennes. « Or durant cette période, au moins 38 navires militaires (NDLR : dont 27 français), aux moyens parmi les plus sophistiqués au monde, patrouillaient cette zone », explique Charles Heller, l’un des chercheurs de l’université Goldsmiths de Londres qui a reconstitué la trajectoire de l’esquif.
Fruit d’une enquête d’un an, nourrie d’un récent rapport parlementaire du Conseil de l’Europe sur le drame, la plainte déposée hier établit ainsi que le bateau a été survolé peu après son départ par un avion de patrouille français, qui l’a photographié et signalé aux gardes-côtes italiens. Les SOS des migrants puis les messages de détresse relayés auprès des navires civils et militaires de la zone sont ensuite restés sans réponse. Par deux fois, l’embarcation a été survolée par un hélicoptère. Puis approchée, alors que les cadavres s’entassaient à bord, par un bâtiment type frégate. « Les éléments de preuve existent », ont insisté hier les associations, en dénonçant « le manque de coopération » de l’Otan et des Etats de l’Union européenne alors mobilisés. « La plainte vise aujourd’hui la France, mais des actions en justice dans d’autres pays d’Europe pourraient suivre », préviennent-elles, avec l’espoir que ces démarches « lèvent le voile de l’indifférence ».
* En ligne sur le site de la Fédération internationale des droits de l’homme : www.fidh.org