Info-Matin, Ch. D. et N. P., 21/07/1995
Pour les associations humanitaires, les charters, c’est inefficace, ça coûte cher et ça fabrique de l’erreur judiciaire. Un comité de vigilance est mis en place.
Une dizaine de représentants d’associations humanitaires et de défense des droits de l’homme (Cimade, Amnesty International, France terre d’asile, Mrap, etc.) se sont réunis hier matin pour élaborer une riposte à la politique d’expulsion collective des « étrangers en situation irrégulière. Quarante-trois Zaïrois ont ainsi été refoulés manu militari ce mardi dans un Airbus d’Air Charter.
Il s’agit de la quatrième expédition gouvernementale de ce genre depuis décembre 1993. Une procédure amenée à se développer, puisque le ministre de l’Intérieur a promis «un charter par semaine». Les associations ont installé hier un comité de vigilance pour contrer cette initiative.
Militants et avocats se sont mis d’accord pour «réunir le maximum d’informations sur ces opérations et établir un rapport». Autre riposte prévue : demander à une organisation non gouvernementale, comme Human Rights Watch ou la Fédération internationale des droits de l’homme, de mener une mission en France. Une autre possibilité serait une demande d’enquête parlementaire. Objectif : démontrer que l’expulsion massive et en urgence d’étrangers en situation irrégulière multiplie les risques de bavure. Pour preuve : le cas d’une mère zaïroise et de ses deux enfants qui ont failli être expulsés en toute illégalité : «On utilise des procédures en les détournant de leur but initial», s’insurge Stéphane Maugendre, avocat et membre du Groupement d’information et de soutien des travailleurs immigrés.
Un autre exemple : des réfugiés auraient été refoulés, alors qu’ils attendaient une réponse à leur demande d’asile. C’est sur des cas individuels que les associations entendent engager des procédures : «Nous voulons vérifier que la législation a été respectée», assure Jean-Jacques Massard, directeur de France terre d’asile. En attendant, les rumeurs de départ d’un nouveau charter continuent de circuler.
Dernier argument des opposants : les charters ne permettent guère de faire monter de façon significative les reconduites à la frontière. Et, de plus, ça coûte cher : Paris-Kinshasa en A320 revient à 36 000F l’heure (durée du trajet : 9 heures). Le prix de la dissuasion « musclée »…