Archives de catégorie : droit pénal

Des règles plus contraignantes pour les sauvetages en mer

 la-croix-logo Hélène Fargues, 01/04/2012

Un an après la mort de 63 migrants en Méditerranée, le Conseil de l’Europe révèle les graves défaillances de l’Otan et de ses États membres.

Quels sont les faits dénoncés ?

Le 26 mars 2011, alors que la guerre fait rage en Libye, 72 migrants quittent Tripoli pour l’Europe, à bord d’un pneumatique. Quinze jours plus tard, l’embarcation échoue sur les côtes libyennes avec seulement 9 survivants. Un an après, le Conseil de l’Europe publie les résultats d’une enquête longue de neuf mois, Vies perdues en Méditerranée, qui est responsable ?

Dans un secteur que l’Otan « avait déclaré zone militaire sous son contrôle », rappelle ce rapport, et malgré les messages envoyés à tous les navires de la zone, les appels des migrants sont restés sans réponse. Dans les heures suivant le premier signal de détresse, un hélicoptère militaire a pourtant survolé le bateau, lui a fourni de l’eau et de la nourriture, mais il n’est pas revenu, malgré la promesse faite aux passagers. Ces derniers ont tenté d’attirer l’attention de deux bateaux de pêche et d’un bâtiment de guerre, en vain.

Quelles seront les suites judiciaires ?

Les survivants demandent justice. « Ils savaient qu’on avait besoin d’aide et n’ont rien fait. Ils doivent se confronter à la justice », a confié Abu Kurke Kebato, 24 ans, éthiopien, au quotidien britannique The Guardian. Une première plainte devrait être déposée « contre l’armée française » auprès du « procureur du tribunal de grande instance de Paris durant la première quinzaine d’avril », indique à La Croix Stéphane Maugendre, avocat et président du Groupe français d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti).

« Nous savons qu’un hélicoptère de l’armée française a pris une photo du bateau. Avec27 navires engagés dans cette zone, l’armée française ne pouvait ignorer la détresse de ces gens, explique-t-il. C’est un cas de non-assistance à personne en danger. » Alors qu’une procédure est en cours en Italie, des plaintes similaires devraient être déposées dans d’autres pays européens.

Que préconise le Conseil de l’Europe ?

Plus de 1 500 personnes ont perdu la vie en 2011 en tentant de traverser la Méditerranée. Le Conseil de l’Europe le rappelle, en publiant une série de recommandations pour ses États membres. Il demande de « combler l’absence de responsabilité » en mer quand un État est défaillant, de veiller à ce qu’il y ait des « directives claires et explicites » sur ce qu’est la situation de détresse d’un navire et de « s’attaquer aux motifs pour lesquels les navires marchands ne portent pas secours aux bateaux en détresse ». Le principe de responsabilité maritime doit être au cœur des politiques, pour éviter de nouveaux drames cet été, alors que des embarcations de migrants repartent déjà vers les côtes européennes.

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Un rapport accable l’Otan et ses états membres après la mort de 63 migrants

, Hélène Fargues, 30/03/2012

Un an après la mort de 63 migrants en Méditerranée, le conseil de l’Europe publie un rapport dans lequel il pointe les défaillances de l’alliance et de ses états membres

Des associations humanitaires veulent attaquer en justice l’Otan et plusieurs armées dont la France

Le 26 mars 2011, alors que la guerre fait rage en Libye, 72 migrants quittent Tripoli pour l’Europe à bord d’un pneumatique. Quinze jours plus tard, l’embarcation échoue sur les côtes libyennes avec seulement neuf survivants. Quasiment un an après jour pour jour, l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe publie les résultats d’une enquête longue de neuf mois, contenus dans le rapport intitulé « Vies perdues en Méditerranée, qui est responsable ? ».

L’organisation a enquêté sur les événements ayant conduit à la mort des 63 passagers dans un secteur que l’Otan « avait déclaré zone militaire sous son contrôle », rappelle le rapport du Conseil de l’Europe.

