Archives de catégorie : droit pénal

Les révoltés du Paris-Bamako dispensés de peine

20minutes.fr  Guillaume Frouin, 24/06/2003

S.Pouzet/20Minutes
S.Pouzet/20Minutes

Ils sont coupables, certes, mais ils ne purgeront pas de peine. Le tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a suivi les réquisitions du procureur, hier après-midi, à l’encontre des trois passagers du vol Paris-Bamako poursuivis pour « entrave à la circulation aérienne ». Patrick Hermann, Léandre Chevalier et Paul Rosner s’étaient opposés le 17 avril dernier, à Roissy, à l’expulsion de quatre Maliens sans-papiers, embarqués de force dans leur avion. Après une altercation avec la police, tous trois étaient débarqués de l’appareil et placés en garde à vue. « Aujourd’hui, de qui et de quoi veut-on faire le procès ?, s’est interrogé le procureur. Le problème des étrangers en situation irrégulière, ce n’est pas ici qu’il sera réglé. » Le procès avait pris une tournure politique après que trois cents sympathisants d’Attac, des Verts ou des collectifs de sans-papiers eurent investi le tribunal pour manifester leur soutien aux prévenus. Seule une moitié avait pu s’installer dans la salle d’audience, faute de place. La décision de dispense de peine du tribunal n’a en tout cas pas satisfait les trois prévenus, dont les avocats plaidaient la relaxe. « Dégoûté », Paul Rosner y voit un symbole de « la politique de M. Sarkozy ». « Ce que l’on nous reproche, c’est d’avoir été debout dans cet avion et d’avoir refusé de détourner le regard de ce que se passait à l’arrière de l’appareil », a ajouté pour sa part Patrick Hermann, un des trois autres passagers.

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Le vol Paris-Bamako atterrit au tribunal

  Fabrice Tassel

Sébastien Calvet
Sébastien Calvet

C’est de la défiance davantage que de la colère. Ces citoyens venus soutenir les «rebelles» du vol Paris-Bamako n’ont plus confiance : le tribunal de Bobigny ne va-t-il pas juger trois hommes qui ont osé manifesté leur colère alors que la police expulsait, le 17 avril, quatre Maliens en situation irrégulière ? Alors, quand il s’agit, dans la salle pleine à craquer, de libérer des places pour les journalistes, cette foule en perte de confiance s’arroge un droit de censure : France 3 ? Oui. Canal + ? Non, sous les lazzis. Un journaliste du Larzac, «qui a fait 700 bornes» ? Bien sûr. Les policiers appellent les CRS pour contenir l’impatience de ceux qui restent à la porte. La situation reste pourtant calme. Elle le demeure trois heures plus tard, après les réquisitions.

Clients plutôt que citoyens. «Libre et traumatisé», avait dit un peu plus tôt à la barre un témoin qui avait été menotté et embarqué dans le fourgon de police avec les trois prévenus, avant d’en être libéré. Libres et traumatisés, ainsi apparaissent le public et les prévenus après l’annonce de la condamnation : «Coupables, mais dispensés de peine», conformément aux réquisitions du parquet. Le procureur avait demandé au tribunal de sanctionner «ces remarques intempestives incitant les autres passagers à refuser ce qui était décidé par les services de police».

Pour éviter toute politisation des débats, le parquet a fustigé une attitude de clients plutôt qu’une démarche de citoyens. Il devenait plus facile de constater que trois clients ont bel et bien «entravé», selon la qualification pénale, le départ du vol Paris-Bamako. A la barre, Paul Rosner, Léandre Chevalier et Patrick Herman n’ont pas osé s’affirmer comme ce qu’ils sont : des citoyens-militants. Les trois ont prudemment mis en avant les risques «pour la sécurité du vol» que représentait l’expulsion, «dans les hurlements et les pleurs». Maladroitement, les prévenus ont tenté de se glisser dans l’habit du consommateur mécontent de la prestation qu’il a payée. Seules les questions du tribunal leur font avouer leur «honte face aux conditions inhumaines infligées aux expulsés».

