Archives de catégorie : reconduite à la frontière et OQTF

Procès pour « pliage » d’un expulsé

Actualités Politique, Monde, Economie et Culture - L'Express Anne-Laure Pham , 

Jeudi, une peine avec sursis a été requise contre deux des trois policiers de la police aux frontières jugés à Bobigny pour avoir causé la mort d’un Ethiopien lors de son expulsion en janvier 2003 à Roissy Charles-de-Gaulle. Verdict le 23 novembre

Le 16 janvier 2003, sur le vol Paris-Johannesburg, Getu Hagos Mariame, 24 ans, hurle, se débat pour ne pas être expulsé. Les policiers décident d’utiliser la technique dite du « pliage » qui consiste à faire pression sur le haut des cuisses, à faire céder la hanche en appuyant avec le corps, afin que la tête soit sur les genoux. Quelques instants plus tard, le jeune homme éthiopien n’a plus de pouls. Transporté dans le coma, il meurt le lendemain. L’autopsie conclut que le « pliage » a provoqué une compression de la carotide.

Condamnation de principe

Les trois policiers qui l’avaient escorté, Axel Dallier, Merwan Khelladi et David Tarbouriech, âgés de 26 à 32 ans, ont été jugés jeudi pour « homicide involontaire ». Suspendus pendant dix mois, ils ont depuis été réintégrés dans un autre service de la police aux frontières. Pour Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille – absente au procès, les policiers « sont allés plus loin que la force strictement nécessaire ».

Sans préciser de peine, la procureure a demandé la condamnation de principe d’Axel Dallier, le chef d’escorte, et de Merwan Khelladi. Elle a toutefois considéré « qu’ils n’avaient pas transgressé le règlement » en pratiquant le « geste de compression » à l’origine de ce décès qu’elle a qualifié de « marginal » au regard des 14 000 reconduites effectuées chaque année à l’époque à Roissy.

« Calme et professionnalisme »

L’avocate d’un policier a quant à elle évoqué « le calme et le professionnalisme des trois agents face à un personnage qui va se déchaîner », parce que « il n’a plus rien à perdre ». « A aucun moment, je n’ai pensé que le pliage (du corps au niveau du bassin) pouvait tuer », a souligné Axel Dallier, qui nie s’être assis sur la victime comme l’affirment trois témoins, membres du personnel de bord.

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a depuis recommandé l’abandon de ce geste de « pliage » enseigné à l’école de police. « Depuis ce drame, des consignes écrites ont été établies et on a revu la formation des policiers d’escorte qui était, il faut le dire, lacunaire », a noté la procureure. « Un homme est mort, loin de chez lui, entre les mains de la police française et j’aurais aimé juste un seul mot pour le papa et la maman de M. Hagos », a conclu Me Maugendre (avocat).

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Sursis requis contre les policiers à l’origine de la mort d’un Ethiopien

20minutes.fr 

Le parquet a requis hier une peine avec sursis pour deux des trois policiers de la police aux frontières, renvoyés devant le tribunal correctionnel de Bobigny. Ils sont accusés d’avoir involontairement causé la mort d’un Ethiopien, lors de son expulsion en janvier 2003 à Roissy. Alors qu’il se débattait, Getu Hagos Mariame, 24 ans, avait fait un malaise dans la nuit du 16 au 17 janvier 2003, avant le décollage de son avion, en raison de la forte pression des policiers pour le tenir plié sur son siège, la tête sur les genoux. Transporté dans le coma, il était mort le 18 janvier. Le procureur, Nadine Perrin, a demandé la condamnation de principe d’Axel Dallier, le chef d’escorte, et de Merwan Khelladi, mais a considéré qu’ils n’avaient pas transgressé le règlement « en pratiquant ce geste de compression ». Elle n’a pas demandé de peine précise, s’en remettant à l’arbitrage du tribunal. Jugement le 23 novembre.

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Expulsé décédé à Roissy : sursis requis

Getu Hagos Mariame, 24 ans, est décédé lors de son expulsion en 2003. Les agents de la Police aux frontières « ont été négligents ou maladroits ».

