EN CONDAMNANT hier soir Aziz Oulamara et Marc Petaux. les deux anciens videurs de la rue Saint-Denis, à vingt ans de réclusion criminelle chacun, pour l’assassinat de Catherine Choukroun, la jeune gardienne de la paix tuée sur le périphérique dans la nuit du 9 au 10 février 1991, et en acquittant l’ancienne prostituée Nathalie Delhomme, les jurés de la cour d’assises de Paris n’ont pas cru aux dénégations des deux principaux accusés.
Quelques heures avant que la cour se retire pour délibérer, la présidente, Martine Varin, avait demandé aux accusés de se lever. La salle des assises avait fait silence. Sur les bancs du public, avaient pris place, non loin les uns des autres, des policiers de la brigade criminelle et des voyous du milieu, venus en voisins, les premiers du quai des Orfèvres, les seconds de la me Saint-Denis.
Aucune preuve matérielle
S’y trouvaient aussi la famille d’Oulamara. Son frère Madgid et sa sœur Yasmina lancent des regards affectueux à ce grand frère qui les a élevés et qui est aujourd’hui perdu au loin dans le box des accusés. Marc Petaux prend la parole : « Je suis totalement innocent et je continuerai à nier, toujours. » Aziz Oulamara, ensuite, se lève : « Quand mon père a tué ma mère il y a quelques années, je me suis dit que j’allais lui faire la peau. J’en ai pas eu le courage, je suis trop lâche. Alors, comment aurais-je pu commettre un tel acte ? »
Enfin, Nathalie Delhomme, qui, mercredi dernier, avait avoué sa présence à l’arrière de la voiture des tueurs et accusé Oulamara d’être le passager, s’interroge : « Je suis bouleversée. Et si le souvenir que j’ai raconté, ce n’était pas ce soir-là ? » Phrase déroutante, à l’image de ce dossier où aucune preuve matérielle et aucun témoin direct ne sont venus supporter l’accusation. Jeudi, l’avocat général, Philippe Bilger, avait requis vingt ans de prison contre les deux hommes et cinq ans contre l’ancienne prostituée. Pour l’accusation, le trio était ensemble dans la voiture cette nuit de février, parti en virée pour un «plan came».
Petaux était au volant Oulamara, à ses côtés, aurait tiré sur la policière, gratuitement, juste pour briller devant son copain. « Oulamara recherchait l’admiration de Petaux, a assuré l’avocat général. Il voulait faire le beau devant lui. Il était prêt à tout même au crime. »
Accusé d’être le tireur par Oulamara, Petaux n’a jamais avoué et n’a contre lui qu’un témoin fragile, Serge Schoelcher, cambrioleur multirécidiviste, qui l’a vu rentrer à quatre heures du matin Ce qui est loin d’être une preuve d’assassinat. L’avocat général avait avoué : « J’ai une certitude de culpabilité », pour Oulamara, je n’ai qu’une quasi-certitude pour Petaux.
Plaidant l’acquittement la défense avait tenté d’exploiter les fragilités de ce dossier. Me Jean-Yves Leborgne, avocat de Nathalie Delhomme, avait trouvé des mots émouvants, pariant de celle qui, « violée à huit ans par son demi-fière, était devenue pute, puis droguée, pour oublier les hommes qui lui passaient dessus ». Et d’expliquer aux jurés que ses aveux l’innocentaient qu’elle avait été témoin malgré elle, et qu’elle au-rait eu intérêt à se taire si elle avait été impliquée. Les défenseurs de Marc Petaux avaient rappelé que les charges qui pesaient sur leur client étaient faibles. La tâche avait été plus rude pour ceux d’Oulamara qui, chaque jour d’audience passant s’était retrouvé de plus en plus isolé.