17/06/2004
UN « RETOUR EN ARRIÈRE » élaboré « en catimini » doublé d’une volonté de « mise au pas des juges administratifs ». C’est en ces termes que plusieurs associations et syndicats (Gisti, Cimade, LDH, Syndicat des avocats de France et Syndicat de la magistrature) ont protesté, hier, contre une proposition de loi sur l’expulsion des étrangers qui doit être débattue aujourd’hui à l’Assemblée nationale.
Présenté par deux députés UMP, ce court texte vise en effet à exclure des catégories d’étrangers protégés de l’expulsion ceux qui – comme l’imam de Vénissieux à l’encontre des femmes – ont eu un comportement « constituant des actes de provocation explicite à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».
Fin avril, au grand dam du ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin, le tribunal administratif de Lyon avait suspendu l’arrêté ministériel d’expulsion (AME) d’Abdelkader Bouziane. L’Elysée était alors venu à la rescousse du ministre en estimant qu’il y avait « un vide juridique à combler ». « Nicolas Sarkozy avait déjà regretté que la justice ne facilite pas le travail de la police. Son successeur va encore plus loin ! Le politique ne peut faire de la loi un outil modulable à sa volonté ! », s’indigne le président du Syndicat des avocats de France, Daniel Joseph.
« Des critères très flous »
Par-delà son caractère opportuniste, les cinq organisations estiment que cette proposition de loi porte atteinte à la réforme de la « double peine » adoptée il y a huit mois. Cette dernière, qui modifiait l’article 26 de l’ordonnance de 1945 sur l’entrée et le séjour des étrangers, excluait certaines catégories d’étrangers des mesures d’éloignement du territoire à trois exceptions près (terrorisme, espionnage, provocation à la haine en raison de l’origine ou de la religion).
« Alors même que les étrangers concernés par la réforme se heurtent à une foule de difficultés, la nouvelle exception ouvre un champ beaucoup plus large sur des critères très flous », dénonce Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti. « Elle ouvre la voie à d’autres futures dérogations », souligne Gérard Tcholakian, du Syndicat des avocats de France (SAF).
Les associations s’inquiètent aussi d’un projet de décret en cours de rédaction au ministère de l’Intérieur. Il viserait, selon les propos tenus par Dominique de Villepin dans une interview récente au « Figaro », à faire du Conseil d’Etat « le juge en première et dernière instance des questions d’expulsion pour motif terroriste ». Là encore, à leurs yeux, un projet qui marque l’« intrusion croissante du pouvoir exécutif
dans la justice ».