Pendant la campagne présidentielle, la question de l’immigration avait paralysé le Parti socialiste, qui n’osait prêter le flanc aux critiques de la droite. Hier, Manuel Valls a rendu publique une circulaire sur les sans-papiers, globalement timorée et dans le prolongement de la politique de Claude Guéant. Il aura fallu six mois pour achever les négociations sur ce texte, entamées sous le gouvernement précédent. « Et franchement ce n’est pas la révolution », résume Stéphane Maugendre, du Gisti.
L’œil de valls louche aussi sur les compteurs
On nous avait promis l’abandon de la politique du chiffre ? En fait, Manuel Valls garde l’œil sur les compteurs : il n’y aura pas plus de 30 000 régularisations par an et, en 2012, le record d’expulsions de 2011 (33 000 reconduites à la frontière) sera battu.
Pour Brigitte Wieser, membre du Réseau Éducation sans frontières (RESF), ces objectifs chiffrés visent à donner des gages à la frange la plus droitière de la majorité. « On se demande comment ils se limiteront à 30 000 régularisations. Car la circulaire devrait créer un appel d’air et mécaniquement augmenter le nombre de ces régularisations », souligne-t-elle. « Une circulaire n’est pas du droit, rappelle Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti. Des sans-papiers peuvent parfaitement rassembler les critères, arriver dans une préfecture et se voir signifier une obligation à quitter le territoire. »
Sur le papier, toutefois, la circulaire desserre un peu l’étau. Au lieu de dix ans, il faudra à présent justifier de cinq ans de présence sur le territoire. Pour les familles avec enfants, il faudra en plus avoir scolarisé les enfants pendant au moins trois ans. Pour les travailleurs, il faudra également fournir douze fiches de paie sur les deux dernières années. « Pourquoi des critères cumulatifs ? » s’interroge Brigitte Wieser de RESF. « La question des trois ans de scolarité élimine les enfants en bas âge qui ne sont pas encore scolarisés », déplore-t-elle. Et la protection des familles ainsi que la mise en place de mesures concrètes pour empêcher leur démembrement ne sont toujours pas à l’ordre du jour.
Raymond Chauveau, coordinateur CGT du mouvement des travailleurs sans papiers, déplore de son côté la persistance de cette barre des cinq ans. « Autrement dit, pendant cinq ans, les travailleurs pourront être exploités au noir », souligne-t-il. Enfin, de leur côté, les jeunes majeurs devront justifier d’au moins deux ans de présence au jour de leurs dix-huit ans et d’un parcours scolaire « assidu et sérieux ».
De la garde à vue à la rétention administrative
Reste la question de l’application concrète de ce texte. « Systématiquement, les critères de régularisation ne sont pas inscrits dans la loi. De cette manière, les institutions conservent une part d’arbitraire », pointe Stéphane Maugendre, du Gisti. Deux réformes sont actuellement en cours. La première remplacera la garde à vue des sans-papiers par une rétention administrative de seize heures. Près de 60 000 immigrés, qui passaient chaque année par la case prison, sont concernés par ce nouveau dispositif, dénoncé par les associations comme un régime d’exception, là où la garde à vue donnait droit à un médecin, un interprète et un avocat. Un second texte de loi, examiné au Parlement début 2013, devrait créer un titre de séjour de trois ans (au lieu de celui d’un an trois fois renouvelable).
Roms délogés
Un campement a été évacué hier matin à Saint-Martin-le-Vinoux, dans la banlieue de Grenoble. À la suite d’un entretien avec des travailleurs sociaux, 85 personnes, des familles avec enfants, ont été relogées dans un centre d’hébergement d’urgence à Grenoble et dans une quinzaine d’Algeco installés à Fontaine. « La scolarisation des enfants fera l’objet d’une attention particulière en liaison avec les maires », souligne la préfecture qui précise que l’évacuation a été menée en collaboration avec le centre d’action sociale de Grenoble et les associations.