«Droit de m’indigner». Un témoin d’origine mauritanienne, Djibril Ba, lui aussi brièvement menotté dans le fourgon, trouve les mots qui manquent aux prévenus : «Je suis devenu français, j’ai adopté les lois françaises mais j’ai encore le droit de m’indigner.» Tout comme l’a fait le commandant de bord qui a demandé, en vain, à l’escorte de police de descendre de l’avion. Le refus n’a fait qu’envenimer la situation.

Le parquet se veut aérien, au plus près du code de l’aviation civile. «Qu’il soit insupportable de vivre une situation inhumaine, bien sûr, explique le procureur, mais il faut être honnête avec soi-même : ce que ces messieurs ont eu à vivre, c’était leur problème, celui d’un consommateur de voyage surtout intéressé par son propre devenir : son arrivée à Bamako.».

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Passagers contre l’expulsion de Maliens, dispensés de peine

AFP, 24/06/2003

Le tribunal de grande instance de Bobigny a rendu lundi soir un verdict en demi-teinte sur le sujet sensible des expulsions d’étrangers en situation irrégulière, jugeant trois passagers coupables d’entrave à la circulation aérienne sur un vol Paris-Bamako le 17 avril, mais les dispensant de peine.

Les trois passagers de ce vol retardé de 13 heures au départ de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, avaient protesté contre la reconduite à la frontière de quatre Maliens non admis sur le territoire français qui résistaient aux huit policiers les escortant

Le tribunal a suivi les réquisitions du procureur, qui avait demandé que « les trois prévenus,Patrick Herman, Léandre Chevalier et Paul Rosner, soient déclarés coupables ». Mais ces derniers n’ayant pas de casier judiciaire et l’un étant encore étudiant, « je demande la dispense de peine », avait ajouté le procureur, devant une salle d’audience remplie de militants associatifs.

« C’est une décision très politique qui a été rendue aujourd’hui. Ce qu’on nous reproche est d’avoir été debout dans cet avion et d’avoir refusé de détourner le regard de ce qui se passait à l’arrière de l’appareil », a estimé Patrick Herman, responsable de la Confédération paysanne.

« Dégoûté », Paul Rosner a lancé : « ça va tout à fait dans le sens de la politique de M. Sarkozy ». « Je serai très fier de raconter plus tard à mon fils, qui a 5 mois aujourd’hui, pourquoi j’ai été déclaré coupable. Ça donne une bonne idée de l’état d’esprit de notre pays”, a déclaré Léandre Chevalier.

« Restons modestes. Le problème des étrangers en situation irrégulière, ce n’est pas ici que ce sera réglé”, avait estimé le procureur.

« Très déçu ». Me Stéphane Maugendre, avocat des trois hommes, « espérait la relaxe, car le dossier est vide, on l’a démontré ».

Le 17 avril, le vol B1E 961 de la compagnie Air Méditerranée devait décoller à 12H10. Une panne survient au dernier moment et les passagers sont reconduits en salle d’attente. A 16HOO, nouvel embarquement, et les passagers constatent que quatre Maliens se débattent en criant au fond de l’avion, maîtrisés par huit policiers chargés de leur escorte.

« Il y avait de l’agitation chez tous le monde. Ça faisait des heures qu’on attendait, on avait chaud, on ne nous disait rien », a expliqué lundi une passagère.

Vingt à trente passagers circulent dans le couloir, intrigués ou inquiets. Le commandant de bord Jacques Laurent, voyant que le désordre empire de minute en minute – policiers tentant de maîtriser les Maliens, passagers exaspérés ou indignés -, demande aux policiers de quitter l’avion.

Refus de la police, nouvelles négociations. Au bout de 45 minutes le commandant de bord excédé suspend le vol et fait évacuer l’avion. Ses passagers se retrouveront menottés dans un fourgon de la police selon différents témoins.

Les trois hommes jugés lundi passeront 24 heures en garde à vue dans les locaux de la police aux frontières (PAF).

Le vol BIE 961 est finalement parti la 18 avril à 01H10

La solidarité en procès

newlogohumanitefr-20140407-434 Théophile Hazebroucq, 24/06/2003

IMG_2222Une quarantaine de personnes sont venues apporter leur soutien, hier, aux trois passagers du Paris-Bamako, appréhendés le 17 avril dernier.