Le procureur de la République de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a requis jeudi 28 septembre de l’emprisonnement avec sursis, sans en préciser la durée, contre deux policiers et la relaxe d’un troisième poursuivis pour homicide involontaire à la suite du décès d’un Ethiopien de 24 ans (que les autorités avaient d’abord dit somalien), embarqué de force dans un avion en janvier 2003.
Le jugement a été mis en délibéré au 23 novembre.
Les deux premiers fonctionnaires de la Police aux frontières (PAF) « ont été négligents ou maladroits », a assuré l’accusation en estimant que leurs gestes ont conduit au décès de Getu Hagos Mariame. Ce dernier était arrivé le 11 janvier 2003 d’Afrique du Sud. Le 16, sa demande d’asile étant rejetée, il doit être ré-embarqué dans un vol d’Air France à destination de Johannesburg.

Mais l’homme refuse son retour, simule deux malaises en zone d’attente de l’aéroport de Roissy. De force, il est embarqué à l’arrière de l’avion avant les passagers, entre Axel Daillier, 26 ans, chef d’escorte, et Merwan Khellady, 32 ans. Le troisième fonctionnaire, David Tarbouriech, 28 ans, fait face sur la rangée précédente.« Déporté accompagné »Le « déporté accompagné », c’est ainsi qu’on les appelle, hurle, se débat. Pour le forcer à rester calme, Axel Daillier le maintient plié en deux sur son siège, Merwan Khellady tient les menottes, lui entravant les mains dans le dos. David Tarbourieh lui appuie sur la tête de temps en temps pour l’empêcher de se relever mais fera surtout le « tampon », comme il l’a expliqué, avec les passagers.

Getu Hagos Mariame serait resté dans cette position une vingtaine de minutes. Selon l’expertise médicale, cette position pliée a entraîné son décès par manque d’oxygénation. Depuis ce drame, cette « technique du pliage » est interdite.

« J’ai appliqué les consignes. On n’avait aucune formation. La consigne de ‘pliage’ était celle à faire lorsqu’un individu se rebellait », a expliqué Axel Daillier. A l’époque des faits, il était à la PAF depuis trois ans et avait déjà effectué une trentaine d’escortes.

Brusquement, le passager se calme. Leur première réflexion est qu’il simule un malaise. Mais bien vite, ils s’aperçoivent qu’il est victime d’un malaise. Le Somalien décédera à l’hôpital.

« Trois semaines pour digérer tout cela »

Pour l’accusation, il ne fait aucun doute que les gestes de Daillier et Khellady, doublé d’une « formation lacunaire », ont entraîné le décès de la victime.

L’avocat de la partie civile, Me Stéphane Maugendre, a estimé que les trois hommes sont allés au-delà de l’usage de la force strictement nécessaire. Et regretté qu’ils n’aient pas eu un mot à l’audience pour les parents de la victime qu’il représente.

Les trois hommes n’ont pas exprimé de regrets. « On ne peut qu’être affecté », a déclaré David Daillier. « C’est quand même assez troublant de vivre avec cela », a ajouté Merwan Khellady tandis que David Tarbouriech assurait qu’il lui avait fallu « trois semaines pour digérer tout cela ».

La défense a plaidé la relaxe. Pour Me François Cornette de Saint-Cyr, avocat de Tarbouriech, ils n’ont « fait que leur devoir », sans excès de « zèle ». Me Georges Holleaux, avocat de Merwan Khellady, a plaidé que ces policiers n’avaient pas de règles écrites en cas de reconduite. Depuis ce drame, elles existent. Après le drame, les trois fonctionnaires avaient été suspendus dix mois, avant d’être réintégrés. (AP)

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A Bobigny, le procès du «pliage» des expulsés

  Didier Arnaud

Trois policiers sont accusés d’homicide involontaire après la mort de Mariame, 24 ans, lors de son renvoi.

La technique du «pliage», utilisée par la PAF (police aux frontières), a-t-elle été fatale à Getu Hagos Mariame, 24 ans, en janvier 2003 ? Ce geste est utilisé par les policiers lorsqu’ils veulent maintenir quelqu’un assis. Il s’agit de faire pression sur le haut des cuisses et de plier la hanche en appuyant avec son corps. La tête est alors sur les genoux. Axel Dallier, chef d’escorte, Merwan Khelladi et David Tarbouriech, âgés de 26 à 32 ans, ont «plié» Mariame en le raccompagnant dans l’avion pour Johannesburg, en Afrique du Sud. Il est mort quatre jours après sa tentative de reconduite. Les policiers comparaissaient hier devant le tribunal de Bobigny pour «homicide involontaire».

