AFP, Isabelle Ligner, 04/04/2008
Les possibilités de régularisation par le travail mises en avant par le gouvernement ont suscité chez de nombreux travailleurs sans papiers des espoirs souvent déçus, dénoncent des associations de défense des étrangers et des employeurs, parlant de « double langage » voire de « piège ».
La loi du 20 novembre 2007 permet des régularisations sur présentation d’un contrat de travail, à condition que le recrutement se fasse dans un des « métiers en tension » dont les listes diffèrent pour les ressortissants des 10 pays nouveaux membres de l’Union européenne et pour ceux des pays tiers (listes déclinées par région).
Deux mois et demi après l’entrée en vigueur de ces mesures, le ministère de l’immigration, questionné jeudi à la mi-journée par l’AFP sur un premier bilan de cette loi, a affirmé ne pas tenir à ce stade de comptabilité nationale et n’a pas souhaité faire de commentaire.
« Il est impensable que les chiffres ne soient pas connus par le ministère », assure Stéphane Maugendre, avocat du Gisti, « puisque l’un des buts des mesures de régularisation annoncées est de faire sortir les sans-papiers de l’ombre pour les ficher et éventuellement les expulser comme cela a déjà été pratiqué avec la circulaire Sarkozy » de juin 2006 sur les parents d’enfants scolarisés (moins de 7.000 régularisations sur 30.000 dossiers déposés).
« Des travailleurs sans papiers se précipitent dans mon cabinet tous les jours et veulent aller à la préfecture pour se faire régulariser, nous les mettons en garde », poursuit Me Maugendre, « en leur disant qu’ils peuvent même se faire arrêter au guichet ».
C’est ce qui est arrivé le 14 mars à la préfecture de Meaux (Seine-et-Marne), à un travailleur turc venu déposer une demande de régularisation, soutenu par son employeur et par un avis favorable de la Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP). Placé en rétention, ce sans-papiers avait été libéré par un juge des Libertés.
Mais pour Didier Inowlocki, intervenant au centre de rétention de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour la Cimade, cette affaire est « révélatrice du double langage du gouvernement et de la dimension de piège de ces mesures ». « On fait venir des dizaines de milliers de gens en préfecture mais le nombre de dossiers acceptés est dérisoire », assure-t-il.
Dans sa circulaire du 7 janvier, le ministre de l’immigration, Brice Hortefeux, demandait aux préfets une « diligence particulière » pour les demandes de régularisation déposées par un employeur dans des secteurs « tendus » tout en écrivant que « ce dispositif couvre par définition un nombre très limité de bénéficiaires », les sans-papiers ayant selon lui « vocation à regagner leur pays d’origine ».
La préfecture de Seine-Saint-Denis a communiqué à l’AFP le bilan des deux premiers mois d’application: sur 1.600 demandes de régularisation déposées depuis janvier, pour les ressortissants européens, 285 contrats de travail sont considérés comme entrant dans le champ des dernières mesures et 257 ont été acceptés. Pour les étrangers des pays tiers, 16 contrats de travail ont été enregistrés et seuls quatre ont abouti à la délivrance de cartes de séjour d’un an.
« Le gouvernement ne semble pas se soucier de la survie des PME ou de la croissance puisque depuis deux mois, on oblige au contraire à licencier dans des secteurs comme le BTP où la main-d’oeuvre est déjà très difficile à trouver et nos demandes de régularisation pour des ouvriers bosniaques par exemple, sont délivrés au compte-goutte au gré des pulsions politiques », témoigne sous couvert d’anonymat un recruteur pour un groupement d’employeurs du bâtiment.