Malgré les messages envoyés à tous les navires de la zone, les appels à l’aide des migrants sont restés sans réponse. Dans les heures suivant le premier signal de détresse, un hélicoptère militaire a pourtant survolé le bateau, lui a fourni de l’eau et de la nourriture, mais n’est pas revenu malgré sa promesse aux passagers. Ces derniers ont aussi tenté d’attirer l’attention de deux bateaux de pêche et d’un bâtiment de la marine, en vain.

« Chaque nuit, je revis ce s’est passé »

Abu Kurke Kebato fait partie des survivants. Cet Ethiopien de 24 ans espère que ce rapport mettra la pression sur l’Otan et l’Union européenne pour que la lumière soit faite. « Je ne peux pas dormir, encore aujourd’hui », témoigne celui qui attend désormais une réponse pour obtenir l’asile aux Pays-Bas. « Chaque nuit, je revis ce qui s’est passé : la faim, la soif, le naufrage. Ils savaient qu’on avait besoin d’aide et n’ont rien fait. Ils doivent se confronter à la justice », raconte-t-il au quotidien britannique The Guardian.

« Dans cette affaire, plusieurs occasions de sauver les vies ont été perdues » car « personne n’a porté secours à ce bateau malgré les signaux de détresse », a regretté Tineke Strik, sénatrice hollandaise auteur du rapport, hier à Bruxelles. L’enquête met en lumière « un ensemble de défaillances » de la part des autorités libyennes, des services italiens de sauvetage maritime, des deux bateaux de pêche, de l’Otan et des pays « dont les navires dans les environs du bateau ont manqué à leur obligation de sauver ces personnes ».

Une plainte contre l’armée française

Une première plainte devrait être déposée sur cette base, au nom de plusieurs survivants, « contre l’armée française » auprès du « procureur du tribunal de grande instance de Paris durant la première quinzaine d’avril », a indiqué à l’Agence France Presse Stéphane Maugendre, avocat et président du Groupe français d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti). Avec « 27 navires engagés dans cette zone », « l’armée française ne pouvait ignorer la détresse de ces personnes », a-t-il expliqué. Des plaintes similaires devraient être prochainement déposées dans d’autres pays européens.

Plus de 1500 personnes ont perdu la vie en 2011 en tentant de traverser la Méditerranée. Le Conseil de l’Europe le souligne en publiant une série de recommandations pour ses états membres. Le principe de responsabilité maritime doit être au coeur des politiques de l’Otan et des Etats, pour éviter de nouveaux drames cet été, alors que des bâteaux de migrants repartent déjà vers les côtes européennes.

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NATO faulted over Libya boat-people deaths

apa 30/03/2012

Baku-APA. A European rights watchdog rapped NATO on Thursday for failing to help a migrant boat during the Libyan war as aid groups vowed to sue the French military over an incident that left 63 people dead, APA reports quoting AFP.

A small boat left Tripoli in late March 2011 carrying 72 Africans, including 50 men, 20 women and two babies, but only nine survived after two weeks adrift in the Mediterranean, the Council of Europe said.

« Many opportunities for saving the lives of the persons on board the boat were lost, » a council committee said in a report denouncing a « catalogue of failures » by Libyan, Italian, Maltese and NATO authorities.

Several Western warships were in the Mediterranean at the time enforcing a NATO-led arms embargo, but no one including fishing vessels in the area responded to distress calls, the report said.

« NATO failed to react to the distress calls, even though there were military vessels under its control in the boat’s vicinity when the distress call was sent, » said the report presented by Dutch socialist senator Tineke Strik.

It said a Spanish frigate, the Mendez Nunez, was 11 miles away from the drifting boat but Spain disputes this distance.

A helicopter dropped biscuits and water to the migrants at one point but never returned, and a large military ship « came into close contact with the boat, but ignored obvious distress signals, » the council report said.

Bilal Yacoub Idris, a 30-year-old survivor from Ethiopia, recalled how the migrants were tightly packed in the dinghy after paying smugglers to flee the Libyan conflict towards Europe.

« It was completely overcrowded. Everyone was sitting on everybody else. I had someone sitting on top of me, and this person had someone sitting on top of him, » the report quoted him as saying.