«Une force incroyable».

Le 16 janvier, le jeune homme d’origine éthiopienne ­ les autorités l’avaient d’abord dit somalien ­ est très agité lorsque les trois policiers l’accompagnent. Il gesticule, hurle, en anglais, qu’il ne veut pas rentrer, qu’il «préfère mourir». Mariame réussit à libérer son bras. A ce moment-là, les fonctionnaires le «plient». Tarbouriech : «Je l’empêchais de tourner la tête pour que le collègue ne se fasse pas mordre, il paraissait en bonne santé, il avait une force incroyable.» Khelladi : «A aucun moment nous ne l’avons complètement plié en deux, c’était une lutte perpétuelle pour le maintenir.» Le personnel de bord a d’autres perceptions. Le steward a vu un policier «assis» sur l’Éthiopien. Le «chef-avion» a aperçu un policier assis au niveau de ses épaules et un autre à hauteur des fesses, lui couvrant la bouche. Une hôtesse parle d’un «coup de genou».

A 23 h 40, brusquement, Mariame cesse de s’agiter et de crier. «Il n’y avait plus rien au niveau des menottes, il fallait faire vite», dit un des policiers. Il a les pupilles dilatées, plus de pouls. Les secours l’emportent. L’autopsie conclura que le maintien de la tête pliée sur les genoux a provoqué une compression de la carotide. Déjà, l’après-midi, il avait fait un malaise. «Simulé», dit le médecin de l’aéroport, ajoutant que le patient était «capable de se faire du mal pour ne pas repartir». Dallier se défend : «A aucun moment je ne pensais que [le pliage] pouvait tuer quelqu’un.» Me Maugendre, avocat de la partie civile, regrette : «Un homme est mort loin de chez lui des mains de la police française, j’aurais aimé juste un seul mot pour les parents de M. Mariame.»

Maladroits.

Pour la procureure, les policiers n’ont pas transgressé un règlement mais ont été négligents et maladroits. Elle a demandé une peine de prison avec sursis pour deux des policiers, pas pour Tarbouriech. Après ce drame, la formation des escortes a été revue. Ils doivent désormais tenir compte du comportement des reconduits et, le cas échéant, abandonner si ceux-ci se mettent en danger. Le «pliage» est interdit. Jugement en délibéré au 23 novembre.

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Mort pour avoir refusé d’embarquer

Accueil  Émilie Rive , 28/09/2006

En 2003, un jeune Éthiopien est décédé lors de son embarquement forcé à Roissy. Trois policiers de l’air et des frontières répondent de sa mort.

Mariame Getu Hagos a vingt-quatre ans quand il arrive à Roissy, le 11 janvier 2003, en provenance d’Afrique du Sud. Le refus du ministère de l’Intérieur d’accepter le dépôt d’une demande d’asile intervient le 15. Qu’il soit présenté, ensuite, comme somalien alors qu’il est éthiopien en dit long sur l’attention portée à son cas. Le lendemain, il est conduit par la police de l’air et des frontières dans un vol d’Air France pour Johannesbourg à 23 h 55. Perte de connaissance, arrêt cardio-respiratoire, réanimation, transfert à l’hôpital Robert-Ballanger de Villepinte (Seine-Saint-Denis). Il y meurt le 18 janvier.

Le rapport d’autopsie est net. La mort est « consécutive à un arrêt cardio-respiratoire, dû à un appui marqué cervical, avec compression bilatérale des carotides par flexion forcée de la tête sur le cou par appui droit du sommet du crâne… » Outre les lésions « traumatiques de contention et de maintien aux poignets et aux avant-bras », l’examen externe du corps fait apparaître d’autres lésions, à l’abdomen, sur les cervicales et l’arrière du crâne.

Autant dire que la mort de ce jeune homme qui refusait d’embarquer n’était pas naturelle. Plié en deux sur son siège, il a été maintenu le visage écrasé contre ses genoux beaucoup trop longtemps. Sans doute une vingtaine de minutes. Les médecins du SAMU de l’aéroport avaient fait état dans leur rapport d’un jeune homme « très excité » qui avait simulé des malaises. La Direction générale de la police expliquait que les policiers étaient souvent confrontés « à des attitudes violentes de la part de personnes récalcitrantes ».