Paul et Léandre n’en reviennent toujours pas. Le visage pâle et tendu, ils se sont présentés hier devant le tribunal de grande instance de Bobigny afin d’y être jugés pour  » entrave volontaire à la circulation d’un aéronef  » (lire l’Humanité du 23 juin). Membres de l’association Imragen, ils comptaient s’envoler le 17 avril pour effectuer une mission humanitaire en partenariat avec une organisation malienne de réinsertion de handicapés. Ils risquent aujourd’hui cinq ans de prison et 37 500 euros d’amende.

Les jeunes gens de vingt-trois et vingt-cinq ans n’ont pourtant fait que protester, avec la moitié des passagers, contre le traitement qu’infligeait la police de l’air et des frontières (PAF) à des sans-papiers qu’elle escortait jusqu’au Mali. Le ton monta entre la police et les passagers, et les deux Balbyniens furent débarqués, pour l’exemple, après avoir pris une photo de la scène. Patrick Herman, par ailleurs membre de la Confédération paysanne, venu demander des explications aux policiers, subit le même sort.

Un collectif s’est immédiatement mis en place pour venir en aide aux inculpés. Patrick et Léandre sont insolvables, et ce dernier a la charge d’un bébé de quatre mois. Pierre-Louis Leroy voit dans l’inculpation de ses amis une injustice flagrante :  » Il y allait de la santé d’êtres humains. Si je voyais une vieille dame agressée dans le métro, j’agirais de la même façon.  » De leur côté, les organisations venues apporter leur soutien aux prévenus dénoncent une criminalisation de la solidarité :  » Le gouvernement fait payer tous ceux qui s’opposent à ses méthodes musclées. Cela participe d’une politique générale de découragement de la dissidence « , affirme Gabriel Davalle, de la Confédération paysanne.  » La gestion des flux migratoires n’est plus envisagée que selon une vue économiste, en fonction des besoins des entreprises, s’inquiète Jean Brafman, conseiller régional communiste et animateur de la Coordination 93 de lutte pour les sans-papiers. Le droit des individus est méprisé, et nous n’honorons pas la dette énorme que nous avons contractée auprès des pays que nous avons colonisés. « 

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entrave à la circulation d’un aéronef

AFP, Jack Guez, 23/06/2003

IMG_2219Stéphane Maugendre, l’avocat de Patrick Hermann, Paul Rosner et Léandre Chevalier, trois passagers qui comparaissent pour entrave à la circulation d’un aéronef.

Le tribunal de grande instance de Bobigny rendu lundi soir un verdict en demi-teinte sur le sujet sensible des expulsions des étrangers en situation irrégulière, jugeant trois passagers coupables d’entrave à le circulation aérienne sur un vol Paris-Bamako le 17 avril, mais les dispensent de peine.

Mis en examen pour compassion

Actualités Politique, Monde, Economie et Culture - L'Express Dupont Audrey, 

Gare à ceux qui aident les immigrés

La générosité peut-elle être un délit? L’article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 stipule que toute personne qui aura «facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France […] sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros». Les 23 avril et 30 mai, Charles Framzelle, dit «Moustache», et Jean-Claude Lenoir, membres du Collectif de soutien d’urgence aux réfugiés, ont été mis en examen pour «aide au séjour» d’immigrés clandestins. Jusqu’alors, cet article très contesté n’avait été que rarement utilisé. Mais dans son projet de loi sur l’immigration – discuté à partir du 24 juin à l’Assemblée nationale – Nicolas Sarkozy prévoit de le renforcer en aggravant les peines. En ligne de mire: les associations et les syndicats. Camille, responsable de la communauté d’Emmaüs de Bourg-en-Bresse (Ain), a déjà été mis en garde à vue en février dernier pour le même motif. Une procédure est en cours. «Si Emmaüs est mis en examen, toutes les associations, les maires et Etienne Pinte [député maire UMP de Versailles, qui réclame l’abolition de la double peine] doivent l’être aussi!» s’insurge Stéphane Maugendre, avocat et vice-président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Fabien Tuleux, délégué général d’Emmaüs France, renchérit: «On touche ici à nos valeurs. Depuis cinquante ans, nous pratiquons un accueil inconditionnel. En hiver, on se fiche du statut administratif des gens. Notre relation est avant tout fondée sur la confiance.»