Stephane Maugendre, a lawyer and president of the French Immigrant Worker Support and Information Group (GISTI), announced that it would file a lawsuit in Paris next month in the name of survivors.

« We will file a complaint against the French armed forces for failure to assist people in danger, » Maugendre said at a press conference in Brussels, adding that similar lawsuits would be filed in other European nations.

NATO spokeswoman Oana Lungescu said the alliance received a general notice from Italian authorities of a small boat probably in difficulty on March 27 last year and that the message was passed on to all of its ships.

There is no record of any NATO ship or aircraft having seen or making contact with the boat, she said, adding: « NATO conducted other rescue operations in the area at that time, and rescued hundreds of people. »

NATO ships and aircraft helped rescue more than 600 people in the seven-month-long Libyan operation during the uprising which overthrew dictator Moamer Kadhafi, she said.

On March 26 last year, the 72 migrants sailed towards Europe but their boat quickly ran out of fuel and began drifting, according to the report.

The passengers, lacking food or water, managed to call an Eritrean priest based in Rome who alerted the Italian maritime authorities. Hours later, a helicopted flew over the boat and delivered water and biscuits.

It was the last time they would get any help, even though they saw two fishing vessels, a frigate believed to be from Spain and a warship believed to be Italian.

« Some people were hallucinating and speaking incoherently, perhaps because of drinking seawater, » the report said. « Many could not sleep, and one young woman threw herself into the sea in a panic attack. »

Another survivor is quoted as saying: « Every day, there were more and more people who would die. »

Many people started to die on the fifth or sixth day at sea, including the children. Around half were dead by the 10th day and were thrown overboard due to the stench.

« While we were talking to one another, four of us just died, four of the people in that group, talking, just passed away, » said Bilal, the Ethiopian.

On the 15th or 16th day, only 11 people were still standing.

« We were just waiting for our own time or turn to die, » said Ghirma Halefom, an Eritrean.

On April 10, the boat landed on the Libyan coast. Ten survivors were arrested and put in prison. One of them died while the rest eventually managed to escape Libya.

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French mly sued over Libyan deaths

h1_11 30/03/2012

BRUSSELS: A European rights watchdog rapped Nato on Thursday for failing to help a distressed migrant boat during the Libyan war as NGOs said they would sue the French military over the incident in which 63 people died.

The small boat left Tripoli in late March 2011 carrying 72 Africans, including 50 men, 20 women and two babies, but only nine survived after two weeks adrift in the Mediterranean, the Council of Europe said.

“Many opportunities for saving the lives of the persons on board the boat were lost,” a council committee said in a report denouncing a “catalogue of failures” by Libyan, European and Nato authorities. Several Western warships were in the Mediterranean at the time enforcing a Nato-led arms embargo, but no one including fishing vessels in the area responded to distress calls, the report said.

“Nato failed to react to the distress calls, even though there were military vessels under its control in the boat’s vicinity when the distress call was sent,” it added. It said a Spanish frigate, the Mendez Nunez, was 11 miles away from the drifting boat but Spain disputes this distance.

A helicopter dropped biscuits and water to the migrants at one point but never returned, and a large military ship “came into close contact with the boat, but ignored obvious distress signals,” the council report said.

Stephane Maugendre, a lawyer and president of the French Immigrant Worker Support and Information Group (GISTI), announced at a press conference in Brussels that it would file a lawsuit in Paris next month in the name of survivors. “We will file a complaint against the French armed forces for failure to assist people in danger,” Maugendre said.

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Libye-migrants morts : plainte contre l’armée

29/03/2012

Des organisations non-gouvernementales ont annoncé jeudi leur intention de porter plainte contre l’armée française après le décès d’une soixantaine de migrants qui avaient fui la Libye fin mars 2011 à bord d’une embarcation en Méditerranée.

« Nous allons déposer une plainte contre l’armée française pour non assistance à personne en danger », a annoncé Stéphane Maugendre, avocat et président du Groupe français d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti), l’une des organisations associées à cette initiative.

La plainte « sera déposée, au nom de plusieurs survivants, auprès du procureur du tribunal de grande instance de Paris durant la première quinzaine d’avril », a-t-il ajouté au cours d’une conférence de presse à Bruxelles.