Le 22 janvier, les trois gardiens de la PAF, dont le plus haut gradé et plus ancien dans le service avait vingt-deux ans, et qui assuraient « l’escorte » étaient suspendus, une enquête de l’inspection générale de la police et une enquête judiciaire diligentées. Des associations, dont l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), portaient plainte et se constituaient partie civile. Le 23, Nicole Borvo, sénatrice communiste, saisissait la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Mariame Getu Hagos était le deuxième mort au cours d’un refus d’embarquement en quinze jours. Le procès des trois policiers s’ouvre, cet après-midi, devant la 14e chambre du tribunal de Bobigny à 13 heures.

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Des hommes de la PAF jugés pour la mort d’un expulsé

28/09/2006

MÊME JOUR, même tribunal mais devant d’autres magistrats, trois autres policiers seront cet après-midi face aux juges pour répondre de la mort, dans des circonstances troubles, d’un jeune clandestin éthiopien, le 18 janvier 2003 à Roissy.

 Ces trois policiers de la police de l’air et des frontières (PAF), aujourd’hui suspendus, sont jugés pour « manquement à une obligation de sécurité et de prudence ayant involontairement entraîné la mort » de Mariame Getu Hagos, cet Ethiopien de 24 ans qu’ils escortaient lors de son expulsion. En novembre 2003, le juge d’instruction saisi du dossier les avait mis en examen pour « homicide involontaire », et la famille du jeune homme dénonce toujours les violences dont il aurait été victime jusqu’à sombrer dans le coma et succomber, peu après son transport à l’hôpital. Il avait refusé d’embarquer et, selon les policiers qui contestent tout dérapage, venir à bout de sa « très forte résistance » aurait demandé des méthodes des plus musclées : les jambes entravées par des bandes Velcro, menotté, puis maintenu de force sur le siège d’avion où il se débattait, Getu Hagos aurait subi de trop fortes pressions sur les genoux voire sur la tête et le thorax. Selon des témoins, deux des policiers d’escorte se seraient même assis sur le corps du jeune homme. Eux le contestent toujours, n’admettant que la « coercition ».

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a quant à elle estimé, dans son rapport annuel, que l’Ethiopien avait « subi des violences qui l’ont plongé  dans le coma ».

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Sursis requis à l’encontre de policiers de la PAF jugés pour « homicide involontaire » d’un sans-papiers

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Les faits remontent à janvier 2003. Alors qu’il se débattait pour ne pas être expulsé, Getu Hagos Mariame, 24 ans, a été victime d’un malaise, dans la nuit du 16 au 17 janvier, juste avant le décollage de son avion à l’aéroport de Roissy, en raison de la forte pression exercée par les policiers pour le tenir plié sur son siège. Transporté dans le coma, il était mort le lendemain.

Les trois policiers qui l’escortaient étaient jugés, jeudi 28 septembre, pour « homicide involontaire » par le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis). L’accusation a requis une peine avec sursis contre deux des trois policiers, âgés de 26 à 32 ans. Le jugement a été mis en délibéré au 23 novembre.

Pour l’avocat des parents de la famille, absente, les policiers « sont allés plus loin que la force strictement nécessaire » car « il y avait urgence à expulser M. Hagos », débarqué le 11 janvier à Roissy et qui venait d’essuyer un refus d’asile politique. En cas de défèrement de M. Hagos devant le tribunal pour refus d’embarquer, « il y avait un risque de nullité », a plaidé Me Stéphane Maugendre, expliquant que le jeune homme n’avait pas été présenté dans le délai prévu par la loi à un juge des libertés et de la détention.

Sans le suivre dans ce raisonnement, la procureure, Nadine Perrin, a demandé la condamnation de principe d’Axel Dallier, le chef d’escorte, et de Merwan Khelladi. Elle a toutefois considéré qu’« ils n’avaient pas transgressé le règlement » en pratiquant le « geste de compression » à l’origine de ce décès qu’elle a qualifié de « marginal » au regard des 14 000 reconduites effectuées chaque année, à l’époque, à Roissy. La magistrate n’a cependant pas demandé de peine précise, s’en remettant à l’arbitrage du tribunal.

« J’AURAIS AIMÉ JUSTE UN SEUL MOT POUR LE PAPA ET LA MAMAN DE M. HAGOS »

Dans sa plaidoirie, l’avocate d’un policier a évoqué « le calme et le professionnalisme des trois agents » – qui ont été suspendus pendant dix mois avant d’être réintégrés dans un autre service de la PAF – face à « un personnage qui va se déchaîner », parce qu’« il n’a plus rien à perdre ». « A aucun moment, je n’ai pensé que le pliage [du corps au niveau du bassin] pouvait tuer », a pour sa part déclaré le chef d’escorte, Axel Dallier, qui dément s’être assis sur la victime, comme l’affirment trois témoins.

