INTÉRIEUR – Un grand discours, avec de nombreuses annonces. Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a esquissé mardi 31 juillet devant les préfets ses priorités pour les mois à venir, et notamment pour la rentrée de septembre, avec un mélange de fermeté et d’ouverture.
IMMIGRATION (1) : échange garde à vue contre rétention
La Cour de cassation a annulé la garde à garde à vue des clandestins? Qu’à cela ne tienne, Manuel Valls la remplacera par de la ..rétention. Annoncé pour la fin octobre, ce projet de loi permettra de retenir pendant douze heures des immigrés clandestins. « C’est essentiel pour l’efficacité de notre politique d’éloignement », a-t-il insisté.
Le 5 juillet, la Cour avait décidé que conformément à la législation européenne, il était désormais illégal de placer des clandestins en garde à vue (24 heures renouvelables une fois), pour le seul motif de séjour irrégulier. Les policiers ne disposaient donc plus que des quatre heures d’un contrôle d’identité ou d’une audition libre pour engager la procédure préalable à une éventuelle expulsion. Cette décision de la Cour de cassation concernait 60.000 personnes par an, selon les associations de défense des sans-papiers.
Cette annonce fait suite aux inquiétudes manifestées à droite, notamment par Eric Ciotti. Le député UMP avait dit lundi avoir constaté « un effondrement de près de la moitié des reconduites à la frontière depuis le mois de mai ». Mais Manuel Valls s’était défendu de tout laxisme, en expliquant que la chute du nombre de reconduites était due “à la nouvelle donne sur les gardes à vue ».
L’annonce de Manuel Valls risque de décevoir les associations d’aide aux étrangers, comme la Cimade, qui espérait la mise en place d’ »une nouvelle mesure de pré-rétention administrative (…) pendant une durée de huit à dix heures maximum ». « Ce qu’on peut craindre c’est que le législateur invente une procédure d’exception, dérogatoire au droit commun », avait mis en garde Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti). Contactée par le Huffington Post, la Cimade a déclaré ne pas pouvoir réagir pour l’instant, car elle ne disposait pas de tous les détails de la nouvelle mesure.
IMMIGRATION (2) : Simplifier la naturalisation, mieux accueillir les étrangers, lutter contre la fraude
Même fermeté contre la fraude. Le ministre de l’Intérieur souhaite que soit menée « une action résolue contre la fraude documentaire et les filières de travail clandestin ». Une circulaire sur les critères de régularisation des sans-papiers sera transmise aux préfets à la rentrée.
Mais si Manuel Valls serre la vis contre l’immigration clandestine, il semble en revanche vouloir améliorer les conditions de l’accueil des étrangers en préfecture. Le ministre de l’Intérieur a en effet demandé à l’Inspection générale de l’administration (IGA) un audit sur ce point, qui révoltaient nombre d’associations.
Enfin, ayant visiblement à cœur d’illustrer ce mélange de “fermeté et de justice”, il a confirmé vouloir simplifier la naturalisation, « terme logique d’un parcours d’intégration réussi ». L' »entretien d’assimilation » ne se fera plus « par questionnaire à choix multiples mais par le bais d’un dispositif permettant d’évaluer au mieux l’insertion des personnes dans la société française. » « Il vous sera diffusé pour la fin de l’été un support permettant de tenir valablement les entretiens d’assimilation » et qui « aura vocation à témoigner de la capacité à adhérer à la communauté nationale et aux valeurs de la République », a dit Manuel Valls.
SÉCURITE : 15 zones prioritaires “dès septembre”
C’était une promesse de campagne de François Hollande. Rappelez-vous, c’était le point numéro 52 de ses “60 engagements”:
“Je mettrai en oeuvre une nouvelle sécurité de proximité assurée par la police dans nos quartiers et la gendarmerie dans les territoires ruraux. Je créerai des zones de sécurité prioritaires où seront concentrés davantage de moyens. Je doublerai le nombre de centres éducatifs fermés pour les mineurs condamnés par la justice en les portant à 80 durant le quinquennat. Je créerai, chaque année, 1000 postes supplémentaires pour la justice, la police et la gendarmerie.”