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Appel à désobéir à la loi Sarkozy sur l’immigration

index, Sylvia Zappi, 08/06/2003

SIX ANS après leur premier appel contre la loi Debré sur les étrangers, les cinéastes récidivent. Le même journal comme support – les Inrockuptibles -, la même solidarité avec les sans-papiers, le même mode d’interpellation des autorités publiques – une pétition « citoyenne » -, et la même phraséologie – « appel à la désobéissance ». Le 28 mai, l’hebdomadaire lançait une pétition, appelée « manifeste des délinquants de la solidarité », sur l’hébergement et l’aide aux sans-papiers.

En 1997, les pétitionnaires s’étaient élevés contre les poursuites engagées à l’encontre d’une militante lil­loise poursuivie pour avoir hébergé un sans-papiers. Le mouvement s’était ensuite transformé en protestation contre la loi Debré, qui durcissait les conditions d’obtention des certificats d’hébergement des étrangers en visite en France. « Ce qui est proposé aujourd’hui est encore plus dur », estime l’avocat Stéphane Maugendre, vice-président du Groupe d’information et de soutien des immigrés.

Le 19 juin, l’Assemblée nationale commencera l’exa­men du projet de loi sur l’immigration de Nicolas Sarkozy. Le texte prévoit une peine de prison de dix ans et une amende de 750 000 euros pour « toute personne qui (…) aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, le séjour irréguliers d’un ranger en France ou dans l’espace international [zone d’attente] ». Le projet étend ces condamnations aux « personnes morales », c’est-à-dire aux associations, dont les biens pourront être saisis.

Les cinéastes Laurent Cantet, Catherine Corsini et Jean-Pierre Thorn, les metteurs en scène Daniel Mesguich, Ariane Mnouchkine, Olivier Py et Jacques Weber, les comédiens Jeanne Balibar, Jean-François Perrier, Denis Podalydès, Karin Viard, et les musiciens Rodolphe Burger, Noir Désir, Sergent Garcia, les Têtes raides se disent solidaires des «centaines d’associa­tions, des milliers de citoyens qui accueillent, aident, informent sur leurs droits des étrangers ». Des intellec­tuels comme Etienne Balibar, Monique Chemiller-Gendreau, Annie Collovald, Frédéric Lebaron, Gérard Mau- ger, Yann Moulier-Boutang, Jean-Luc Nancy, Johanna Siméant, Pierre Vidal-Naquet ou Loïc Wacquant les ont suivis. « Nous déclarons avoir aidé des étrangers en situation irrégulière, déclarent-ils. Nous déclarons notre ferme volonté de continuer à le faire. Si la solidarité est un délit, je demande à être poursuivi(e) pour ce délit. » 123 organisations, associations et syndicats se sont joints à l’appel. Et 2 000 signatures individuelles sont arrivées en à peine huit jours via le site Internet (www.gisti.org).

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Manifeste des délinquant(e)s de la solidarité.

« Toute personne qui (…) aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France ou dans l’espace international précité sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 €. » (Article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945)

Chaque année en France, malgré l’article 21 de la loi sur l’entrée et le séjour des étrangers, des centaines d’associations, des milliers de citoyens, accueillent, aident, informent sur leurs droits des étrangers.

Ils le font dans des conditions difficiles en raison de la faiblesse de leurs moyens et des innombrables obstacles rencontrés dans les préfectures, les administrations et institutions censées assurer accueil et protection à tous, mais aussi en raison d’une attitude de suspicion généralisée envers les étrangers. De plus en plus, ceux et celles qui défendent l’État de droit et la nécessité de l’hospitalité sont menacés de poursuites, quand ils ne sont pas mis en examen, par exemple pour avoir seulement hébergé gratuitement un étranger en situation irrégulière .