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L’Otan mise en cause après la mort de 63 migrants

Migrant boat disaster: Spain challenges Nato over distress call claim

Survivor of migrant boat tragedy arrested in Netherlands

, 29/03/2012

Abu Kurke KebatoAbu Kurke Kebato, who was one of just nine people to survive two weeks adrift in Mediterranean, set to be deported to Italy.

One of the few survivors from a migrant boat tragedy that claimed 63 lives in the Mediterranean has been arrested by immigration police in the Netherlands and is set to be deported from the country.

The detention of Abu Kurke Kebato, a 23-year-old Ethiopian, came just hours after the European body charged with investigating the incident called on EU member states to look kindly on asylum claims from those who survived the tragedy.

Their dinghy was left drifting for two weeks in the sea despite European authorities pinpointing the location of the vessel and distress calls being sent out repeatedly to nearby ships.

Abu Kurke was among nine people who made it back to land alive from an initial group of 72 that set off from Tripoli in an effort to reach Europe in March last year. The boat was eventually washed back on to Libyan shores. Amazingly he went on to launch another — this time successful — voyage across the sea soon after the tragedy, arriving in Italy before making his way to the Netherlands where he attempted to settle with his wife.

On Thursday morning police acted on an expulsion order and removed the couple from an asylum centre in the Dutch town of Baexem. Under the « Dublin Convention » European states are permitted in some circumstances to deport irregular migrants back to their port of landing, which in this case would be Italy. Abu Kurke’s lawyer, Marq Wijngaarden, said he would be lodging appeals with the Dutch supreme court.

« It would also be possible to apply for an injunction from the European court of human rights, but in theory the deportation could take place at any time, » explained Wijngaarden.

On Wednesday, only hours before his arrest, Abu Kurke told the Guardian how relieved he was to be building a new life in Europe and said that he was still traumatised by the events of last spring.

« I don’t sleep, even now, » said the refugee, who fled his native region of Oromia in Ethiopia several years ago as a result of political violence and went on to make a 20-day trek across the Sahara in an effort to reach the North African coast. « My life has started again in the Netherlands, but there is no sleep in it. Once you watch your friends die, there is no sleep. »

He said he was now seeing a psychologist in an effort to deal with the memories and went on to condemn the military helicopter and naval vessel that the survivors claim encountered their troubled boat but refused their pleas for assistance. « These powers, they came and looked at us, they saw us and they knew. They must face justice. » Abu Kurke’s phone has now been taken away by the Dutch authorities.

In a cruel twist of fate, Abu Kurke’s arrest took place on the same day that a special committee of the Council of Europe – the continent’s watchdog which oversees the European court of human rights – adopted a resolution recommending that « in view of the ordeal of the survivors, member states use their humanitarian discretion to look favourably on any claims for asylum and resettlement coming from these persons ».

Speaking before news of Abu Kurke’s detention was known, Tineke Strik, the Dutch parliamentarian behind a nine-month inquiry into the tragedy, said: « Hearing the testimony of these survivors really touches you deeply.

« Hearing what they have gone through over these 14 days: being among corpses, cast adrift at sea, all rescue opportunities disappearing and the knowledge that death could be their fate as well … it’s very hard to imagine how that must feel. »

At a press conference to launch the Council of Europe report, human rights activists announced legal action would now be launched on behalf of at least five of the survivors in an effort to hold those who ignored the boat criminally responsible for their actions.

« There is no doubt that someone, somewhere, has criminal responsibility for the deaths of these people, » said Stéphane Maugendre, president of the Paris-based Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés [Group for information and support of immigrants].

He went on to quote another survivor, Dain Haile Gebre, on what happened when the migrant boat encountered the naval vessel: « Some people were wearing civilian clothing, others were in military uniform. They took photos of us and filmed us with cameras and portable phones.

« We took our dead people in our arms and showed them, asking for help. Some of us drank seawater to make them understand that we needed drinking water. »

« It is clear a charge of ‘not helping people in danger’ is applicable, » added Maugendre.