La vie et la personnalité de la victime – souvent appelée « le non-admis » par la présidente, ou « INAD » pour « individu non admis » dans le vocabulaire de la PAF – n’ont guère été évoquées. « Un homme est mort, loin de chez lui, entre les mains de la police française, et j’aurais aimé juste un seul mot pour le papa et la maman de M. Hagos », a déclaré Me Maugendre.

Depuis ce drame, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a recommandé l’abandon de ce geste de « pliage » enseigné à l’école de police. « Des consignes écrites ont été établies, et on a revu la formation des policiers d’escorte qui était, il faut le dire, lacunaire », a noté la procureure.

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Enquête sur le décès d’un Ethiopien à Roissy

09/06/2004

UNE RECONSTITUTION des conditions de la mort d’un Ethiopien de 24 ans, Mariame Getu Hagos, décédé d’un malaise lors de son expulsion le 16 janvier 2003, a été organisée, hier, à l’aéroport de Roissy, par le juge de Bobigny (Seine-Saint-Denis) en charge de l’instruction.

Les trois policiers de la PAF qui assuraient l’escorte, mis en examen pour « homicide involontaire » en novembre, ont réédité les gestes accomplis. Leur version des faits – l’utilisation de gestes proportionnés à la très forte résistance de M. Hagos – aurait été contredite par les témoins de la scène, qui disent avoir vu l’un des policiers « assis sur son dos ». La Commission nationale de déontologie de la sécurité avait estimé que Mariame Getu Hagos avait « subi des violences qui l’ont plongé dans le coma ». Me Stéphane Maugendre, avocat des parents du jeune homme, a indiqué son intention de demander une requalification des faits en « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

Dérapages policiers

 Jacky Durand

Du tabassage à la garde à vue abusive, la commission de déontologie et la police des polices relèvent une hausse des bavures de 9,10 %.

Voilà qui devrait rafraîchir la mémoire de Nicolas Sarkozy. Lui qui déclarait, le 21 novembre 2003, alors qu’il était en poste place Beauvau : «Depuis dix-neuf mois, il n’y a eu aucune bavure.» N’en déplaise à l’ex-ministre de l’Intérieur, les saisines de la Commission nationale de la déontologie de la sécurité (CNDS, créée en 2000) ont presque doublé en 2003. Cette commission administrative n’a pas de pouvoir de sanction mais rend des avis et des recommandations auxquels les ministres concernés sont tenus de répondre.

Tendance. Les saisines sont passées d’une vingtaine en 2001, à une quarantaine en 2002 et à soixante-dix en 2003. Certes, les chiffres sont modestes au regard de l’activité policière (275 955 infractions relevées l’année dernière) mais ils corroborent une tendance déjà observée par la police des polices : en 2003, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN, compétente sur l’Hexagone) et l’Inspection générale des services (IGS, compétente à Paris) ont enregistré 611 faits allégués de violences policières contre 560 en 2002, soit une hausse de 9,10 %. «Le nombre de saisines n’a cessé d’augmenter et le rythme actuel ne faiblit pas», a dit Pierre Truche, ancien président de la Cour de cassation et actuel président de la CNDS, qui a remis hier son rapport annuel au président de la République.

De plus en plus sollicitée donc, la commission a traité 43 affaires concernant la police dite «de voie publique» mais aussi la police aux frontières. Pierre Truche a également noté que «la commission avait été saisie de façon massive de problèmes dans les prisons» avec sept décès de détenus, dont cinq suicides, pour la plupart de jeunes. «Aussi bien pour la police que pour l’administration pénitentiaire, nous constatons un défaut d’encadrement. On livre trop souvent des jeunes fonctionnaires à eux-mêmes qui n’ont pas toujours le bon réflexe et pas suffisamment d’expérience. Des réformes sont indispensables», a-t-il souligné.

Alliance, premier syndicat de gardiens de la paix, et Synergie, second syndicat d’officiers de police, se sont déclarés, hier, «indignés de la polémique stérile» née de «l’exploitation» du rapport de la CNDS «visant à discréditer la police nationale». Alliance reconnaît pourtant le déficit d’encadrement des jeunes policiers (lire ci-contre).

