Marine Pennetier, avec Elizabeth Pineau 11/04/2012
Plusieurs rescapés du naufrage d’un bateau qui avait causé la mort de 63 migrants en 2011 au large de la Libye ont déposé plainte contre X mercredi pour « non assistance à personne en danger », mettant explicitement en cause l’armée française.
La plainte a été déposée auprès du Tribunal de grande instance de Paris au nom de quatre survivants, soutenus par une coalition d’ONG, dont la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti).
Ce dépôt de plainte survient deux semaines après la publication d’un rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) qui pointe la responsabilité de l’Italie et de l’Otan dans la mort de ces réfugiés.
Le 27 mars 2011, quelques jours après le début de l’intervention militaire internationale en Libye, 72 migrants d’origine africaine montent à bord d’une fragile embarcation dans l’espoir de rallier les côtes italiennes.
La situation se détériore rapidement à bord du zodiac qui dérive plusieurs jours avant d’être finalement rejeté sur les côtes libyennes le 10 avril. Au total, 63 personnes sont mortes, dont 20 femmes et 3 enfants, dans une zone largement surveillée et patrouillée par les membres de l’Otan participant à l’opération en Libye.
« Alors que beaucoup de navires ou d’hélicoptères des troupes de l’Otan patrouillaient à proximité, personne n’est venu au secours de ces gens qui sont décédés dans des circonstances particulièrement atroces », a indiqué Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH, lors d’une conférence de presse à Paris.
« Ces personnes pouvaient aisément être sauvées. Il y avait un hélicoptère qui a survolé le bateau et qui a même fourni quelques litres d’eau et quelques aliments et cet hélicoptère est parti comme si de rien n’était. C’est tout à fait inadmissible, la justice est là pour essayer de déterminer qui sont les responsables. »
SIGNAUX DE DÉTRESSE
Quelques heures après avoir quitté Tripoli, l’embarcation est survolée par un avion de patrouille français qui prend une photographie du zodiac et le signale aux gardes côtes italiens.
Selon le récit des survivants, l’embarcation est survolée à deux reprises par des hélicoptères dont l’un larguera plusieurs bouteilles d’eau et des biscuits. Les appels de détresse ont été renouvelés toutes les quatre heures pendant dix jours, souligne la FIDH.
« Dès lors qu’il y a eu des signaux de détresse qui ont été donnés, réceptionnés et ça nous en avons la preuve, par des navires qui étaient à proximité, nous attendions de ces navires qu’ils viennent en aide à cette embarcation », indique Patrick Baudouin, qui fait état de 38 navires patrouillant dans la zone en raison du conflit libyen.
« Pour la France, nous avons deux bateaux qui se trouvaient à proximité, c’est la raison pour laquelle une plainte est déposée aujourd’hui en France ».
Cette plainte, qui vise principalement les militaires français, pourrait être suivie par d’autres en Espagne, en Italie ou en Grande- Bretagne, souligne-t-on à la FIDH.
« La France n’a ni plus ni moins de responsabilités que les autres pays qui faisaient partie de l’Otan et qui sont intervenus en Méditerranée », selon Patrick Baudouin.
En mai 2011, l’état major français avait démenti l’implication d’un navire français dans cette affaire.
« Le (porte-avions) Charles-de-Gaulle n’a jamais été en contact avec ce type d’embarcation, ni aucun autre bâtiment français, compte tenu de sa position », avait dit à Reuters Thierry Burkhard, porte-parole de l’état-major des armées.
« Le Charles-de-Gaulle ne s’est jamais trouvé à moins de 200 km de Tripoli alors qu’ils annoncent ce bateau à 60 miles nautiques, soit 110 km de Tripoli. »
Selon l’Organisation internationale pour les migrations, près de 346.000 étrangers avaient fui la Libye fin mars 2011.