Drame de l’immigration : colère d’associations après un non-lieu qui blanchit l’armée

  Franck Johannès,

Le cimetière des bateaux sur l'Ile italienne de Lampedusa, en octobre 2013.
Olivier Jobard/MYOP pour Le Monde

Ils étaient 72, dont vingt femmes et deux bébés, à bord d’un Zodiac à la dérive, à la fin du mois de mars 2011, au large de la Libye en pleine guerre civile. Trente-huit bâtiments de guerre, dont nombre de français, croisaient dans les parages dans le cadre de l’opération « Unified Protector » de l’OTAN, quand le Zodiac est tombé en panne.

Les naufragés ont réussi à lancer un message de détresse le 27 mars, relayé toutes les quatre heures par les garde-côtes italiens. Mais ils ont dérivé quinze jours, sans aucun secours : 63 personnes sont mortes de faim et de soif. Deux survivants ont porté plainte à Paris le 18 juin 2012 pour « non-assistance à personne en danger ». La juge Sabine Kheris a estimé, vendredi 6 décembre, qu’il n’y avait pas lieu d’instruire l’affaire, comme l’avait requis le parquet le 15 novembre.

Deux rapports minutieux

La plainte, soutenue par quatre associations (Migreurope, la Fédé­ration internationale des droits de l’homme, la Ligue dés droits de l’homme et le Groupe de soutien aüx travailleurs immigrés, le Gis- ti), était pourtant solidement étayée par deux minutieux rap­ports sur l’affaire, de l’université; de Londres et de la commission des migrations de l’Assemblée européenne. Le 27 mars, un avion français a même pris une photo

du canot avant qu’il ne tombe en panne. Un hélicoptère, de nationa­lité inconnue, a largué des bis­cuits et des bouteilles d’eau avant de disparaître, un navire de guerre a fait plusieurs fois le tour du canot avant de s’éloigner. Une première plainte au parquet de Paris a été classée sans suite après avis du ministère de la défense, qui a indiqué qu’il n’y avait pas de bateaux français dans les parages. Les associations ont déposé une nouvelle plainte, auprès cette fois de la juge d’ins­truction, qui a rendu à son tour vendredi une ordonnance de non- lieu. « On croit rêver, proteste Me Stéphane Maugendre, le prési­dent du Gisti. Le ministère de la défense, principal mis en cause, dit qu’il n’était pas là et on le croit sur parole. Ça ne se passerait jamais comme ça dans un dossier de droit commun. » Les associations ont l’intention de faire appel.

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