Gazage. Les cas examinés par la CNDS vont de la garde à vue arbitraire à l’intervention pour tapage nocturne traitée comme une opération de maintien de l’ordre avec moult gazage quand ce n’est pas un tabassage en règle pour un feu rouge grillé par un conducteur en état d’ivresse. La commission s’est également penchée sur l’histoire d’un homme victime d’un malaise diabétique que les policiers croyaient en état d’ébriété. Il fut frappé puis volé par les fonctionnaires avant d’être abandonné.

Concernant la police aux frontières (PAF), la commission souligne, «avec force, la nécessaire rigueur qui doit caractériser l’enseignement et l’application de « gestes de contrainte »», après la mort de deux expulsés dans un avion qui les ramenait dans leur pays, un Argentin (décembre 2002) et un jeune Somalien (janvier 2003). Saisie par la défenseure des enfants, Claire Brisset, elle a aussi examiné le cas d’un jeune Chinois de 15 ans, victime d’une tentative illégale de réembarquement, assortie de violences, pour lequel elle a saisi la justice.

Pierre Truche s’est dit «frappé par la couleur de peau et la fréquence statistique (parmi les victimes de violences policières, ndlr) de personnes étrangères ou ayant des noms à consonance étrangère». La commission travaillera sur ce point pour le rapport de l’année prochaine, a-t-il promis.

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Le frère de l’Argentin ceinturé porte plainte

  Jacqueline Coignard, 0

Il demande «la vérité» sur le décès survenu lors de l’expulsion.

Ce sont les médias argentins qui lui ont appris son décès : son frère unique dont il était sans nouvelles depuis quatre ans, Ricardo, était mort le 30 décembre sur un aéroport parisien, avant le décollage d’un avion qui allait le ramener de force au pays (Libération du 7 janvier). Carlos Barrientos s’est alors mis à surfer sur les sites des quotidiens français pour en savoir plus sur les conditions de ce tragique embarquement sur le vol AF 416 Paris-Buenos Aires de la compagnie Air France. Depuis une semaine, Carlos Barrientos est à Paris. Avec réserve et émotion, il explique être venu accomplir son «devoir de frère».

Errance. «Je veux donner une sépulture digne à mon frère. Assister à son enterrement», dit-il. Un enterrement administratif est prévu au cimetière de Tremblay-en-France, mais sans date précise. Or Carlos doit rentrer ce lundi en Argentine, car ses ressources sont limitées. Il veut aussi reconstituer le parcours français de Ricardo, depuis son séjour à Aix jusqu’à ses errances de poète des rues à Paris. Et savoir pourquoi cet homme de 52 ans est mort. Sur ce point, il laisse la parole à ses deux avocats qui vont, en son nom et au nom des associations qu’ils représentent (1), porter plainte pour «coups mortels». Me Stéphane Maugendre et Me Sophie Thonon-Wesfreid vont déposer cette plainte contre X, la semaine prochaine, devant le doyen des juges de Bobigny.

A huis clos. Ricardo Barrientos avait été maintenu plié en deux par deux policiers qui appuyaient sur ses omoplates. La police a expliqué que c’était la procédure habituelle ; l’institut médico-légal a conclu à un infarctus ; et le juge a estimé que la mort était naturelle, avant de classer l’affaire. «Ricardo est mort à huis clos et l’enquête s’est déroulée à huis clos», constate Me Maugendre.

Il y a pourtant des contradictions entre la version officielle et les témoignages de passagers recueillis dans les différents médias. «Il y avait deux médecins parmi les passagers, dont une femme qui a constaté la mort. Aucun des passagers n’a été entendu par les enquêteurs, pas plus que les hôtesses et stewards», s’étonne Me Maugendre. Cet homme est mort entre les mains des policiers, et un minimum de transparence est nécessaire, selon les deux avocats. Ricardo a-t-il été tué ? «Je ne peux pas le présager. La justice française doit clarifier les choses, éclairer la vérité», répond Carlos. D’où l’intérêt de confier l’affaire à un juge d’instruction, comme c’est déjà le cas pour un Ethiopien décédé dans les mêmes conditions en janvier.

(1) Le Gisti, l’Anafé, le Mrap et l’Association France-Amérique latine.

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Avocat