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A Pierrefitte et à Stains, le sauve-qui-peut des médecins

logo-liberation-311x113Alice Géraud

«Vous savez que ce département est en train de devenir un désert médical parce que des gens comme vous s’en prennent aux professionnels de santé ?» interroge sévèrement la magistrate de la 13e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis). A la barre, le prévenu hausse mollement les épaules. Il a été condamné hier à trois ans de prison, dont deux ferme.

En août 2010, avec deux copains mineurs, ce jeune garçon habitant la cité des Poètes de Pierrefitte avait braqué deux kinés de sa ville dans leur cabinet. Ils pensaient qu’elles avaient de l’argent et une grosse voiture. L’une d’elle s’est retrouvée avec un pistolet entre les deux yeux. Elle a expliqué hier au tribunal qu’après cet épisode, son cabinet avait cessé pendant six mois d’assurer les permanences bronchiolites pour les bébés. Durant cette même période, à Pierrefitte, la gynécologue et la pédiatre se sont également fait agresser. Elles ont quitté la ville. Cette commune de 29 000 habitants, qui connaît le plus fort de taux de natalité de la Seine-Saint-Denis, n’a donc plus de pédiatre ni de gynéco.

«Hémorragie». «Ces affaires-là ne sont pas anodines, elles ont des conséquences pour toute une population qui se voit privée d’accès aux soins, alors qu’elle en a particulièrement besoin», explique Me Stéphane Maugendre, avocat de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, partie civile dans le dossier de l’agression de Pierrefitte. Pour Claude Leicher, président du syndicat MG France (médecins généralistes), «la dégradation des conditions d’exercice, notamment la hausse de la délinquance contre les professionnels de santé, a des conséquences préoccupantes». «On est en train de laisser se créer des no man’s land de la santé, poursuit-il. En plus de la précarité économique, on laisse des populations exposées à une précarité des soins

A Pierrefitte et à Stains, la commune voisine, les professionnels de santé tentent depuis deux ans d’alerter les pouvoirs publics sur cette «hémorragie». Ils réclament sur leurs territoires des mesures incitatives comme dans les zones franches pour retenir et attirer les médecins. Et des outils pour assurer leur sécurité, notamment lors des visites à domicile. Ils ont obtenu des avancées, comme des référents sécurité dans les commissariats.«Le préfet est attentif, mais il faudrait une volonté politique et des moyens. Or, avec les politiques, on crie dans le désert», se désespère Joselyne Rousseau, présidente de l’association des professionnels de santé de Pierrefitte. Ce médecin généraliste de 55 ans exerce ici depuis trente ans. Elle en est à sa 18e agression, la plupart survenues ces dernières années. En 2009, elle aussi s’est retrouvée avec un pistolet sur la tempe. Après cet épisode, elle a envisagé pour la première fois de jeter l’éponge. Fermer ce cabinet médical qui n’en est plus un depuis longtemps. Trois médecins et une orthophoniste occupaient auparavant ce petit pavillon. Joselyne Rousseau exerce désormais toute seule, et le petit pavillon dont la porte était «toujours ouverte» est devenu un bunker un peu décati, avec visiophone à l’entrée et rideaux de fer aux fenêtres. Le dernier médecin du cabinet est parti en 2008. Il est allé s’installer sur la commune d’à côté, à Sarcelles qui, contrairement à Pierrefitte, dispose d’une zone franche urbaine. Les médecins libéraux y bénéficient d’une défiscalisation importante, ainsi que d’aides pour leurs vacations. Ce système mis en place en 1997 pour relancer l’économie dans les quartiers sensibles a, selon Joselyne Rousseau, «un incroyable effet pervers» sur les zones avoisinantes.