Demain, si l’actuel projet de réforme du gouvernement est voté, ces citoyens et associations « coupables » d’aide au séjour irrégulier pourront être condamnés plus sévèrement encore*.

Dans le même temps où on cherche ainsi à créer un véritable délit de solidarité, le silence est fait sur la situation des étrangers en France et en Europe, et sur le rôle effectif de centaines d’associations et de milliers de citoyens solidaires des étrangers en situation irrégulière.

Nous déclarons être l’un d’eux. Nous déclarons avoir aidé des étrangers en situation irrégulière. Nous déclarons avoir la ferme volonté de continuer à le faire. De même que nous réclamons un changement radical des politiques à l’égard des immigrés et des étrangers, nous réclamons le droit à la solidarité, contre la logique des États.

Si la solidarité est un délit, je demande à être poursuivi(e) pour ce délit.

Paris, le 27 mai 2003

⇒ Lire le manifeste des délinquant(e)s de la solidarité.

Un concert contre la double peine a attiré près de 15 000 personnes à Paris

index Sylvia Zappi, 12/05/2003

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AFP/Jean-Pierre Muller

Ils sont massés depuis près d’une heure devant l’immense podium planté place de la République, à Paris. Sous un soleil radieux, près de 15 000 personnes se sont enflammées, samedi 10 mai, pour le grand concert gratuit organisé pour les « victimes de la double peine », une campagne qui mobilise depuis dix-huit mois une quarantaine d’associations et de syndicats.

Jeunes Parisiens pour la plupart – la banlieue ne s’est pas déplacée -, ils sont venus en masse écouter les groupes les plus engagés : la Tordue, qui a composé une chanson sur ce thème, les Têtes raides, Zebda, Yann Tiersen, les Femmouzes T, les rapeurs de La Rumeur, puis Jacques Higelin, dans un bœuf improvisé. Pendant plus de sept heures, le public a écouté les discours, les histoires de vie brisée des « double peine » et les envolées des artistes.

C’était l' »ultime manifestation » de la Campagne. Pour protester une fois encore contre le sort réservé à ces milliers d’étrangers, anciens délinquants ayant purgé leur peine de prison, condamnés à une expulsion vers leur pays d’origine. Et pour donner un avertissement au gouvernement avant la discussion au Parlement du projet de loi de Nicolas Sarkozy, prévue fin juin.

La réforme, présentée en conseil des ministres le 30 avril, vise à protéger de l’éloignement du territoire les étrangers ayant fait « toute leur vie en France ». Le texte crée, sous certaines conditions, une « protection absolue » pour certaines catégories, notamment les conjoints et parents de Français, et les étrangers arrivés depuis au moins l’âge de 13 ans ou présents depuis plus de vingt ans. En aménageant la loi, sans abroger l’interdiction du territoire – plus de 2 000 peines exécutées chaque année -, le texte a mécontenté la plupart des associations, malgré les précautions de la Cimade, qui voit dans la réforme « une avancée ».

« DE LA POUDRE AUX YEUX »

« L’enjeu n’est pas de replâtrer le système ou de faire des mesures humanitaires », a prévenu le cinéaste Jean-Pierre Thorn. « Sarkozy impose tellement de conditions que le principe de protection devient une exception », assène Me Stéphane Maugendre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Le chanteur de la Rumeur a, lui, dénoncé « une discrimination à gerber ». Les poings se lèvent et un « Pas de justice, pas de paix », slogan du Mouvement de l’immigration et des banlieues, est repris par les premiers rangs.

Au-delà, c’est l’ensemble du projet de loi du ministre de l’intérieur qui était dans les têtes. Majid Cherif, des Zebda, s’est emporté contre ce « symbole d’une République qui n’intègre pas la couleur de la peau ». C’est le statut et la place des étrangers qui « révoltent »les musiciens des Têtes raides comme ceux de la Tordue. « Nous n’avons pas donné mandat à ce gouvernement pour qu’il fasse une décalcomanie de la politique de Le Pen », a lancé Michel Tubiana, de la Ligue des droits de l’homme. Quand le Chant des partisans, version Motivés, est repris par les Zebda, une forêt de poings s’est levée.