Cet engagement est aujourd’hui chiffré: entre 50 et 60 “zones de sécurité prioritaire (ZSP), “définies en fonction de critères objectifs de gravité” doivent être mises en place en un an, dont les quinze premières à compter de septembre prochain. Une circulaire a déjà été signée et doit être prochainement adressée aux préfets sur la mise en place de ces zones. Il s’agit, comme l’avait rappelé le ministre en juin, de « mettre en place une action de sécurité renforcée sur des territoires bien ciblés, caractérisés par une délinquance enracinée et de fortes attentes de la population ». « L’idée, c’est de mettre le paquet là où il faut, pour ce qu’il faut, avec souplesse, adaptation », avait-il résumé.
Impossible de connaître pour l’instant les lieux où seront définies ces 15 zones, qui doivent être mises en place mises en place après « analyse fine des données statistiques et qualitatives de la délinquance ». Ce que l’on sait, c’est qu’elles « ne couvriront pas forcément des espaces homogènes et pourront concerner les cités sensibles (épisodes récurrents de violences urbaines), des centres-villes dont la physionomie est dégradée (par) des nuisances diverses, ou des zones péri-urbaines ou rurales ». Elles devront aussi correspondre à des territoires “ciblés” dans lesquels “des actes de délinquance ou d’incivilités sont structurellement enracinés ». Figurent notamment, parmi eux, « l’économie souterraine, les trafics de stupéfiants et d’armes, les violences acquisitives, les cambriolages, les regroupements dans les parties communes d’immeubles d’habitation, les nuisances de voie publique et autres incivilités ».
Les zones suivantes seront proposées par les préfets, qui s' »appuieront sur l’expérience acquise lors de cette première phase », leur a dit le ministre, qui se déplacera « au cours de la première quinzaine de septembre dans plusieurs de ces ZSP », a-t-il ajouté. Toutes les unités, y compris celles de police judiciaire ou les GIR, « concourront aux ZSP ».
ROMS : respecter les décisions de justice
C’est une déclaration faite en marge de la conférence aux préfets mais qui là encore dessine le subtil mélange de fermeté et d’ouverture qui caractérise la politique du ministre de l’Intérieur. Interrogé sur Europe 1 sur les campements de Roms, Manuel Valls a affirmé que les démantèlements de campements de Roms se poursuivront « chaque fois qu’il y a une décision de justice » en ce sens. “Les choses sont simples. Oui, quand il y a une décision de justice, il y aura démantèlement de ces campements ». « Je ne peux pas admettre (…) que dans ces campements, qui accueillent parfois des centaines de personnes dans la chaleur de l’été, il y ait des problèmes sanitaires insupportables », a-t-il ajouté. « Chaque fois qu’il y a une décision de justice, chaque fois que les propriétaires de ces terrains, qui sont souvent des collectivités territoriales, en font la demande, il y aura ces démantèlements. C’est une politique à la fois ferme et respectueuse du droit », a conclu Manuel Valls.
Intervenant devant le Sénat la semaine dernière, le ministre de l’Intérieur s’était dit « inquiet de la concentration dans une série de campements » et avait annoncé des « décisions de démantèlement ». Ces annonces ont inquiété les associations de soutien aux Roms, qui ont estimé que les expulsions sans solution de relogement ne faisaient que déplacer le problème.
CAMBRIOLAGES, VIOLENCES ET TRAFIC D’ARMES : les bons conseils de Manuel Valls
Pas de satisfecit. Alors que les cambriolages et les agressions contre les personnes, notamment les vols de bijoux, connaissent une hausse importante depuis plusieurs mois, Manuel valls a demandé aux préfets de redoubler d’attention. Le ministre de l’Intérieur en a profité pour prodiguer quelques conseils aux préfets, leur recommandant de s’appuyer sur “la police technique et scientifique, l’analyse des données cartographiques et l’échange d’informations entre les services ».
Le ministre a insisté sur la lutte contre les trafics d’armes qui doit selon lui rester “un axe de travail majeur ». Et là encore il a enjoint les préfets à « veiller à la mise en œuvre des mesures d’inscription au fichier des interdits d’acquisition ou de détention d’armes ».