Piotr Smolar, 22/02/2003
En trois semaines, deux étrangers escortés sont morts au cours de reconduites à la frontière.
S’il y a bien un corps policier où la fameuse « culture du résultat », voulue par Nicolas Sarkozy, place les fonctionnaires dans une situation impossible, c’est la police aux frontières (PAF). Son bilan statistique ? Il est mauvais. Sur les quelque 40 000 mesures d’éloignement prononcées chaque année, le taux de reconduite est inférieur à 20 %.
La pression ministérielle est donc montée depuis quelques mois, plaçant les policiers de la PAF devant un dilemme : comment embarquer de force davantage d’étrangers expulsables sur des lignes régulières sans multiplier les risques de dérapage ?
En trois semaines, deux personnes sont mortes alors qu’elles étaient escortées et placées dans l’avion du retour. Le 30 décembre, un Argentin de 52 ans, Ricardo Barrientos, décédait d’une crise cardiaque a l’aéroport de Roissy. L’autopsie a conclu à une mort naturelle. Le 18 janvier, Mariame Getu Hagos, un Éthiopien de 24 ans, devait être reconduit sous escorte à bord d’un vol en direction de l’Afrique du Sud. Ses protestations ont incité les policiers à utiliser ce qu’ils nomment les « gestes techniques d’intervention », afin de le maîtriser et le réduire au silence : en somme, ils l’ont maintenu compressé, assis, le visage contre les genoux. Trop longtemps. Hospitalisé dans le coma, le jeune homme est décédé. «Ces deux morts ne sont pas le fruit du hasard, assure Me Stéphane Maugendre, responsable du Groupe d’information et de soutien aux immigrés (Gisti). On a demandé aux policiers de faire du chiffre. Pour la PAF, ça signifie reconduire plus sévèrement. »
3 OOO REFUS d’embarquement
Suivant les recommandations d’un rapport de l’inspection générale des services (IGS) et désireux de sanctionner à titre d’exemple, Nicolas Sarkozy a mis à pied les trois policiers impliqués jusqu’à l’issue de l’enquête judiciaire. Par ailleurs, le ministère de l’intérieur peaufine actuellement des aménagements dans le mode d’intervention des policiers de la PAF, qui a dû gérer, en 2002, près de 3 000 refus d’embarquement, selon les chiffres de la direction générale de la police nationale.