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Les associations dénoncent une réforme de la double peine « en trompe l’oeil »

index,  Sylvia Zappi, 05/04/2003

« ÇA OU RIEN, c’est quasiment la même chose. » Le verdict posé par le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) au lendemain de la rencontre entre Nicolas Sarkozy et les animateurs de la campagne contre la double peine est sévère, mais reflète assez fidèlement le sentiment dominant des associations de défense des étrangers. Mercredi 2 avril, le ministre de l’intérieur a fait connaître les conclusions du groupe de travail qu’il avait créé en novembre 2002 ( Le Monde du 4 avril).

Les principales organisations impliquées dans ce dossier ont décidé de faire connaître, vendredi, leur profonde déception » lors d’une conférence de presse.

Une « réforme en trompe l’œil », des « modifi­cations cosmétiques » : les mots pour caractéri­ser le sentiment dominant ne sont pas les mêmes. Mais le constat est partagé : la réforme qui se dessine derrière les propositions du grou­pe de travail et que Nicolas Sarkozy a déclaré fai­re siennes ne répond pas aux attentes. Le minis­tre de l’intérieur avait pourtant presque réussi à convaincre certaines associations et quelques personnalités comme Bertrand Tavemier de la sincérité de ses intentions réformatrices. Il avait ainsi publiquement reconnu le caractère « inhu­main» de l’interdiction du territoire français (ITF) pour « les étrangers dont l’essentiel de la vie est en France ».

Confronté à une campagne efficace qui mobili­sait associations, syndicats et organisations poli­tiques, relayée par des députés de plus en plus nombreux, y compris dans les propres rangs de la majorité, le ministre de l’intérieur était conve­nu qu’il était nécessaire de réformer l’ordonnan­ce de 1945 sur le séjour des étrangers.

« SE DONNER UNE IMAGE »

La réforme dessinée par le rapport du groupe ad hoc ne remet pas en cause le principe de la double peine, mais tente de l’aménager en le ren­dant moins arbitraire. Certaines associations ont l’impression de s’être fait flouer. « On est dans le domaine des effets d’annonce et de l’instrumentali­sation des associations avec un faux dialogue », analyse Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’homme (LDH). « Ces propositions vont permettre au ministre de se donner une ima­ge de mouvement alors que rien ne bouge. »

Même sévérité au Gisti, où l’on juge que si le ton général du rapport est « il faut être humain », en même temps, selon Stéphane Maugendre, avocat et vice-président de l’association, « au nom de l’“éthique de responsabilité” avan­cée pour justifier le maintien de la double peine, des principes de base comme la non-discrimina­tion et la proportionnalité des peines sont invalidés ».

D’autres se montrent plus pondérés. Le Mou­vement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuplés (MRAP) veut « rester attentif et vigi­lant » et rappeler ses positions de principe pour une interdiction absolue de prononcer des ITF. Mais Mouloud Aounit, son président, estime que « le dossier n’est pas bouclé ».

La Cimade n’est pas non plus totalement criti­que : « M Sarkozy a respecté le plan de travail annoncé. A priori, j’ai confiance », assure Ber­nard Bolze, porte-parole de la campagne, qui reconnaît cependant : « II ne touche pas au principe de l’ITF, et la vraie protection pour les résident de longue durée n’apparaît pas. » Il pense néanmoins que « le rapport n’est pas le projet de loi et que les associations ont leur rôle à jouer ».

C’est également le sentiment du député (UMP) Étienne Pinte, auteur d’une proposition de loi supprimant les ITF. « C’est un point extrêmement positif que le ministre ait tenu ses engagements. Mais j’ai du mal à comprendre pourquoi le rapport maintient les interdictions du territoire partir du moment où le ministère de l’intérieur a entre les mains la possibilité d’expulser au nom l’ordre public. » Le député a prévu d’envoyer par écrit, d’ici huit jours », ses réactions. Tout comme les associations, qui ont mis au point une lettre conjointe expliquant que « le principe de maintien de la double peine est inadmissible ».

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