«Sentinelle». Josselyne Buruchian, kiné à Stains et présidente des professionnels dans sa commune, explique qu’il faut «s’accrocher pour rester». Dans la paisible ville du Val-d’Oise où elle habite, à 30 km de là, un kiné va partir. «Ce serait simple pour moi de m’installer. Fini les agressions et les journées à rallonge.» Elle a pourtant décidé de rester : «Si on part, personne ne viendra s’occuper de nos patients

En 2011, Pierrefitte et Stains ont ainsi perdu 10% de leurs professionnels de santé. Certains sont partis en zone franche, d’autres dans des endroits plus calmes ou tout simplement à la retraite, mais sans trouver de remplaçants. Joselyne Rousseau évoque le rôle de «sentinelle» des médecins dans ces zones de grande pauvreté. Elle rappelle que des maladies d’un autre temps viennent d’y faire leur réapparition, comme la tuberculose. Que les professionnels de santé y jouent aussi un rôle fondamental pour le maintien à domicile des personnes âgées ou le désengorgement des urgences.

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Deux ans ferme pour l’agresseur des kinés

logoParisien-292x75 01/03/2012

Le jeune homme avait menacé la praticienne et sa consœur en plein après-midi, en août 2010, dans un cabinet de Pierrefitte. Il avait été confondu par son ADN.

Sallou n’a pas attendu le résultat des délibérations des juges, profitant de la suspension d’audience pour s’éclipser du tribunal. Ce jeune homme de bientôt 20 ans avait quelques raisons de craindre la sanction : arrivé libre à son procès pour l’agression et le vol de deux femmes kinésithérapeutes, dans leur cabinet de Pierrefitte en août 2010, il risquait fort de quitter le tribunal de Bobigny en fourgon, direction la prison, pour y purger les deux ans ferme finalement prononcés contre lui hier après-midi.

 Le substitut du procureur en avait même requis quatre dont trois ferme, avec mandat de dépôt à l’audience. Désormais, c’est un mandat d’arrêt immédiat qui court sur le nom de ce grand jeune homme dont le repentir apparent n’a pas convaincu les juges. Pas plus que sa constance à affirmer qu’il ignorait l’activité de ses victimes, lorsqu’il a surgi, un pistolet à billes en main et réclamant « de l’argent », avec deux complices d’à peine 15 et 17 ans.


Sallou avait pu être confondu par l’empreinte ADN décelée sur un sweat-shirt, qu’il avait abandonné dans une ruelle de la cité des Poètes. C’est là que trois jeunes correspondant au signalement des agresseurs avaient été repérés peu après leur attaque au butin finalement dérisoire d’un ordinateur portable.

C’était le 20 août 2010, au cœur de l’après-midi, dans le cabinet de kinés associées d’une zone pavillonnaire de Pierrefitte. Sallou et ses copains y étaient entrés une première fois pour « des renseignements sur la prise de rendez-vous ». Aline Guillier et sa consœur étaient alors toutes deux occupées avec leurs patients. L’une avec une mère et son bébé de 2 mois, l’autre avec une femme fragilisée par une maladie grave.

Soudain, les trois jeunes étaient revenus, tout de noir vêtus et capuche jusqu’au nez. La scène avait duré une poignée de secondes, qui ont paru une éternité. Aline Guillier y est revenue avec une émotion palpable, la voix tremblante, hier à la barre du tribunal. « Il m’a pointé son pistolet sur la tempe, se souvient-elle en s’efforçant de regarder Sallou, assis à moins de deux mètres. Il réclamait de l’argent et les clés d’une Mercedes garée devant le cabinet! J’ai expliqué qu’on n’avait pas d’argent ici, que c’était un cabinet médical, et que cette voiture n’était pas à nous. Et, soudain, ils sont partis. Quant à savoir si son arme était un jouet ou un vrai pistolet… » La jeune femme reste persuadée que ses agresseurs « ont bien vu qu’il y avait des femmes, des enfants qui attendaient. Ils ne pouvaient ignorer qu’ils étaient dans un endroit de soins ».

C’est pour cette raison que le Conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes a décidé de se porter partie civile, soutenu par Me Maugendre  (avocat). Le tribunal a jugé recevable cette demande, confirmant le caractère délibéré de l’agression du cabinet, précisément en raison de son activité et de la vulnérabilité des praticiens. Les agressions de médecins et de professionnels de santé s’étaient d’ailleurs multipliées, en 2009 et 2010, notamment à Pierrefitte, et les praticiens avaient plusieurs fois manifesté leur désespoir et leur colère.

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Avocat