« On veut que la justice fasse son travail », martèle Arezki Semache, vendredi 3 février, auprès du « Nouvel Observateur ». Il ne manquera pas de le rappeler, lundi 6 février à 14h30, lors d’une conférence de presse à Argenteuil. Le 11 juin 2009, son ami, Ali Ziri, 69 ans, du même village que lui en Kabylie, a trouvé la mort deux jours après avoir été interpellé lors d’un contrôle routier.
Deux expertises médicales établissent un lien entre le décès et la technique de maîtrise utilisée alors par la police, et un rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) fait part d’une interpellation « particulièrement violente. » Mi-décembre, le parquet de Pontoise a requis un non-lieu, et le juge d’instruction doit maintenant décider ou non d’un renvoi devant le tribunal.
« Ali Ziri, 69 ans, mort (…) suite à son interpellation par la police nationale »
Arezki Semache fait partie du collectif « Vérité et justice pour Ali Ziri », dont l’objectif est de « faire toute la lumière » sur le décès de cet homme qui « a vécu 50 ans à Argenteuil sans faire la moindre vague ». Ce collectif regroupe « dans les 150 personnes. »
Une trentaine d’entre eux, « très engagés », s’est réunie jeudi 2 février pour « parler de la plaque. » Une plaque commémorative gravée des mots suivants : « Ali Ziri, 69 ans, mort le 11 juin 2009, suite à son interpellation par la police nationale, ici même », et apposée le 14 janvier dernier à l’angle des rue Jeanne-d’Arc et Antonin-Georges-Belin à Argenteuil. Elle n’y sera pas restée trois semaines. Mardi 31 janvier, elle a été retirée par la municipalité, après injonction du préfet et pressions de syndicats de police l’estimant « diffamatoire. »
« Nous étions totalement choqués par la relation entre le décès de cette personne et son interpellation par la police alors même que rien n’est démontré », explique au « Nouvel Observateur » le secrétaire général du syndicat SGP Unité Police FO Nicolas Comte. Partant du principe que la plaque était « une atteinte à la présomption d’innocence », assure aussi le directeur de cabinet du préfet du Val-d’Oise Gilles Prieto, le préfet a demandé son retrait.
« Le contexte actuel de l’élection présidentielle n’y est peut-être pas pour rien »
« Nous ne comprenons pas et regrettons cette volte-face de la municipalité », rétorque Arezki Semache, dont le collectif veille à ne pas accabler la mairie, qui « n’a fait qu’appliquer la demande du préfet et a vraisemblablement été victime de pressions en haut lieu ». Le collectif, qui s’exprimera aussi à ce sujet lundi après-midi, « aurait aimé attendre la décision du tribunal administratif, seule juridiction compétente » à ses yeux. Mais il n’a pas été saisi.
« Le contexte actuel de l’élection présidentielle n’est peut-être pas pour rien dans le fait que la mairie ait finalement accepté les injonctions du ministère de l’Intérieur », assure de son côté au « Nouvel Observateur » l’avocat de la famille d’Ali Ziri, Stéphane Maugendre (avocat), pour lequel il « semble clair » que le préfet n’a fait qu’exécuter la demande du ministre de l’Intérieur Claude Guéant.
Atteinte à la présomption d’innocence et/ou diffamation ?
Le caractère diffamatoire de l’inscription ou son atteinte à la présomption d’innocence font débat. Certains y voient un « incontestable lien de causalité » impliquant un caractère diffamatoire, d’autres non. « Elle ne peut pas constituer une atteinte à la présomption d’innocence », assure l’avocat en droit de la presse Richard Malka, « car il n’y a pas d’imputation directe du décès aux policiers. » Celui qui rappelle qu’il est établi que « le décès est intervenu après le contrôle », estime que « le manque de précision de l’inscription » ne pourrait pas non plus relever de la diffamation.
Son confrère marseillais Nicolas Courtier n’y voit pas non plus une atteinte à la présomption d’innocence, « car la plaque ne parle pas directement d’une infraction ». Contrairement à Me Malka, Me Courtier n’exclut pas « un risque de qualification de diffamation par insinuation » dans la mesure où « sont rapprochés dans une phrase très courte le contrôle de police et le décès. »
Quoiqu’il en soit, s’il semble particulièrement affecté par le retrait de cette plaque, Arezki Semache affirme ne pas vouloir accorder trop d’importance à un « bout de ferraille », au regard du « décès d’un homme » dont, à ses yeux comme à ceux du collectif, les circonstances ne sont pas claires. « Nous souhaitons que les trois policiers présents lors de l’interpellation soient entendus par un juge d’instruction » martèle l’avocat de la famille d’Ali Ziri, ajoutant qu’il a aussi demandé « une reconstitution en présence des experts » et « l’audition de l’ensemble des témoins », ce qui « lui a été refusé. »
Une conférence de presse et une manifestation
Stéphane Maugendre (avocat) regrette également que, lors de son réquisitoire, le procureur ne soit pas revenu en détails sur le moment clé entre l’interpellation et l’arrivée au commissariat : « quand la technique de maîtrise dite ‘de pliage’ a été pratiquée. »
« Nous attendons avec beaucoup d’attention la décision du juge » confie aussi Arezki Semache, qui évoque avec émotion son « ami Ali, un homme très discret, comme tous les ‘chibani’, ces vieux immigrés qui ne posent problème à personne et ne veulent jamais déranger. »
Le collectif, qui a déjà organisé une quinzaine de rassemblements pour Ali Ziri, en a prévu deux de plus : au-delà de la « conférence de presse » ce lundi après-midi, une manifestation jusqu’à la « sous-préfecture » est prévue samedi 11 janvier pour « demander que toute la lumière soit faite sur le décès. »
Également contacté par « Le Nouvel Observateur », le ministère de l’Intérieur n’était pas disponible pour l’instant.
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